Du 18 au 19 janvier 2023, la capitale économique du Cameroun, Douala a abrité la première édition de la Conférence internationale sur le transport aérien en Afrique centrale (Citac). L’évènement était articulé autour du thème « comment dynamiser le transport aérien en Afrique centrale ».
Au sorti de cette conférence qui réunissait les experts du secteur aérien en Afrique il a été établi que l’aviation commerciale en Afrique présente un potentiel énorme mais, demeure sous-exploité. La contribution de l’aviation commerciale au PIB en Afrique est de 63 milliards USD (soit 37 955 milliards de FCFA), selon Droit médias finance. La rencontre des experts au CITAC a fait un état des lieux peu reluisant du marché aérien dans la sous-région. Entre les pays sans aucune compagnie aérienne (Tchad ou RCA) et ceux avec des compagnies malades, la CEMAC aérienne ne paye pas de mine.
Les compagnies aériennes d’Afrique centrale sont sujettes à des difficultés, restructurations, redressements, arrêts d’activités,
ont affirmé les experts du Citac.
Faiblesses structurelles
Des problèmes qui sont essentiellement dus aux faiblesses structurelles. L’on relève entre autres la sous-capitalisation au regard du caractère fortement capitalistique de l’industrie du transport aérien ; la faiblesse de l’offre de financements bancaires adaptée aux besoins ; les politiques d’acquisition des aéronefs inadéquates et inefficientes au regard des enjeux, des risques, et de leur coût important ; les problèmes de gouvernance et absence de vision stratégique, qui entraînent des prises de décisions aléatoires et extrêmement risquées ; les charges d’exploitation généralement élevées et non-maitrisées qui ne permettent pas de générer des profits ; la faiblesse des systèmes de contrôle interne et de reporting financiers, sources de risques et de fraudes ; les systèmes d’information insuffisamment développés et performants ; l’utilisation insuffisante et limitée des expertises régionales disponibles.
En plus, l’activité de fret aérien n’est pas suffisamment prise en compte par les compagnies aériennes et les aéroports de l’Afrique centrale dans leurs stratégies de développement, en lien avec les besoins et les opportunités existantes dans la sous-région Afrique centrale.
Le Marché unique africain du transport aérien (Mutaa)
Lancé en 2018 lors du sommet ordinaire de l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine, le Mutaa est un projet phare de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Il vise à libéraliser le secteur aérien en Afrique, en le transformant en un marché unique par la dérégulation des services aériens et l’ouverture des marchés aériens régionaux à la concurrence transnationale.
Quelque 34 pays y ont déjà adhéré : Bénin, Botswana, Burkina Faso, Cap Vert, Cameroun, République centrafricaine, Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, Égypte, Éthiopie, Guinée équatoriale, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Kenya, Lesotho, Liberia, Mali, Maroc, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Afrique du Sud, Swaziland, Tchad, Togo, Zimbabwe. Cette initiative devrait contribuer à faire progresser le développement socio-économique du continent et à améliorer la connectivité aérienne entre pays africains.Décollage en dent de scie
Depuis le 25 avril 2023, Camair-Co a lancé sa ligne pour Bangui, à raison de trois vols par semaine depuis son hub de Douala. Une bonne nouvelle pour la connectivité dans une région, l’Afrique centrale, où les compagnies aériennes ne sont pas si nombreuses. De fait, on y compte plus les faillites : Camair (2008), Tchadia Airlines (2022), Toumaï Air Tchad (2012), Air Gabon (2005), Gabon Airlines (2011), Ecair (2016) etc. Et les projets, qu’il s’agisse de la relance d’ECair ou de la compagnie régionale Air Cemac (avortée en 2015), peinent à voir le jour. Pourtant, l’Afrique de l’ouest et du centre disposent d’un fort potentiel touristique (mer, soleil, montagnes, sites attrayants, faune diversifiée). Ce potentiel pourrait attirer davantage de touristes du monde entier, si une offre compétitive de transport aérien était mise en place.
Le 12 mars 2024, l’État gabonais a acquis 56% des parts d’Afrijet, devenant ainsi l’actionnaire majoritaire de l’entreprise. Afrijet, avait annoncé l’ouverture d’une nouvelle liaison aérienne vers Kinshasa depuis Libreville, en ligne directe et via Pointe-Noire, à partir du 30 novembre 2023. Fidèle à son engagement de répondre à la demande croissante de connectivité en Afrique, Afrijet propose dès lors deux vols par semaine entre Libreville et Kinshasa.
Il s’agit de la première connexion directe entre ces deux pôles majeurs d’Afrique centrale. Cette nouvelle offre contribue à réduire considérablement le temps de voyage entre Kinshasa et Libreville, qui passe de plusieurs heures à seulement 2H15 en vol direct, ce qui améliore nettement le confort des passagers. Ce point d’appui devient ainsi le cinquième vol hebdomadaire proposé par Afrijet depuis cette ville, et la première liaison directe vers Kinshasa.
Nous sommes fiers d’ouvrir cette nouvelle ligne aérienne de Libreville à Kinshasa, en liaison directe et via Pointe-Noire. Cette offre s’inscrit pleinement dans la stratégie globale d’Afrijet et témoigne de notre engagement à renforcer l’intégration et la connectivité régionales, à promouvoir une aviation durable en proposant des routes directes sur de courtes distances, offrant ainsi des solutions de voyage efficaces et simplifiées. Cette nouvelle liaison symbolise également notre détermination à répondre à la demande croissante des voyageurs, tout en favorisant les échanges économiques et culturels,
avait déclaré Marc Gaffajoli, Administrateur général d’Afrijet. Afrijet est devenue en 2019 la première compagnie aérienne de la zone CEMAC. Acteur historique du charter, la compagnie a développé un réseau de transport aérien régulier régional depuis octobre 2016. Certifiée IOSA depuis 2020, Afrijet emploie 300 salariés au Gabon, au Congo, au Cameroun, en Guinée Équatoriale, au Bénin et à Sao Tomé e Principe et opère une flotte de 6 turbopropulseurs du constructeur européen ATR.
Des partenariats avec les institutions financières et les banques de développement
Le secteur aérien dans la sous-région Afrique centrale rencontre de véritable problèmes de financement. Lors de la Conférence internationale sur le transport aérien en Afrique centrale, les experts ont ressorti quatre méthodes populaires d’utilisation ou d’acquisition d’aéronefs.
Il s’agit de l’affrètement ; la copropriété ; la location et l’achat d’avions. Un point d’honneur a été mis sur la location (operating lease) qui pour un avion dédié, comporte deux options: « wet lease » et « dry lease ». Le Wet lease s’entend du moment où le propriétaire de l’aéronef (le bailleur) fournit l’aéronef, l’équipage, la maintenance et l’assurance (ACMI) au locataire, qui ne paie que pour les heures effectuées. Le locataire paie le carburant, les redevances aéroportuaires, ainsi que d’autres droits, taxes, etc.
La durée du Wet lease est souvent de 1 à 24 mois. Le Dry lease (location à sec) quant à lui oblige le bailleur à ne fournir que l’aéronef, tandis que le locataire assume les frais d’assurance, d’équipage, de personnel au sol, d’équipement de support, de maintenance et autres. Un Dry lease typique dure deux ans ou plus. La compagnie aérienne retourne l’avion au bailleur à la fin du bail. Les coûts des contrats de location-exploitation sont classés en trois grandes catégories : Le loyer généralement de l’ordre de 1,0% du coût par mois d’un nouvel avion, les prix de location réels sont déterminés par l’offre et la demande des avions. En outre, les méthodes d’achat direct avec un financement bancaire par un contrat de location-exploitation (ou Crédit-Bail) et l’Operating leases ou Acquisition par crédit-bail ont été évoqués.
En clair, le leasing (ou crédit-bail) est un contrat de location à durée déterminée, avec ou sans option d’achat, qui permet à une entreprise de profiter d’un bien à moyen ou long terme sans en être propriétaire. Ce contrat de leasing est établi entre trois acteurs, à savoir: le fournisseur de matériel ; le crédit preneur, qui loue le matériel et le crédit bailleur qui se charge de financer le matériel : la société de leasing est un établissement financier. Au titre des recommandations, il est ressorti que
les gouvernements doivent mettre l’accent sur le renforcement des Partenariats Publics-Privés (PPP), ainsi que sur le développement de partenariats avec les institutions financières et les banques de développement, afin que les entreprises du secteur aérien en Afrique centrale puissent disposer plus facilement de capitaux nécessaires au développement de leur activité économique,
ont souligné les experts.
Mettre en place un cadre institutionnel approprié
Le marché aérien en Afrique centrale est largement dominé par les compagnies des autres sous régions africaines et par les compagnies étrangères. Selon les experts du secteur aérien, les pays de l’Afrique centrale pour certaines raisons, peuvent créer un espace de circulation commun avec d’autres Etats limitrophes, puis co-gérer ou co-concéder. La responsabilité finale leur revenant toujours, il leur restera les prérogatives co-régulatrices et de co-supervision de la sécurité. C’est le cas de l’ASECNA, l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar. Par ailleurs, les Etats de la Cémac, notamment les institutionnels, doivent mettre en place le cadre institutionnel approprié et fixer le rôle de tous les acteurs.
Ils doivent veiller sur l’organisation du territoire et de l’espace aérien, notamment les aéroports, les services de gestion de la sécurité de la navigation aérienne. Chaque Etat doit décider de la manière de s’organiser et peut ainsi assurer directement la gestion de son espace souverain en coordonnant avec les Etats frontaliers.
Raffermir les professionnels du secteur aérien
Les pays doivent également veiller sur les conditions de l’exercice de la profession de transporteur aérien. Au titre des recommandations, les experts se sont accordés à dire que les régulateurs doivent apporter un concours plus significatif aux acteurs qui opèrent le long de la chaine de valeur du transport aérien, pour leur permettre de comprendre, d’absorber, et de digérer plus facilement la complexité des lois et règlements en vigueur. Ils doivent nécessairement les accompagner et les coacher également pour leur permettre d’être en parfaite conformité avec les lois et règlements internationaux, régionaux et nationaux.
De même, les régulateurs doivent impérativement s’astreindre à exercer un contrôle plus strict et plus continu sur les compagnies aériennes, afin que les données (économiques, financières, techniques) qu’elles doivent produire et communiquer, soient fournies aux destinataires prévus, dans le niveau de précision et de qualité exigé, et dans les délais requis. Selon Droit medias finance, une réflexion doit être menée au niveau des Ordres des experts comptables nationaux et de l’Ohada sur l’élaboration d’un système d’information financière traitant des spécificités comptables et financières des compagnies aériennes de la zone Ohada.
Selon la Banque africaine de développement, le secteur des transports est généralement reconnu comme un vecteur de croissance économique et de réduction de la pauvreté. Les investissements réalisés dans ce secteur ont pour but de faciliter les échanges commerciaux. Et, parce qu’ils permettent une plus grande mobilité, ces investissements favorisent aussi le développement humain et économique dans les pays. Les Etats de l’Afrique centrale gagneraient donc à miser gros pour le développement du transport aérien dans cette zone.