Le 30 novembre 2024, un tournant décisif s’est opéré à Bobo-Dioulasso, capitale économique du Burkina Faso, avec l’inauguration d’une usine de transformation de tomates. Selon l’Agence pour la promotion de l’entrepreneuriat communautaire (APEC), les travaux, débutés, le 23 septembre 2023, ont été réalisés en un temps record. L’investissement total s’élève à 7,5 milliards de FCFA (12,44 millions $), financé à 80% par l’actionnariat populaire et à 20% par l’État.
L’usine, avec une capacité de transformation de 100 tonnes de tomates par jour, a généré dès sa première année, 180 emplois directs et 1 500 emplois indirects, avec des prévisions atteignant 3 000 emplois indirects à terme. Selon l’APEC, ce projet vise à réduire les pertes post-récolte, améliorer la qualité du concentré de tomates et renforcer la chaîne de valeur locale.
Moins d’un mois après le lancement de l’usine de Bobo-Dioulasso, le 16 décembre 2024, une seconde usine dédiée à la transformation de tomates a été inaugurée à Yako, dans la région du Nord. Selon l’Agence d’Information du Burkina (AIB), SOFATO a mobilisé plus de 5 milliards de FCFA (6,29 millions $) grâce à un partenariat stratégique entre le Fonds burkinabè de développement économique et social (FBDES), l’APEC et l’actionnariat populaire.
Dotée d’une capacité journalière de 100 tonnes, cette installation a généré 100 emplois directs et plus de 1 500 emplois indirects, avec un chiffre d’affaires attendu de 7 milliards de FCFA (11,61 millions $) dès sa première année. Cette démarche, selon AIB, contribue à la souveraineté alimentaire en diminuant la dépendance aux importations de produits transformés.
Industrie alimentaire et agro-transformation
Le 10 février 2025, une nouvelle minoterie industrielle, dénommée Moulin Double Star (M2S), a été inaugurée à Ouagadougou. D’après un communiqué officiel du gouvernement, cet investissement de 15 milliards de FCFA (soit environ 25 millions $) permet une production quotidienne de 220 tonnes de farine et 80 tonnes de son.
Ce projet stratégique, visant à réduire la dépendance aux importations de produits alimentaires de base, joue un rôle clé dans la sécurisation de l’approvisionnement alimentaire local et la stabilisation des prix sur le marché intérieur. Selon le Service économique de Ouagadougou, M2S contribuera également à la valorisation des céréales cultivées localement.
L’enjeu pour le Burkina Faso de développer l’industrie locale, est principalement de réduire la facture associée aux importations de farines de blé qui s’est élevée à près de 3,2 milliards de francs CFA (5,1 millions $) en 2023. En 2022, ce chiffre était de 3,4 milliards de francs CFA (5,4 millions $). Car, il faut dire qu’au Burkina Faso, la farine de blé figure parmi les principaux produits alimentaires importés.
La modernisation du secteur agroalimentaire se matérialise aussi par l’investissement dans la Brasserie du Burkina (BRAKINA). Selon le Service économique de Ouagadougou, BRAKINA a lancé un plan d’investissement de 46 millions $ pour la période 2021-2022. Ce plan comprend la modernisation des lignes de production existantes, l’intégration de technologies de pointe et le développement de partenariats locaux pour la fabrication d’emballages (notamment des cagettes en plastique). Ces initiatives, selon Ecofin, visent à renforcer la compétitivité de la brasserie sur le marché local et régional, tout en dynamisant l’ensemble de la filière brassicole.
De ambitions fortes
Le secteur textile, longtemps dominé par l’exportation de matières premières, est en pleine mutation. Une usine de teinture de coton est actuellement en construction à Ouagadougou, avec une inauguration prévue pour 2026. C’est ce que révèle un programme du Centre du Commerce International (ITC). Ce projet stratégique ambitionne d’accroître la valeur ajoutée du coton burkinabè, sachant qu’aujourd’hui, moins de 10% du coton produit est transformé localement. En modernisant le processus de teinture et en améliorant la qualité des produits finis, cette usine devrait permettre au Burkina Faso de s’insérer plus efficacement dans les chaînes de valeur internationales, tout en créant de nombreux emplois dans un secteur à fort potentiel.
L’exploitation minière demeure l’un des piliers de l’économie burkinabè. En octobre 2024, le gouvernement a procédé à la nationalisation des mines d’or de Boungou et Wahgnion, une opération évaluée à 80 millions de dollars, selon le Financial Times. Cette décision, qui fait suite à de longues négociations, vise à renforcer le contrôle de l’État sur ses ressources naturelles et à maximiser les retombées économiques de l’extraction de l’or. Selon le Financial Times, cette nationalisation est perçue comme une étape cruciale pour assurer une répartition plus équitable des revenus et favoriser la création d’industries locales de transformation des minerais.
Impact réel sur l’économie nationale
Selon la Banque africaine de développement (BAD), le PIB du Burkina Faso était estimé à environ 21,2 milliards de dollars en 2024, avec une croissance projetée de 4,1% pour cette année et 4,3% pour 2025. Cette diversification, soutenue par des investissements massifs dans l’agro-industrie, l’énergie et la transformation des ressources naturelles, tend à réduire la vulnérabilité du pays face aux fluctuations des marchés internationaux.
Les infrastructures industrielles récentes contribuent significativement à cette dynamique en générant des milliers d’emplois, et en stimulant la production locale. Chaque projet industriel mis en place vise à réduire la dépendance aux importations de produits finis. La minoterie Moulin Double Star (M2S) s’inscrit dans cette logique en assurant l’approvisionnement en farine et en produits dérivés, essentiels à la sécurité alimentaire.
Les réformes structurelles mises en place par le gouvernement, telles que l’allègement fiscal et la facilitation des partenariats public-privé, renforcent l’attractivité du Burkina Faso pour les investisseurs étrangers et locaux. Selon UMOA-Titres, ces mesures incitatives, conjuguées à la modernisation des infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunications, jouent un rôle déterminant dans la réduction des coûts logistiques et la stimulation des échanges commerciaux.
L’intégration régionale constitue un levier essentiel pour la compétitivité du Burkina Faso. En collaborant étroitement avec les membres de la CEDEAO, le pays entend mutualiser ses ressources, harmoniser ses normes industrielles et faciliter l’accès aux marchés internationaux. Ces partenariats stratégiques ouvrent la voie à des synergies économiques et technologiques, tout en renforçant la position du Burkina Faso dans les échanges commerciaux mondiaux.
Malgré les avancées notables, le pays doit encore surmonter plusieurs défis. La volatilité des prix des matières premières, les incertitudes sécuritaires et la nécessité de renforcer les infrastructures de base demeurent des obstacles majeurs. Toutefois, selon la BAD, ces défis peuvent être atténués par une politique économique cohérente, des réformes structurelles et une mobilisation accrue des investissements internationaux.
À l’heure où le Burkina Faso redéfinit son modèle de développement, chaque projet industriel se transforme en une promesse d’émancipation et d’innovation. Plutôt que de se contenter d’exploiter ses ressources naturelles, le pays s’engage résolument dans la transformation de celles-ci pour créer de la valeur ajoutée, générer des emplois et assurer une croissance inclusive. Il est désormais possible d’imaginer un Burkina Faso où les champs de tomates, autrefois simples exploitations agricoles, se transforment en centres de production high-tech, capables d’alimenter non seulement le marché intérieur, mais aussi d’exporter leur savoir-faire à travers l’Afrique de l’Ouest.
Que dire des mines d’or nationalisées qui ne se contentent plus d’extraire des ressources, mais qui catalysent la création d’industries de pointe et de centres de recherche. En parallèle, le secteur des énergies renouvelables, incarné par l’usine Faso Energy, éclaire une nation qui choisit de réduire son empreinte carbone, tout en modernisant son infrastructure énergétique.