Les Africains voyagent beaucoup plus qu’il y a 15 ans. Ils ont de plus en plus envie de démystifier le tourisme en Afrique jadis considéré comme une affaire réservée. Selon le rapport de la Cnuced sur le développement économique en Afrique, intitulé Le tourisme au service d’une croissance transformatrice et inclusive, en Afrique subsaharienne, ce sont deux touristes sur trois qui sont originaires du continent.
Les données sur lesquelles s’appuie cette importante conclusion montrent que contrairement à ce que l’on pourrait croire, les Africains ont un engouement pour le tourisme africain. Le tourisme représente maintenant environ 8,5 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique.
Porté par des États désireux de soutenir leurs filières locales et des initiatives privées promouvant des voyages de proximité, le tourisme intérieur prend peu à peu son envol sur le continent. Après l’« année blanche » qu’aura été 2020, puis la lente reprise amorcée en 2021, la filière touristique africaine reprend enfin des couleurs. Portées par la réouverture des frontières, l’allègement des protocoles sanitaires et des campagnes de communication à tout va, les arrivées internationales sur le continent sont aussi en forte hausse depuis le début de l’année (+51 % en janvier 2022 par rapport à l’année précédente, selon l’Organisation mondiale du tourisme).
Des atouts majeurs
La beauté des montagnes, de la savane et des rivières africaines ainsi que la richesse de la culture au travers de la musique, de la danse et des festivals surpassent largement les atouts naturels et culturels d’autres régions. Le tourisme peut tirer parti de ces attributs et jouer un rôle fondamental dans le développement de la région.
Faune emblématique et espèces d’oiseaux rares, sommets enneigés, chutes d’eau et forêts majestueuses, mais aussi plages immaculées et récifs coralliens : les ressources naturelles de l’Afrique sont sublimes et d’une valeur inestimable. Le Kilimandjaro, le mont Kenya, les chutes Victoria, les plages de sable blanc de Zanzibar comme la grande migration des gnous à travers le parc Massaï Mara et le Seregenti sont autant de miracles de la nature qui font partie des attractions touristiques les plus célèbres au monde.
En effet, les recettes touristiques constituent une source vitale pour de nombreuses économies. Environ 50% du produit intérieur brut (PIB) des Seychelles provient du tourisme, 30% au Cap-Vert, 25% à l’île Maurice et 16% en Gambie. La Banque mondiale indique que le tourisme représente 8,9% du PIB en Afrique de l’Est, 7,2% en Afrique du Nord, 5,6% en Afrique de l’Ouest et 3,9% en Afrique australe. Et seulement 1% en Afrique centrale.
Il n’y a qu’en Afrique que la rencontre avec des animaux sauvages peut procurer un tel frisson aux touristes : vous pouvez randonner aux côtés des gorilles au Rwanda, vous promener avec des guépards en Zambie, découvrir des lions dans les arbres en Ouganda ou admirer la faune de la réserve naturelle de Maputo, au Mozambique, tout en vous prélassant sur des plages sublimes… Pour vivre cette expérience, les gens sont prêts à payer le prix fort, ce que certains pays africains ont bien compris en développant des niches lucratives.
L’Afrique est le continent ayant connu les plus fortes croissances touristiques, partant de seulement 14,7 millions de visiteurs en 1990, pour grimper à 26 millions de touristes internationaux en 2000 et à 56 millions en 2014. L’Organisation mondiale du tourisme prévoit 300 millions de touristes qui visiteront le continent africain en 2035.
Il faut séduire les locaux
États et opérateurs touristiques du continent multiplient les initiatives afin de séduire les locaux, invités ainsi à (re)découvrir leurs pays et sous-régions.
Au Maroc, la campagne « Ntla9awfbladna » invite notamment les nationaux à redécouvrir leur patrimoine culturel. De quoi booster le tourisme domestique, un segment qui fournirait déjà, selon l’Office national marocain du tourisme (ONMT) « près d’un tiers des touristes » recensés.
En Afrique subsaharienne, les autorités togolaises ont également décidé de diversifier les sources de revenus du secteur touristique – en baisse de 64 % entre 2019 et 2020 – en misant sur les activités domestiques et de proximité. Au Cameroun, sentant le filon, les opérateurs touristiques privés se positionnent aussi de plus en plus sur ce segment.
Tourisme culturel, balnéaire, mais aussi d’affaires… Le continent regorge de potentiel en la matière. Les flux internationaux vers l’Afrique poursuivent leur montée en puissance, + 7 % en 2018, soit un point au-dessus de la moyenne mondiale.
Ces performances sont d’abord dues au Maroc (12,3 millions de visiteurs) mais aussi à la Tunisie, qui connaît un rebond d’activité. Le Kenya, la Côte d’Ivoire, Maurice et le Zimbabwe les suivent de près, le Cap-Vert se démarque également avec une croissance à deux chiffres, grâce à l’amélioration de sa connectivité aérienne.
Restructurer le secteur du tourisme, un impératif
Avoir des atouts incroyables, une belle plage, de beaux paysages, un beau patrimoine, ne fait pas une offre. Pour promouvoir une destination, il faut transformer ses atouts en activités. Autrement dit, l’équiper en infrastructures, la rendre accessible en transport, y assurer la sécurité, installer des dispositifs d’accueil et d’informations… Autant d’éléments qui dépendent d’investissements publics, nécessaires pour attirer les opérateurs privés.
L’ouverture du ciel marocain a en effet permis au pays de retrouver une clientèle importante et de faire émerger le tourisme de loisirs, contrairement à d’autres pays qui se concentrent sur les voyageurs d’affaires dans les capitales. Par ailleurs, la généralisation du visa à l’arrivée est aussi l’un des facteurs clés de progression du secteur.
En novembre 2018, l’Éthiopie a assoupli sa réglementation en la matière, autorisant tous les ressortissants africains à en faire la demande à leur entrée sur le territoire. L’ouverture du nouveau terminal de l’aéroport international d’Addis-Abeba, en février 2019, lui permet d’accueillir 22 millions de passagers chaque année. Et le World Travel & Tourisme Council (WTTC) évalue l’industrie du voyage et du tourisme à 35,2 % des exportations éthiopiennes (rentrée de dévises). Ce secteur devrait connaître une croissance de 4 % par an dans les dix prochaines années.
Il faudrait enfin miser sur le tourisme du loisir et la classe moyenne. L’émergence d’une classe moyenne sur le continent ouvre également de nouvelles perspectives de développement des loisirs. Le Nigeria par exemple représente un réservoir de clientèle.
En Côte d’Ivoire, pays qui, depuis sept ans, connaît une croissance supérieure à 7 %, le tourisme de loisirs représentait 62 % des visites en 2017. Le tourisme est sans doute un nouveau territoire à conquérir car ce secteur représente de manière directe et indirecte environ 10 % des emplois et du PIB au niveau mondial.