Les pays producteurs de bois sont attendus à Macao les 21 et 22 novembre 2023. C’est cette ville chinoisequi va abriterle forum mondial 2023 sur le bois légal et durable. Les travaux auront pour thème « Connecter, coopérer et partager pour promouvoir le redressement du marché mondial des bois tropicaux ».
Initié par l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT), ce forum a pour objectifs d’intensifier le réseautage, la collaboration et les échanges inter-entreprises et les acteurs de la filière forêt-bois à savoir les producteurs, acheteurs, industries de transformation, et les acteurs du marché.
Ceci dans la perspective de promouvoir la gestion durable des forêts, mettre en place des chaînes d’approvisionnement en produits bois de source légale et durable, faciliter l’emploi et le commerce de produits bois de source légale et durable au sein d’un environnement commercial stable, transparent et prévisible, contribuer au développement durable et à l’atténuation du changement climatique.
L’accroissement de la visibilité des forêts de production demeure également une préoccupation majeure, mais les acteurs présents à ces travaux vont en outre recenser les défis à relever pour le redressement de la filière forêt-bois mondiale et les opportunités qui se présentent à cet égard.
Le bassin du Congo couvrant l’Afrique centrale – c’est le deuxième bassin pourvoyeur de la biodiversité au monde après celui de l’Amazonie –, les pays constituant cet espace économique sont vivement attendus au forum de Macao. Le Gabon au premier plan. L’industrie de la transformation du bois dans ce pays du golfe de Guinée a pris une courbe ascendante depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, d’un décret portant sur l’interdiction des exportations du bois sous forme des grumes.
Ce décret signé fin 2009 est l’un des premiers actes décisifs pris par le président Ali Bongo peu après son élection à la magistrature suprême de ce pays. Une décision qui ne lui avait pas valu que des amis, mais qui a eu pour effet l’augmentation du volume du bois transformé sur place au Gabon et l’industrialisation de la filière bois.
En dix ans, le Gabon améliore sa production
La production gabonaise du bois a doublé entre 2011 et 2021 passant de 1,9 million de mètres cubes en 2012 à 3,7 millions de m3 en 2021, selon des données publiées par la direction générale du Trésor français, elle-même citée par notre confrère Nouveau Gabon (article paru en 2022). Du coup en 2021, le Gabon est le pays qui a enregistré la plus forte production dans la zone Afrique centrale « en lien notamment avec la zone économique spéciale de la Nkok », souligne le journal.
La Banque économique des Etats de l’Afrique centrale (Béac) estime à 9,2 millions de mètres cubes le volume de la production de bois enregistrée en 2021 dans cet espace économique. Soit une hausse de 51,6% par rapport à 2011. Avec son volume de 3,7 millions de m3, le Gabon trône en tête, suivi du Cameroun (2,4 millions de m3), et du (Congo : 2,3 millions de m3). Ces trois pays étant les principaux producteurs de la Cemac.
Le bilan de la mesure des autorités gabonaises est flatteur. Le Gabon transforme 69% de son bois mais seulement 31% de la production est expédié vers le marché international. En 2022, GSEZ a permis de transformer 1. 153. 599 m3 de bois et d’exporter 622 026 m3 de bois transformé, qui représentent 60% des exportations du Gabon en 2022.
Cette société est codétenue par la Caisse des dépôts et consignations du Gabon représentant l’Etat gabonais à hauteur de 58,5% et Arise IIP, un développeur d’infrastructures panafricain opérant dans 11 pays et qui détient 61,5% des parts de GSE, cette dernière étant une référence mondiale en développement industriel et économique en Afrique. Grâce aux mesures incitatives en faveur des producteurs locaux, le Gabon a surclassé le Cameroun.
Le pays de Paul Biya n’assure que 29% de la production de bois de la Cemac. Le Gabon à lui tout seul en produit 40%. Le Cameroun ne transforme localement que 36% de sa production et en exporte 64%, selon le rapport de l’Indice composite des cours des produits de base (ICPPB) au 2e trimestre 2022.
Selon un communiqué signé le 28 septembre dernier, entre 2017 et 2023, les taxes payées à l’Etat par Gsez s’élèvent à environ 54 milliards de F CFA (retenue à la source, TVA, CSS, patente, taxes forestières, imports sur les sociétés). GSEZ a également versé à l’Etat 70 milliards de F CFA au titre des taxes employés/employeur.
Parmi les employés d’Arise Gabon, environ 87% sont des citoyens gabonais. En 2020, la GSEZ représentait 16% des emplois privés formels et était le premier employeur privé du pays,
souligne le même communiqué dont nous avons eu copie. La société Arise Gabon se réjouit d’
apporter depuis 13 ans toute sa capacité d’investissement internationale, son expérience et savoir-faire reconnu internationalement pour créer des filières industrielles d’excellence et des infrastructures de standard international,
dans le cadre d’un modèle de partenariat public-privé le liant au Gabon.
La Cemac « bloque » le projet de transformation locale du bois camerounais
Mais le Cameroun pourrait retrouver plus tard son rang au sommet à la faveur d’une mesure prise fin 2022 par les autorités de ce pays pour emboîter le pas au Gabon. L’interdiction des grumes dans ce pays devait être effective depuis le 1er janvier 2023 pour favoriser la transformation locale de bois, mais elle a été reportée sine die par la commission de la Cemac.
La loi de finances 2022 prévoyait le relèvement du taux du droit de sortie applicable aux bois exportés sous forme de grumes de 35% à 50% afin de décourager les expéditions des grumes vers le marché international. Dans le même sillage, « l’Afrique en miniature » encourage la transformation locale en exonérant de tous les droits et taxes de douane à l’importation, les appareils, équipements, matériels et outils importés destinés au développement de l’activité locale de « transformation poussée » du bois.
Au Cameroun, le secteur du sciage artisanal demeure une activité vitale pour des dizaines de milliers de Camerounais, urbains et ruraux confondus, d’après le Center for International Forestry Research (CIFOR). Selon cet organisme, des milliers d’emplois directs ont été créés ces dernières années par ce secteur « devenu aussi important que celui du secteur forêt-bois industriel ».
Au total, 40 000 à 45 000 personnes participent à cette activité en zones rurales, et dégagent plus de 51,4 millions de dollars US soit 32 milliards de F CFA. Le pays produit de manière informelle des sciages dont d’importants volumes sont écoulés sur le marché domestique local, et une infime partie (tout juste 7%) exportée. La qualité de matières premières approvisionnant le marché intérieur est certes diverse mais largement inférieure à celle légalement destinée à l’exportation.
L’appui de l’ATIBT aux entreprises forestières camerounaises et aux acteurs du marché intérieur à travers la mise du projet « Appui au secteur privé forestier et à la filière du bois au Cameroun pour le Pacte Vert (ASP-PV) » apparaît dès lors comme une panacée. Le lancement dudit projet était annoncé pour le 24 février 2023. Dans une démarche de promotion du développement durable et de la transparence, ce projet vise à « aider le secteur forestier camerounais à faire face à différents défis : fin annoncée de l’exportation des grumes, adoption du Règlement européen contre la déforestation importée, inscription d’essences nouvelles à la CITES, entre autres, qui requièrent un appui au secteur de manière à l’aider à gérer ces changements ».
De plus, ce projet permettra de préparer la transition vers l’arrêt de l’exportation des grumes pour aller vers 100 % de transformation à l’horizon 2025, considéré comme réaliste par les autorités camerounaises.
182 900 arbres exportés illégalement vers la Chine entre 2020 et 2022
En dépit des batteries de mesures prises ici et là pour rentabiliser au mieux la filière forêt-bois, le problème de trafic illicite se pose avec acuité. Pour s’en convaincre, entre mai 2020 et janvier 2022, 123 000 tonnes de bois de rose encore appelé « bois de vêne » ou « kosso » ont quitté illégalement le Mali en direction de la Chine pour y être transformés, en violation d’une loi en vigueur dans ce pays interdisant la récolte et l’exportation de cette essence déclarée espèce menacée depuis 2017 par la Convention sur le commerce international des espèces sauvages (CITE). Ce regain de l’activité illicite a été favorisé par l’explosion de la demande chinoise en mobilier.
Selon l’Agence internationale de l’environnement (EIA), ces chiffres sont l’équivalent de 4500 conteneurs, 365 900 grumes ou encore 182 900 arbres. Le phénomène de pillage des essences est également signalé aussi bien en Casamance qu’au Cameroun et à l’est de la République du Congo, où le phénomène bénéficie de l’instabilité permanente de ce territoire.
2014 est présentée comme l’année où ces trafics ont atteint leur apogée à la faveur du pic de la demande chinoise des essences du continent tel que nous l’avons relevé. Entre 2016 et 2020, pour ne prendre que cet exemple, plus de 2 millions de grumes ont été abattues en Afrique de l’Ouest puis exportées sans déclaration préalable des quantités récoltées depuis leurs pays d’origine.
Les exportation de bois d’œuvre en RDC parmi les plus faibles du bassin du Congo
En République démocratique du Congo, les volumes d’exportation de bois d’œuvre dans les concessions de ce pays sont parmi les plus faibles des pays d’Afrique centrale, soit environ 300 000 mètres cubes de production formelle de bois d’œuvre par an, à savoir 3% de la production du bassin du Congo. Entre janvier et novembre 2022, le pays a produit 100 724 m3 de bois grumes et 31 895 m3 de bois sciés, soit au total 132 619 m3 de bois.
Ces chiffres proviennent du Condensé d’informations statistiques de la Banque centrale du Congo. Ce niveau de production est légèrement supérieur à 100 180 m3 de bois grumes et 31 842 m3 de bois sciés produits à la même période en 2021. Pour l’ensemble de l’année 2021, la RDC a produit un volume de 141 357 m3 de bois.
En 2006, la Guinée Equatoriale avait produit 26 000 m3 de placage et 1 500 m3 de sciages. La quasi-totalité de ces volumes ont été exportés vers l’Europe (Espagne, Italie, France) et la Chine. Les concessions forestières n’ont fait l’objet d’aucun aménagement par le passé. S’agissant des essences, le Sapelli arrive en seconde position, avec 1 million de m3, avec une production réalisée sur l’ensemble de l’Afrique centrale, mais ayant le Congo et le Cameroun comme principaux producteurs. L’Ayous est la troisième essence la plus exploitée, avec environ 800 000 m3, provenant essentiellement du Cameroun.
Un problème majeur se pose cependant, avec la décision gabonaise. Il s’agit du risque de voir s’épuiser les réserves forestières du fait de la surexploitation des forêts. Le One Forest Summit qui s’est tenu à Libreville les 1er et 2 mars dernier, a planché sur cette problématique de la gestion durable en lien avec les marchés, entre autres thématiques. L’ATIBT, l’un des participants, n’a pas caché son soutien à ceux de ses membres qui sont engagés dans la gestion durable des forêts.
Les discussions ont permis d’aborder les questions relatives au marché intérieur du bois dans les pays d’Afrique centrale. Parmi les problèmes identifiés par l’ATIBT, figurent la concurrence déloyale du bois illégal sur les marchés, la dégradation des forêts faute de traçabilité. La ministre de l’Economie forestière de la République du Congo, Rosalie Matondo, a souligné la nécessaire confiance mutuelle entre pays producteurs et pays importateurs, à l’aune d’un nouveau règlement européen sur la déforestation importée.
Le premier mot qui est important, c’est la confiance entre les pays producteurs et les pays qui achètent nos produits de nos pays. (…) Ce que je retiens de ce beau panel, (…) c’est cette volonté que les marchés européens s’ouvrent aux produits africains, et donc nous allons faire cette route ensemble pour que la transparence soit de mise et pour que notre opération internationale aille de l’avant ,
a –t-elle déclaré. A la clôture dudit forum, un budget de 100 millions d’euros (50 millions de la France, 20 millions de la Fondation Walton et 30 millions de Conservation International) a été alloué pour une initiative de « Partenariats de conservation positive » (PCP). Initiative axée sur la protection des stocks de carbone et de la biodiversité dans les pays forestiers, avec pour objectif de mettre en place à court terme des contrats pour les pays volontaires qui pourront présenter des retours dès la COP28 à Dubaï fin 2023.