Le Bénin a fermé sa principale frontière avec le Niger dimanche 30 juillet 2023 après le double sommet Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa)-Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), tenu à Abuja (Nigéria) et consacré à la situation politique marquée par un coup d’Etat militaire. Au terme de la rencontre d’Abuja, les chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao ont condamné toute tentative de prise de pouvoir par les armes et pris une batterie de mesures à effets immédiats.
Ces mesures sont, entre autres, la fermeture des frontières aériennes et terrestres entre le Niger et les pays de l’Uemoa, l’interdiction de survol de l’espace à tout aéronef en provenance ou à destination du Niger, la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les pays de l’Uemoa et le Niger y compris celles portant sur les produits pétroliers, l’électricité, les biens et services.
Les sanctions porte aussi sur la suspension de toutes les transactions financières entre les pays de l’Uemoa et le Niger, le gel des avoirs financiers et monétaires de l’État du Niger à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) et dans les banques commerciales des pays de l’Uemoa.
D’autres mesures concernent le gel des avoirs financiers et monétaires des entreprises publiques et parapubliques du Niger à la Bceao et dans les banques commerciales des pays de l’Uemoa, la suspension des opérations financières entre les banques du Niger et les banques installées dans les autres pays de l’Uemoa.
Enfin, la suspension de toute assistance et transaction financière en faveur du Niger par les Institutions de financement de l’Uemoa particulièrement la Banque ouest-africaine de développement BOAD, l’interdiction de voyage pour les auteurs de cette tentative de coup d’État, le gel de leurs avoirs financiers et la confiscation de leur patrimoine.
Ce chapelet de sanctions vise l’isolement du Niger. Un pays dont la plupart des importations passent par le port de Cotonou au Bénin. Une fois déchargés des bateaux, les véhicules d’occasions, les produits alimentaires, pharmaceutiques, l’essence et beaucoup d’autres produits prennent la route de Niamey, capitale du Niger. Selon diverses sources concordantes, le corridor Cotonou – Niamey est le plus fréquenté de la région et des statistiques estiment à environ 1000 le nombre de véhicules qui franchissent la frontière entre le Niger et le Bénin chaque jour.
Le Violet de Galmi
Dans l’autre sens, celui des exportations, l’oignon est le principal produit composant les flux de marchandises qui quittent le Niger pour l’ensemble de la sous-région, la Cedeao. L’oignon est la première culture maraîchère au Niger. Selon des données fournies par le réseau national des chambres d’agriculture du Niger, la production annuelle d’oignon est estimée à 500.000 tonnes, classant ce pays au deuxième rang des producteurs ouest-africains. Le Niger est le premier exportateur d’oignons de la Cedeao, hors Nigeria.
Le Niger exporte sa variété la plus connue, le Violet de Galmi, dont le goût, la tenue dans les sauces et les aptitudes à la conservation ont conquis tous les pays de l’Afrique de l’ouest,
se flatte le Réseau national des chambres d’agriculture du Niger.
Certes on rencontre de l’oignon dans tous les pays de la sous-région ouest africaine. Mais en termes d’importance en volumes des exportations, le Niger, le Burkina, le Mali et le Sénégal sont prédominants. Au Niger, la production d’oignon est en hausse constante depuis plus de 60 ans.
Selon des chiffres du Réseau national des chambres d’agriculture du Niger, entre 1996 et 2005, la production a été en moyenne d’environ 270.000 tonnes, soit dix fois plus qu’en 1960, quand la production était autour de 25 000 tonnes d’oignon par an. En 2000, la production a atteint le cap de 350 000 tonnes. Ces dernières années, la production nationale est autour de 450 000-500 000 tonnes par an.
La région de Tahoua, située au centre sud du pays, produit plus de trois quarts de la production nationale. Elle est aussi de loin la zone la plus pourvue en écotypes locaux, parmi lesquelles la variété la plus connue et la plus cultivée, incontestablement le Violet de Galmi de la vallée de la Maggia, communément appelé « Tassa ».
Il jouit alors d’un avantage commercial dans les marchés locaux et sous-régionaux. Les autres zones de production se situent quasiment dans toutes les régions du Niger : les vallées de la Maggia, et de la Tarka et les plateaux de l’Ader-Doutchi (Tahoua), les vallées de Goulbi (Maradi), les vallées de l’Aïr (Agadez), la vallée de la Komadougou (Diffa), les Dallols Maouri et Bosso (Dosso), la Koroma (Zinder), la vallée du fleuve et ses affluents (Tillabéry et Dosso).
En droite ligne d’une production croissante, la consommation d’oignons dans la sous-région de la Cedeao est assez forte et elle a été estimée entre 10 à 25 % de la consommation de légumes en Afrique de l’ouest (Tarchiani et Robbiati, 2013).
Au Niger, en 2012 l’étude « Éplucher l’oignon » reportait des statistiques de l’INS qui parlent d’une consommation moyenne d’oignons dans les zones urbaines estimée à 3,3 kg/habitant/an et de 1,1 kg/ habitant/an dans les zones rurales.
Cette demande représente une demande commerciale de 7.000 tonnes par an pour les urbains et environ 14 000 tonnes par ans pour les populations rurales. Les feuilles et tiges de l’oignon quant à elles sont utilisées pour faire différentes sortes de produits : gabou qui est utilisé comme condiment.
Une analyse approfondie de la chaîne de valeur oignon au Niger 2021-2030, publiée en aout 2022, consultée par Invest-Time, indique qu’en l’état actuel, la chaîne de valeur oignon génère 206 millions d’euros de valeur ajoutée par an. Elle mobilise l’équivalent de 82 400 emplois plein temps.
Sur base d’un scénario prospectif de croissance, la chaine de valeur devrait en 2030 dépasser 430 millions d’euros de valeur ajoutée (+77%). Ceci représente une croissance économique annuelle de près de 7,6%.
On note aussi la création de l’équivalent de 32 000 emplois additionnels dans la chaîne de valeur. La chaîne de valeur oignon constitue actuellement 1,7% du PIB et 4,3% du PIB agricole du Niger (PIB de 2020 12,1 milliards d’euros). En 2030 elle devrait monter à plus de 2,1% du PIB national et 5,2% du PIB agricole (sur base d’une croissance du PIB de 5,5% par an entre 2020 et 2030).
Marchés d’exportation
Le gros de la production d’oignon est tourné vers l’extérieur. Plus de 95% de la production nationale est ainsi destinée à l’exportation. En particulier, la production de Tahoua et Agadez orientée vers l’exportation. L’oignon nigérien est principalement orienté sur les pays voisins et côtiers : Côte d’Ivoire, Ghana, Bénin, Burkina Faso et Nigeria. Les autres destinations sont le Mali et l’Algérie.
Un troisième canal qui est potentiellement de grand intérêt économique est encore au stade de prospection. Il s’agit de demandes pour l’oignon séché en tant qu’ingrédient pour l’industrie agro-alimentaire. Nestlé s’oriente sur le Niger pour satisfaire ses besoins en oignons séchés,
fait savoir le Réseau des chambres d’agriculture du Niger.
Les données obtenues de l’INS sur les exportations formelles au cours de la période 2016- 2019 sont très en deçà des exportations effectives d’oignons. Selon les statistiques pour la période 1990-2000, le tonnage exporté oscillait entre 10.000 et 60.000 tonnes par an. On pense que ces tonnages ne correspondent qu’à 7 à 36% de la production réalisée pendant les années de la même période. Les exportations non contrôlées représentent 40 à 85% des exportations réellement effectuées.
Notamment les circuits commerciaux avec le Nigeria échappent aux statistiques. En fait, le marché principal du Niger est le Nigéria, ces exportations sont cependant en grande partie informelle. Les faiblesses structurelles et organisationnelles constituent des entraves pour une bonne canalisation des principales zones de production de la région vers les marchés de demande.
Le Niger a deux concurrents importants pour l’approvisionnement en oignon des marchés des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest : il s’agit du Burkina Faso et surtout des Pays Bas (oignon de Hollande).
En 2009, les Pays-Bas auraient exporté 288 000 tonnes d’oignon en Afrique de l’Ouest dont 64 000 tonnes en Côte d’Ivoire, 120 000 tonnes au Sénégal, 37 000 tonnes en Mauritanie et 34 000 tonnes en Guinée, (données Eurostat, juin 2010).
En 2010, le Burkina a atteint un volume de production de 231 000 tonnes contre 100 000 tonnes en 2009, soit une augmentation de 131%.
Le « Plan d’actions opérationnel de la filière Oignon » (Gouvernement du Niger, 2009) cité dans l’analyse approfondie de la chaîne de valeur oignon au Niger 2021-2030, note que le système d’exportation formel de l’oignon nigérien est animé par trois axes principaux : l’axe Niger-Côte d’Ivoire, par des commerçants d’origine nigérienne installés en Côte d’Ivoire ou restés au Niger qui contrôlent exclusivement ce marché. Ils sont organisés en réseau de grossistes réceptionnistes ou importateurs demi-grossistes (en Côte d’Ivoire) et en transporteurs et exportateurs (au Niger) ; l’axe Niger-Ghana : à l’instar de l’axe ivoirien, celui-ci est principalement contrôlé par les opérateurs nigériens installés au Ghana ; et l’axe Niger-Bénin/Togo : contrairement aux précédents, cet axe est contrôlé par des opérateurs togolais pour le Togo et par des opérateurs nigériens et béninois pour le Bénin.
La commercialisation dans la sous-région est essentiellement informelle, mais des efforts de formalisation ont été entrepris, notamment par la création de comptoirs.
Les oignons du Niger qui vont vers la région Ouest africaine doivent être transportés sur de grandes distances atteignant parfois 2 000 km, ce qui peut prendre jusqu’à 15 jours et occasionne des pertes de plus de 5%. L’oignon est l’un des légumes crus les plus commercialisés dans le monde. Il contribue à l’amélioration des recettes d’exportation du Niger.