Face à l’hyperinflation qui plombe son économie depuis une vingtaine d’années, et à l’instabilité permanente du taux de change du dollar zimbabwéen par rapport au dollar américain, le Zimbabwe a finalement choisi de battre une nouvelle monnaie dénommée Zimbabwe Gold (ZiG). La nouvelle monnaie a été présentée le vendredi, 05 avril 2024 à Harare par le gouverneur de la banque centrale de ce pays. Il s’agit de huit coupures allant de 1 à 200 ZiG.
Cette monnaie sera émise sous forme de billets et de pièces. Toutes les réserves du dollar zimbabwéen y seront transférées. La nouvelle monnaie sera adossée aux réserves de devises étrangères et de métaux précieux,
a annoncé John Mushayavanhu, le gouverneur de la Reserve Bank of Zimbabwe (RBZ), la banque centrale du pays. L’institution bancaire accorde aux populations un délai de 21 jours pour se débarrasser des anciens billets de dollars zimbabwéens, qui ne seront bientôt plus d’aucune utilité. Les entreprises, elles, pourront continuer d’utiliser le dollar zimbabwéen pour régler au moins 50% de leurs impôts, a-t-on appris.
A compter d’aujourd’hui [5 avril 2024], les banques convertiront les soldes actuellement libellés en dollars zimbabwéens dans la nouvelle monnaie baptisée Zimbabwe Gold (l’or du Zimbabwe), ZiG,
a déclaré John Mushayavanhu. Les autorités du pays d’Emmerson Dambudzo Mnangagwa justifient cette restructuration de la politique monétaire par l’urgence de juguler l’inflation découlant de l’instabilité de l’ancienne monnaie nationale et, surtout, de restaurer la confiance des Zimbabwéens en leur monnaie et envers la politique monétaire de leur pays. La mesure vise donc « la simplicité, la confiance et la prévisibilité du Zimbabwe », selon la RBZ.
« Nous voulons une monnaie nationale solide et stable », a affirmé le gouverneur de la banque centrale. Il a ajouté que le taux de change du ZiG sera déterminé par le taux de change interbancaire de clôture qui était en vigueur au 5 avril, d’une part, et le prix de l’or au London Fix Price au 4 avril 2024 d’autre part. Le London Fix Price étant la valeur mondiale des métaux précieux émis par la London Bullions Market Association. Ce prix est fixé chaque jour.
Une inflation sans cesse galopante
En 2008, l’inflation dans ce pays d’Afrique australe avait atteint des taux records, dépassant les 500 milliards de dollars américains. Depuis lors, le Zimbabwe a tenté huit fois de suite de se doter d’une nouvelle monnaie locale fonctionnelle, à en croire l’agence de notation financière Bloomberg. Pourtant, il n’est pas parvenu à stopper la bourrasque inflationniste.
En 2009, le pays avait déjà abandonné sa monnaie nationale, le dollar zimbabwéen au profit du dollar américain. Dix ans plus tard, en 2019, les autorités ont fait marche arrière en introduisant à nouveau dans les circuits économiques le dollar zimbabwéen. Mais elles n’ont pas réussi à gagner la confiance d’une population en proie à l’extrême pauvreté.
Gagnés par la psychose, de nombreux Zimbabwéens ont continué depuis lors à effectuer leurs transactions en USD, notamment l’achat des biens et services. Aussitôt qu’ils percevaient leur salaire, la plupart des travailleurs couraient dans le premier point de change pour échanger les billets en dollars USD en prévision d’une éventuelle dévaluation.
Conséquence, vendredi dernier, jour de l’annonce de la nouvelle monnaie, les Zimbabwéens devaient réunir jusqu’à 30 000 dollars zimbabwéens pour obtenir un seul dollar américain, ou 40 000 dollars zimbabwéens dans le marché noir, a indiqué l’observatoire Zim Price Check. Au début de ce mois, le dollar américain s’échangeait à 32 000 dollars zimbabwéens contre 936 dollars zimbabwéens un an plus tôt. La valeur de la monnaie du pays s’était complètement effondrée, perdant jusqu’à 4/5 de sa valeur et devenant la deuxième monnaie la moins performante au monde. Le mois dernier, l’inflation dans ce pays est repartie à la hausse à 55,4% après la baisse de 17,3% constatée en octobre de l’année dernière. Pourtant, pour faciliter la circulation de la nouvelle monnaie,
la banque centrale a recalibré son taux directeur de 130% à 20% par an, conformément au nouveau cadre de politique monétaire,
nous renseigne l’institution. La fièvre inflationniste a été amplifiée par la politique de réformes foncières et agraires implémentée au cours des années 2000 par feu le président Robert Mugabe, en conformité avec sa politique souverainiste visant à déposséder les fermiers blancs de leurs terres et à les restituer à ses compatriotes noirs. Or, cette politique de redistribution équitable des terres avait eu pour effet le désintéressement des investisseurs étrangers, d’une part, et d’autre part l’incapacité pour le pays à honorer le remboursement de ses dettes estimées à 13 milliards de dollars.
Les réserves totales du Zimbabwe évaluées à 285 millions USD
Selon le gouverneur de la banque centrale du Zimbabwe, les réserves d’or de ce pays sont estimées à 1,1 tonne et les propres réserves de son institution bancaire à l’étranger sont d’environ 1,5 tonne d’or. Les espèces sonnantes et trébuchantes sont évaluées à 100 millions de dollars USD. En janvier 2024, le marché de l’or et autres métaux précieux a représenté 25% des exportations du pays, selon le gouvernement. C’est sans compter les autres minéraux comme les diamants, dont l’équivalent en or serait de 0,4 tonne supplémentaire. La valeur totale des réserves du Zimbabwe est de 285 millions USD. Mais, pour l’économiste Prosper Chitambara, cité par notre confrère français TV5 Monde,
Il est évident que nous avons besoin de plus (…) Plus les réserves sont importantes, plus la confiance et la capacité à défendre sa monnaie contre les chocs, sont grandes.
Selon lui, le Zimbabwe pour juguler l’inflation doit cesser de faire tourner la planche à billets comme il a fait jusqu’ici.