Le régime militaire à Niamey rivalise de génie ces derniers temps et multiplie les stratégies pour faire face aux difficultés financières consécutives à la suspension de l’aide au développement par les partenaires bilatéraux et multilatéraux du Niger. Le dernier acte pris par les nouvelles autorités du pays est la création d’un « fonds de solidarité pour la sauvegarde de la patrie ».
D’après certains médias occidentaux introduits à Niamey, l’initiative remonte au 08 octobre dernier et il vise à trouver des sources de financement alternatives pour renflouer les caisses du pays, qui connaîtraient un début d’assèchement du fait de ce qui s’apparente à des mesures punitives imposées au pays depuis le coup d’Etat de juillet 2023, qui a renversé le président Mohamed Bazoum et ramené aux affaires les militaires.
L’initiative de Niamey vise à opérer un grand nombre de prélèvements sur certains secteurs de production, notamment les entreprises, les hydrocarbures, entre autres. Niamey envisage également d’opérer plus de ponctions sur les redevances sur les opérateurs de télécommunications titulaires d’une licence au Niger.
Les organisations non gouvernementale (ONG) et les programmes de développement opérant sur le sol nigérien en sont également concernés. Seulement, certaines de ces organisations de la société civile ont subi le gel de leurs financements après le coup d’Etat, apprend-on. Dans la même perspective, le gouvernement militaire entend en outre prélever 1 centime d’euro soit 10F CFA pour chaque ticket de transport terrestre, à l’instar des péages routiers.
Les péages routiers contribuent au budget annuel du Niger à hauteur de 15 millions d’euros soit 10 milliards de F CFA, apprend-on. Dans le cadre de cette campagne de recherche des fonds, la diaspora nigérienne a également été sollicitée pour apporter sa contribution. Les Nigériens résidant au Togo et leurs compatriotes de Dubaï ont d’ores et déjà répondu favorablement à cet appel.
Ils ont mobilisé respectivement 150 000 euros (100 millions de francs CFA) et 16 150 US (10 millions de F CFA) suite à l’appel lancé par le régime militaire au pouvoir depuis juillet à Niamey. D’autres initiatives devraient suivre car les Nigériens dans leur large majorité semblent saluer cet « acte patriotique fort », comme le qualifie le président d’une ONG contacté par nos confrères de RFI.
Plus d’1 milliard d’aide internationale suspendue
A la suite de ce putsch, la France, l’Allemagne, le Luxembourg et, à la suite de ces trois pays, l’Union européenne, avaient décidé de la suspension de leur aide au développement promise au Niger cette année. Soit une enveloppe équivalant à 375 millions de dollars. Il faut noter qu’au moment où survient le coup d’Etat, le 26 juillet 2023, ces pays ont déjà versé 28% de la somme promise.
Avant ces trois pays, tous membres de l’Union européenne, la Banque mondiale avait déjà annoncé pour sa part que l’enveloppe d’environ 1,2 milliard de dollars due au Niger cette année, au titre de l’aide au développement octroyée sous la forme de prêt, ne sera plus reversée au pays du général « putschiste » Abdourahamane Tiani.
Or, de l’avis de nombre d’observateurs, ce manque à gagner représente 6% du Produit intérieur brut (PIB) du Niger. Sur les centaines de millions de dollars que la Banque mondiale et le FMI octroient chaque année comme contribution au budget de l’Etat, seulement quelque dizaine de millions avaient été versés avant la date du coup d’Etat.
Le coup de grâce a été assené sur la face de Niamey le 10 octobre dernier lorsque, pour la première fois depuis l’éviction du président Bazoum, Washington a utilisé le terme « coup d’Etat » pour qualifier les événements du 26 juillet, qui ont porté au pouvoir le général Abdourahamane Tiani.
Ce qui a eu pour conséquence l’application de l’article 7008 du Consolidated Appropriations Act, qui interdit toute assistance aux régimes issus de coups d’Etat.
Les Etats-Unis ont conclu qu’un coup d’Etat militaire avait eu lieu au Niger (…). Conformément à l’article 7008 de la loi de crédit annuelle du département d’Etat, les Etats-Unis suspendent la plupart de leur aide au gouvernement du Niger,
indiquait alors l’ambassade des USA au Niger.
Les Etats-Unis ont ainsi rejoint les autres puissances occidentales en privant leur partenaire nigérien d’une partie de l’aide initialement convenue, soit 302 millions de dollars.
Nous prenons également note de la suspension par le Millennium Challenge Corporation (MCC) de toute assistance au Niger, y compris de tous les travaux préparatoires relatifs à l’accord de transport régional (Niger Regional Transportation Compact), d’un montant de 302 millions de dollars, et de toutes les nouvelles activités relatives à l’accord de 2018,
indique le communiqué. Le 5 août, les États-Unis avaient temporairement suspendu certains programmes d’aide extérieure au gouvernement du Niger, d’un montant total de près de 200 millions de dollars.
Effondrement de la croissance de 6% à 2,3% en 2023
Les nouvelles autorités nigériennes ont engagé le pays sur la voie très risquée et sensible de la souveraineté économique et politique vis-à-vis des puissances occidentales dites « impérialistes ».
Mais, le prix à payer est le sursaut patriotique et le sens du sacrifice que Niamey implore à une population de 25,25 millions d’habitants (statistiques de 2021) croupissant depuis des années sous la pauvreté.
Au regard des sanctions imposées ici et là, la Banque mondiale s’attend désormais à une croissance qui oscillerait autour de 2,3% en 2023, contre 6% initialement escomptée par les prévisions. De nombreux projets en cours de réalisation pourraient en effet connaître des perturbations, ou être à l’arrêt tout simplement. Y compris dans le secteur de l’électricité.
La situation financière de la Nigelec (Société nigérienne d’électricité) va se détériorer avec l’augmentation des coûts, ce qui pèsera sur l’investissement privé,
prévient la Banque mondiale.
C’est le cas des projets d’accès à l’eau, trop dépendants de financements internationaux, ou du barrage hydroélectrique de Kandadji censé assurer l’irrigation d’une grande partie des cultures de cette région.
La Banque mondiale évoque également la centrale de Gorou Banda, financée par l’Agence française de développement (AFD), ou encore le projet de la Muraille verte.
Ce projet fait partie des infrastructures visant à garantir la résilience climatique au Niger et dans le sahel globalement. Enfin, sur le plan éducatif et sanitaire, la suspension de l’aide internationale pourrait affecter la scolarisation de 2 millions d’enfants de nigériens, dont 800 000 filles, à en croire la Banque mondiale.
A lire sur le Niger :
- Pourquoi le Niger interdit la vente de son gaz domestique à l’étranger
- Embargo au Niger : le marché des haricots paralysé en Afrique
- Niger : que peut faire le pays de son uranium ?
- Niger : après les sanctions de la Cédéao, Niamey en passe d’être asphyxiée financièrement ?
- Niger : six milliards de dollars investis dans le secteur pétrolier pour sortir le pays de la dépendance de l’uranium
- Transport fluvial : de gros enjeux autour de l’aménagement du Bassin du Niger, attendu depuis 2013
- Cedeao : oignon du Niger, l’embargo va couper l’approvisionnement des marchés de la sous-région
- Pression : le Nigeria coupe l’approvisionnement en électricité au Niger
- Niger : de grands enjeux économiques autour de l’uranium
- Niger : 25 millions de Dollars pour la construction d’une centrale solaire de 10 MW à Dosso