Après plusieurs années de forte turbulence, l’Etat du Cameroun en sa qualité d’actionnaire unique, a mis en œuvre depuis près de deux ans, un ambitieux chantier de restructuration et de relance de Cameroon Airlines Corporation (CAMAIR-CO). Ce chantier repose sur trois piliers stratégiques : la stabilisation de la compagnie par la maitrise de son réseau domestique, la restructuration financière de la compagnie par le renforcement de ses fonds propres à travers les apports de l’Etat sous la forme de reprise de dette et de transfert d’actifs, et enfin la recherche et la mobilisation des financements par la compagnie auprès des banques et institutions financières pour financer l’acquisition de nouveaux avions.
La première phase du chantier qui a consisté à maitriser et à stabiliser l’exploitation du réseau domestique, peut déjà être considérée comme un premier succès au vu des améliorations constatées à ce jour. En effet, avec une flotte de quatre avions régionaux exploités pour son réseau domestique, CAMAIR-CO assure une régularité et une ponctualité globalement satisfaisantes pour les passagers, qui du coup ont renoué avec leurs habitudes d’antan (pour les plus vieux) de voyager par avion à l’intérieur du pays. Du fait de la forte demande malgré la hausse des tarifs, les clients doivent maintenant réserver leur place des jours à l’avance pour avoir un siège sur un vol. Ce retour aux fondamentaux a permis à CAMAIR-CO de rétablir la nécessaire confiance (bien que toujours fragile) entre la compagnie et sa clientèle pour la fidéliser dans la perspective d’une prochaine extension de son réseau.
La deuxième phase du chantier qui consiste à rendre la compagnie « bancable » par la restructuration financière est également bien amorcée, avec le début il y a un peu plus d’un an, des opérations de reprise par l’Etat du Cameroun de la dette de CAMAIR-CO, et de transfert par l’Etat de la propriété des actifs de l’ex-CAMAIR. A terme, la restructuration financière permettra de recapitaliser la compagnie afin de la rendre plus attrayante pour les banquiers et les investisseurs.
Enfin, les travaux de la troisième phase du chantier portent sur la recherche et la mobilisation des financements par CAMAIR-CO auprès des banques et des institutions financières avec l’appui de l’Etat. Le financement de l’acquisition de nouveaux avions, que ce soit par l’achat ou la location, permettra à CAMAIR-CO d’améliorer ses capacités et d’ouvrir de nouvelles routes au niveau régional et intercontinental. Le financement de l’exploitation quant à lui permettra à CAMAIR-CO d’ouvrir de nouvelles lignes en rationalisant ses opérations, avec un impact sur l’optimisation des coûts de carburant, de maintenance, et autres. Des contacts sont en cours avec des banques et institutions financières.
Cette programmation à court, moyen et long terme du développement des activités de CAMAIR-CO, qui nécessite un investissement important, est vitale pour la survie de la compagnie, car elle permettra, d’une part, d’assurer sa rentabilité à long terme étant donné que les pertes du réseau domestique devront être compensées par la profitabilité attendue des réseaux régional et intercontinental, et d’autre part, de contribuer à la trésorerie de l’Etat en cessant de recevoir des subventions, et pourquoi pas en versant des dividendes des impôts au Trésor Public.
Pour réussir et atteindre tous les objectifs du chantier de la restructuration et relance de CAMAIR-CO actuellement en cours et qui semble être sur la bonne voie, il faudrait également prévoir :
- une organisation interne et un effectif en adéquation avec le niveau d’activité, et avec des ajustements progressifs ;
- un mécanisme de renforcement des fonctions techniques, financières et de contrôle interne ;
- un système d’information moderne et efficace pour la prise de décision ;
- des partenariats ou alliances stratégiques avec d’autres compagnies ou entreprises du secteur ;
- l’exploitation des opportunités de diversification des revenus, telles que le fret aérien, ou le développement de services complémentaires pour accroitre les sources de revenus ;
- une gouvernance d’entreprise solide et efficace ;
- une veille stratégique pour surveiller et s’adapter aux tendances émergentes du marché de l’aviation, telles que les nouvelles technologies, les changements dans les habitudes de voyage et les demandes des consommateurs.
A terme si toutes les conditions sont réunies, les Camerounais qui sont tellement attachés à leur compagnie aérienne nationale, devraient avoir la possibilité de participer au développement de CAMAIR-CO à travers l’acquisition des titres (actions, obligations) que la compagnie pourrait émettre auprès de la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (BVMAC).
Douala, le 29 février 2024
Emile C. BEKOLO
Expert-Comptable