Au moment où le continent africain s’engage résolument dans la transformation numérique, les incidents survenus le jeudi 14 mars 2024 sur divers câbles sous-marins de fibre optique (Le West Africa Cable System (WACS), l’Africa Coast to Europe (ACE), MainOne, SAT3…) et qui perdurent depuis plus de 10 jours sont lourds de conséquences pour les économies d’une quinzaine de pays d’Afrique de l’ouest, centrale et australe. Un expert résume bien la situation :
la façon dont nos entreprises, notre gouvernement utilisent internet fait que cette panne de câble sous-marin est en réalité une panne dans tous les processus économiques.
La majorité du trafic internet transite à travers le monde via des câbles de fibre optique sous-marins, l’un d’entre eux, long de 15.000 km, part du Portugal pour relier Le Cap en Afrique du sud. En tout, près 1,1 million de kilomètres de fibre optique parcourent déjà l’Afrique, selon la Société financière internationale (IFC). Près de 50% de cette infrastructure télécoms à haut débit est porté par des opérateurs privés tels qu’Orange, Liquid Telecom, Seacom, MainOne, MTN, ou Vodacom. L’autre moitié appartient aux Etats à travers des entreprises publiques.
Certains pays comme la Mauritanie, la Guinée, le Liberia, la Sierra Leone, la Gambie ou encore la Guinée Bissau, indique Ecofin, ne sont encore connectés qu’à un seul système sous-marin de fibre optique. Tandis que d’autres comme le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad, la Centrafrique dépendent encore des liaisons terrestres des pays voisins car n’ayant pas d’ouverture maritime pour accueillir un câble sous-marin, souligne Ecofin. La situation est meilleure au Togo, à en croire Emmanuel Elolo Agbenonwossi, président de la branche togolaise d’Internet Society :
Le Togo n’a pas été plus impacté que la plupart des pays. On a observé plus de perturbations dans des pays comme la Gambie, la Côte d’Ivoire, le Bénin ou encore le Liberia, où leur impact était très fort. Et il faut savoir que le Togo est aussi connecté sur plusieurs câbles et pas forcément le même câble que les autres pays,
dit-il, cité par RFI. Au Cameroun, l’institution de la
diversification des voies d’accès à l’Internet avec des voies de redondance satellitaire
est l’une mesure phare de la réunion de crise tenue lundi 18 mars 2024 au ministère des Postes et Télécommunications, à Yaoundé, la capitale du pays, relativement à la perturbation de la fourniture d’Internet. Après le Nigeria, le Kenya, ou tout recensement le Bénin, la solution Starlink commercialisée par Space X du milliardaire américain Elon Musk, annonce le lancement de son service de connectivité par satellite au Cameroun cette année 2024.
Rediriger le trafic par des voies alternatives
Le groupe MTN, l’un des plus grands fournisseurs de réseaux d’Afrique, a déclaré que les perturbations en cours étaient dues à des défaillances de plusieurs câbles sous-marins importants, précisant que « des opérations » sont en cours afin de « rediriger le trafic par des voies alternatives du réseau ». La situation actuelle interpelle donc les Etats africains sur l’urgence d’implémenter les solutions alternatives à l’infrastructure de la fibre optique qui soutiendront l’économie numérique naissante sur le continent.
L’Autorité de régulation des télécommunications de la Côte d’Ivoire (L’ARTCI) a publié ce 19 mars 2024 un communiqué rappelant aux usagers de télécoms du pays que Starlink n’est pas autorisé à commercialiser ses services Internet dans le pays. La commercialisation et l’utilisation des kits (antennes) Starlink sur l’ensemble du territoire ivoirien est donc illégale, d’après le régulateur télécoms. La société Starlink n’est nullement détentrice de l’une des licences individuelles requises pour l’établissement et l’exploitation de réseaux de télécommunications en vue de la fourniture de services d’accès à Internet dans le pays.
Au Mali aussi, le 20 mars 2024, les autorités ont annoncé leur volonté de mettre fin à la commercialisation des kits Starlink. Selon les autorités maliennes, les entreprises de commercialisation et d’installation des kits se multiplient en opérant frauduleusement, le Mali n’ayant pas intégré le réseau africain de Starlink. La RD Congo a également publié le 18 mars 2024 un communiqué interdisant la commercialisation et l’utilisation des kits Starlink.
Pourtant Starlink est une solution alternative aux importantes coupures internet qui perdurent dans plusieurs pays africains à cause de câbles sous-marins défectueux. Le réseau Starlink est porté par la bonne qualité de la connexion et son indépendance vis-à-vis du réseau des télécommunications du pays. Et c’est probablement la raison principale de la méfiance qu’il inspire à des gouvernements africains. Une situation qui embarrasse de nombreux régulateurs télécoms africains partagés entre l’interdiction et la tolérance administrative. Surtout en cette période où les services Internet sont perturbés. Mais les ventes de kits Starlink ne cessent de croître. Le réseau est disponible partout dans le monde en haut débit, et aussi dans les zones rurales et les zones non desservies.
Particularité de l’offre de Starlink, la qualité fluide de la connexion Internet avec des débits allant parfois jusqu’à 260 Mbps,
note Digital Business Africa.
D’autres opérateurs satellites
Starlink indique que son réseau est parfaitement adapté aux zones où la connectivité n’est pas fiable ou est totalement indisponible.
Des populations du monde entier utilisent Starlink pour accéder à l’éducation, aux services de santé et même aux communications en cas de catastrophe naturelle,
s’en vante Starlink, cité par Digital Business Africa. En Afrique aujourd’hui, Starlink revendique déjà une présence officielle dans cinq pays : le Nigeria, le Mozambique, la Zambie, le Kenya et le Rwanda. L’opérateur américain indique que plusieurs pays africains seront officiellement et légalement activés en 2024.
D’autres opérateurs satellites, indique Ecofin, comme AST SpaceMobile préfèrent prendre pour intermédiaires les opérateurs de téléphonie mobile qui sont des acteurs de terrain. Le satellite connait un regain d’intérêt des opérateurs télécoms qui y investissent massivement depuis ces dernières années afin d’élargir leur couverture réseau. Plus d’une centaine d’accords de service ont été signés à cet effet entre les opérateurs de téléphonie mobile et les opérateurs de services télécoms par satellites comme Eutelsat, Intelsat, Yahsat, SES, OneWeb, etc. Le développement des réseaux satellitaires est donc incontestablement une solution pertinente pour l’Afrique, en complément des infrastructures terrestres telles que les câbles sous-marins de fibre optique.