De graves menaces pèsent à nouveau sur la filière camerounaise des huiles végétales raffinées. Elles font suite à une mesure prise en mars dernier par les services du Premier ministre, Chef du gouvernement, Joseph Dion Ngute, instruisant le ministre du Commerce à lever l’interdiction des huiles « en vrac » sur l’étendue du territoire camerounais.
La mesure d’interdiction avait été prise conjointement par le ministère de la Santé, le ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt), et leur homologue du Commerce, via un arrêté daté du 24 août 2011, rendant d’application obligatoire la norme NC 77 relative aux huiles végétales portant un nom spécifique, enrichies à la vitamine A.
Face aux constatations des manquements à l’observation rigoureuse de cette norme, le ministre du Commerce avait, dans sa correspondance du 19 septembre 2023, invité les promoteurs d’industries de transformation de l’huile de palme à « respecter la règlementation en vigueur, qui interdit la commercialisation des huiles en vrac qui sont non étiquetées, non traçables et par conséquent non conformes à la norme NC 77 2002-03 REV.1 (2011) relative aux huiles végétales portant un nom spécifique, enrichies à la vitamine A »
De graves menaces sur les emplois
Avant même la levée de l’interdiction, les pratiques malsaines de nature à compromettre la santé des consommateurs avaient déjà pignon sur rue, comme le constatait l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (ASROC), dans une correspondance datée du 1er février 2024 adressée au Premier ministre et ayant pour objet : Dénonciation des pratiques anticoncurrentielles ayant cours dans les espaces marchands et sollicitation de l’application de la règlementation en vigueur.
« De nombreux bidons d’huile de palme raffinée de 260 litres sont débarqués depuis le mois de décembre 2023 dans nos espaces marchands. Cette huile raffinée est transférée dans des bidons de 20 litres non traçables, scellés avec des bouchons neufs et distribués aux détaillants. »
Aussi bien la Fédération camerounaise des consommateurs (FOCACO) que l’Agence nationale des normes et des qualités, mais aussi l’Association des transformateurs d’huiles végétales (ATHV), ont porté le couteau dans la plaie. Cette dernière, qui regroupe les sociétés CCAC, NOVIA, PAFIC, SMC, avait par exemple fait savoir au Premier ministre, via sa correspondance du 20 janvier 2024, que « la vente de l’huile raffinée en vrac avait longtemps perturbé les activités de la filière, en même temps qu’elle mettait en péril la vie des entreprises concernées ainsi que les emplois liés ».
Mise en danger de la vie des consommateurs
Quelques mois auparavant, l’Anor déplorait, pour sa part, « la prolifération sur le marché des huiles en vrac, le non-respect des normes en vigueur dans le secteur, ainsi que la difficile traçabilité des productions écoulées sur le marché camerounais ». Toutes choses qui exposent les consommateurs à des risques sanitaires graves. Surtout que ces huiles en vrac sont parfois recyclées après usage, exposant à des risques de maladies cancérigènes. Aussi, l’institution de normalisation invitait-elle les acteurs de la filière à se présenter sans délai dans ses services en vue de faire certifier leurs produits.
A propos des risques sanitaires, le ministre de Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana écrivait dans sa correspondance du 19 mais 2023 :
Dans le contexte actuel de manipulation des aliments, synonyme de la mise en danger de la vie des consommateurs, des instructions fermes ont été données par la haute hiérarchie, en vue du strict respect par tous les acteurs des règles en matière de sécurité sanitaire des aliments (…) Dans le cas spécifique de votre filière, se trouve particulièrement visée la question des huiles en vrac, dont la commercialisation, parce que porteuse de risques grâces pour la santé des consommateurs, est interdite.
Répondant à la FOCACO, le ministre de la Santé annonçait, le 13 mars dernier, la descente sur le terrain, courant mars, des missions d’inspection et de contrôle des produits mis sur le marché par les entreprises de production ou de commercialisation des produits oléagineux et meuniers. Pas de suite depuis lors.
Baisse des ventes au niveau des transformateurs
Selon l’ASROC,
les pratiques anti concurrentielles, une fois de plus dénoncées, hypothèquent la santé des consommateurs, mettent en difficulté les grossistes qui commandent désormais les bidons de 20 litres traçables, directement chez les industriels de la deuxième transformation et qui n’arrivent plus à les vendre. Cette situation crée une baisse des ventes au niveau des transformateurs ayant décidé de respecter l’écosystème juridique en vigueur au Cameroun.
Le gouvernement camerounais avait favorisé les importations de l’huile de palme dans un contexte de l’insuffisance de l’offre de production nationale (bien que l’on assiste dans le même temps à un accroissement des capacités installées des industries), en tâchant cependant de limiter les quotas pour les approvisionnements en matière première des industries. Certains operateurs de la filière expliquent que ces pratiques déloyales permettent aussi aux promoteurs d’huiles en vrac de minimiser les coûts de production, et d’esquiver la fiscalité, leurs produits échappant aux circuits conventionnels, et donc à toutes contraintes de déclaration.