Depuis le 29 juillet, la France a annoncé la suspension de « toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire » au Niger, après avoir préalablement condamné le coup d’état militaire contre le président Mohamed Bazoum deux jours plus tôt, et exigé (en vain) des putschistes le rétablissement de l’ordre constitutionnel.
En 2022, les appuis de l’Hexagone à ce pays ont représenté environ 120 millions d’euros et, selon des informations du Quai d’Orsay relayées par les médias français, l’enveloppe budgétisée pour 2023, mais qui ne sera pas délivrée pour les raisons susmentionnées se situe légèrement au-dessus du montant de l’exercice passé.
Les militaires ont en tout cas justifié leur coup de force qui a été suivi de la mise entre parenthèses de la Constitution et des principales institutions, par la détérioration de la situation économique de leur pays, combinée à celle sécuritaire alors que des forces occidentales sont stationnées au Niger depuis plusieurs années pour lutter contre le jihadisme.
En effet, 1500 soldats français y sont déployés, contre 1100 américains et une centaine d’Allemands.
Les autorités de transition n’ont pas, pour l’heure, exprimé une quelconque volonté de voir les troupes occidentales décamper et ne semblent pas remettre en question le partenariat stratégique avec la France, notamment pour ce qui est de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, cause pour laquelle le Niger reste l’un des principaux alliés des Occidentaux en Afrique de l’Ouest.
Mais, la suspension par Paris de son aide au développement appelle forcément une réaction du nouveau pouvoir militaire à Niamey. Le risque de rupture est grand, particulièrement en ce qui concerne les accords sur l’uranium, quoique les analyses des experts et des médias français s’accordent à dire que le Niger n’est pas le partenaire le plus important de la France sur cette matière première.
Parmi les principaux producteurs mondiaux d’uranium, ce pays a, selon le comité technique Euratom, fourni à la France 19% de ses approvisionnements en la matière entre 2005 et 2020, derrière le Kazakhstan et l’Australie. Jusqu’en 2021, il assurait les approvisionnements de l’Europe à hauteur de 25%.
Selon l’entreprise française Orano, l’ex-Areva, qui extrait depuis 50 ans dans ce pays une partie de l’uranium destiné à alimenter les centrales nucléaires françaises, le minerai fourni par le Niger couvre actuellement moins de 10% des quantités utilisées dans les centrales nucléaires françaises.
Mais, le fait que l’entreprise détenue à plus de 14% par l’Etat et à près de 69% par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) qui est également un organisme public en France ait dit suivre de très près la situation de ses mines d’uranium est le signe qu’elle tient à la préservation de ses intérêts, de loin supérieurs aux chiffres qui inondent les médias.
C’est d’ailleurs ce qui explique qu’elle ait maintenue sa présence dans le pays malgré les multiples attaques contre ses installations et les enlèvements visant ses employés depuis une dizaine d’années. Pour assurer la sécurité de ses usines et de son personnel, l’entreprise paie à grands frais des sociétés de sécurité privées, qui sont appuyées par des réservistes des forces spéciales françaises, selon le site français « 20 minutes ».
La Chine embuscade
En effet, si la production du Niger a baissé considérablement depuis 2021, passant de près de 3000 tonnes à seulement 2.020 tonnes en 2022 en raison de la fermeture de la filiale d’Orano dénommée Compagnie des mines d’Akokan (Cominak), le géant français mène des études en vue du lancement de l’exploitation du site d’Imouraren, dans le Nord d’Agadez.
C’est l’un des plus grands gisements d’uranium au monde, avec des réserves évaluées autour de 200.000 tonnes. « 20 minutes » explique qu’un accès plus limité à l’uranium nigérien ne serait pas sans conséquence.
Areva pourrait être contraint de se tourner vers les marchés internationaux pour s’approvisionner en minerai, et dépendre des fluctuations des prix. S’ils sont actuellement autour de 42 dollars la livre, il faut se rappeler que les prix avaient atteint les 140 dollars la livre en 2007,
souligne le journal en ligne. A noter que sous sa présidence, l’ex-président Mahamadou Issoufou (2011-2021) avait déjà fait part de la volonté de son pays de renégocier les contrats sur l’uranium, créditant la thèse des ONG selon laquelle seulement 12% de la valeur de l’uranium produit au Niger reviendrait au pays, soit à peine 100 millions d’euros par an.
En valeur relative, ces ressources représentent à peine 5% à peine du budget du pays, alors qu’en 2012, Areva avait réalisé un chiffre d’affaires de 1,36 milliard d’euros sur l’uranium, dont le tiers provenait du Niger.
Les autorités militaires au pourvoir à Niamey pourraient bien surfer sur la vague des manifestations ant-françaises observées depuis le 28 juillet dernier au Niger pour évincer Orano dont la filiale Société des mines de l’Aïr est sous contrat avec le Niger jusqu’en 2040 sur une mine près de la ville d’Arlit.
La Chine dont les investissements directs au Niger étaient évalués à 2,68 milliards de dollars en 2020 – elle se classe juste derrière la France -, pourrait profiter des tensions entre la France et le Niger pour s’arroger certains contrats dans l’uranium, après l’échec en 2015 du lancement de l’exploitation de la mine d’Azelik (centre du Niger), du fait de conditions du marché défavorables.