La Confédération africaine de football a lancé à Dar es Salaam, en Tanzanie, sa très lucrative African football League (AFL) ce vendredi 20 octobre 2023. Pour cette édition inaugurale, huit équipes les mieux classées y prennent part : Al Ahly, Simba SC, l’Atlético Petróleos, Mamelodi Sundowns, TP Mazembe, l’Espérance de Tunis, Enyimba FC et Wydad Athletic Club.
Ces huit clubs les plus célèbres et les plus emblématiques d’Afrique se lanceront à la quête des 4 millions de dollars attribués aux vainqueurs de la compétition. Un gain qui augmente considérablement les enjeux de ce nouveau rendez-vous passionnant du football africain introduit au calendrier du football mondial. Dès la saison 2024/2025, elle réunira les 24 clubs de football africains les mieux classés. Et la cagnotte sera forcément revue à la hausse.
Mais pour participer à cette nouvelle compétition de la CAF, au-delà des performances sportives, les clubs doivent posséder la licence CAF. Les critères à remplir sont clairement définis. Sur le strict plan sportif : les clubs en dehors de l’équipe A devront posséder des équipes de jeunes, de réserves et une équipe féminine.
Sur le plan administratif : il faudra avoir un siège fonctionnel avec des bureaux du secrétaire général, du directeur administratif et du directeur financier avec un personnel déclaré à la caisse nationale de prévoyance sociale.
Des footballeurs payés par des moyens légaux. Sur le plan des infrastructures : chaque club doit avoir son terrain d’entraînement homologué ou passer un contrat de bail pour les locations. Sur le plan financier : il faut avoir des personnes habilitées à gérer les clubs notamment un directeur financier avec le niveau requis. Sur le plan juridique, les clubs doivent être légalement constitués (être dans les registres du journal officiel).
La CAF a décidé pour un bon suivi de ces décisions de mettre en place une cellule dans chaque fédération. Aucun club ne pourra participer aux différents championnats s’il n’a pas rempli ces critères pour l’obtention de la licence CAF.
Le passage au professionnalisme en Afrique, exigé par la Fifa, au lendemain du mondial Sud-africain en 2010, n’est pas un luxe. C’est le seul moyen de rendre le football des clubs en Afrique plus attractif, de nature à attirer plus de spectateurs, téléspectateurs et par ricochet des annonceurs et sponsors.
Le cahier des charges de la CAF
Mais au vu de ce qui se pratique dans nos clubs en Afrique, plusieurs interrogations demeurent. Pourquoi sur le continent, la plupart des matches des championnats dits «professionnalisme » d’élite se disputent encore sur les terrains poussiéreux ? Sachant bien que ces enceintes appelées abusivement «stades» ne peuvent attirer ni public, ni annonceurs.
Avant de penser au professionnalisme, les clubs qui n’ont même pas de terrain d’entraînement ou de boîte postale, ont-ils pensé à transformer leurs associations sportives en véritables entreprises ? Le cahier des charges de la CAF, qui obligeait les clubs amateurs de se doter, entre autres, d’un siège, des terrains d’entraînements, de toutes les catégories jeunes, chez les garçons comme chez les filles et d’un budget conséquent… n’a été que très peu suivi par les clubs.
Il est impératif que les Etats africains, via les mairies et ou les entreprises privées, dotent les grandes villes du continent des stades modernes (électrifiés) d’une capacité minimale de 5000 places assises. Le professionnalisme ne se décrète pas, il se construit !
A l’heure de l’industrialisation du football, pourquoi les Etats, les Fédérations et les privés rechignent à investir dans le football, alors que le retour sur investissement est garanti, grâce aux transferts des joueurs et la participation des équipes aux compétitions africaines interclubs ?
Un projet aussi grand que la mise en place du professionnalisme dans le football africain qui a vécu plus d’un demi-siècle dans un amateurisme total ne peut être entamé sans la mise en place d’un préalable : l’assainissement.
La première mesure à prendre, c’est d’éloigner par des mesures dissuasives tous les opportunistes qui rôdent autour du football en Afrique et qui en ont fait une sorte de vache à lait.
Ensuite, il faudra mettre en place des règlements nécessaires, un cahier des charges adapté à chaque fédération (pays) et veiller à leur stricte et rigoureuse application ; entretenir chez tous les acteurs du football une mentalité professionnelle en luttant contre toute forme d’amateurisme ; veiller à la pérennisation des ressources financières (recettes, sponsoring, soutien financier des collectivités locales, revenus des transferts, etc.).
Les Ligues professionnelles doivent agir, par divers moyens, afin que soient formés méthodiquement, avec l’aide des Directions techniques nationales (DTN), dans les centres de formations, les futurs footballeurs professionnels.
Remplir le minimum de critères
Pour y parvenir, une période transitoire d’au moins trois ans est nécessaire. Comme l’a si bien fait le Maroc, la Tunisie, l’Egypte et l’Afrique du Sud. Avec un minimum de volonté, cette période va permettre aux États, aux entreprises privées et/ou aux collectivités locales, de construire des stades. Elle va aussi permettre aux clubs de remplir le minimum de critères (sportifs, administratifs et juridiques) pour entrer dans un véritable professionnalisme.
Le volet financier de nos clubs africains a, jusqu’à maintenant, été non seulement tabou, mais souvent entouré d’une gestion occulte. Pendant des décennies, il a presque toujours échappé au contrôle fiscal des États. Or, à l’image de ce qui se fait en France, les Ligues de football professionnel, dans chaque pays, doivent avoir son gendarme. En France, elle s’appelle la Direction nationale du contrôle de gestion, qui est en fait une commission indépendante chargée de surveiller les comptes des clubs professionnels.
Enfin, chaque club devrait apporter la preuve qu’il dispose, hors subventions et droits TV, des ressources financières nécessaires (fixées par la Ligue) pour aspirer au professionnalisme. Comme rien ou presque tout de ce qui précède n’est fait dans la plupart des pays du continent, l’on vit en Afrique, un professionnalisme de façade.