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Gabon : comment la filière bovine pourrait être un catalyseur de l’économie sous régionale, d’ici 2035

L’essentiel de la viande consommée au Gabon est importée de l’Amérique latine. En vue de limiter ces importations, les autorités ont récemment entrepris un virage stratégique soutenant l’extension du cheptel national. Cette poussée des filières de production de viandes pourra-t-elle véritablement inverser la tendance ?

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Gabon : comment la filière bovine pourrait être un catalyseur de l’économie sous régionale, d’ici 2035

Le Gabon importe presque entièrement la viande bovine que consomme sa population. Ces importations de viande constituent une très grande partie des importations du pays, et par conséquent, pèsent lourdement sur la balance commerciale. D’après les Bilans alimentaires du Gabon 2020-2021 réalisés par les ministères de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche et celui de l’Economie et des Participations, en moyenne 29,8% de la disponibilité alimentaire du Gabon provient des importations.

Et, les produits animaux dépendent plus des importations avec un taux de dépense des importations (TDI) moyen annuel de 88,7%. En effet, ce pays d’Afrique centrale d’environ 2,5 millions d’habitants importe l’essentiel de la viande consommée de l’Amérique latine, à près de 8 000 km de distance. Selon les experts, plusieurs raisons peuvent expliquer ce choix. « Plusieurs raisons peuvent expliquer le choix des importations de viande en provenance des pays d’Amérique latine par le Gabon. Il peut s’agir d’un choix politique ; peut-être que le Gabon a un accord de libre-échange avec ces pays, ce qui lui permettrait d’importer de la viande moins chère, sans payer les droits de douanes. Nous pouvons aussi soulever la variable qualité, En effet, nous savons que les pays d’Amérique latine comme le Mexique sont les meilleurs producteurs en termes de viande au monde. Ils bénéficient de plusieurs avantages, ils ne paient pas certaines taxes, et cela leur permet de mieux produire par rapport aux européens qui sont frappés par certaines taxes. Cela peut également s’expliquer par la variable quantitative. Autrement dit, la production locale ne suffit pas, et donc, on se tourne vers l’extérieur », indique le spécialiste en Commerce international et diplomatie économique, Ronald Nixon Akono.

Notons qu’au Gabon, les importations de denrées alimentaires engloutissent chaque année près de 952, 8 millions USD (550 milliards de Fcfa), selon des chiffres du ministère de l’Agriculture. Dans l’optique d’inverser la tendance, les plus hautes autorités ont entrepris un virage stratégique en soutenant l’extension du cheptel national. Ce, à travers des initiatives phares comme le projet « Grande Mayumba » et l’importation de plus de 1 000 bovins du Brésil, l’année dernière, afin de renforcer la production alimentaire, et surtout, transformer l’élevage bovin en un levier de croissance économique.

100   000 hectares pour produire 80 000 têtes de bétail

Le projet « Grande Mayumba » repose sur un partenariat public-privé entre le Gabon et SFM Africa. Il s’agit d’un ranch de 100   000 hectares, qui était doté en 2024 d’environ 5   000 têtes de bétail, et dont le cheptel devrait quintupler, d’ici 2035 jusqu’à atteindre 25   000 têtes de bétail, pour plus tard atteindre son plein potentiel de 80 000 têtes au cours des 25 prochaines années. Un objectif ambitieux, mais réaliste, inspiré par des exemples africains réussis. Le Burkina Faso par exemple, a augmenté son cheptel de 40 % en dix ans, devenant un acteur majeur de l’élevage en Afrique de l’Ouest.

 À travers cette relance, le Gabon vise à stimuler l’autosuffisance alimentaire, avec la production de viande et de lait comme moteurs principaux. Si l’on se réfère aux statistiques de pays voisins comme le Cameroun, où l’élevage bovin génère près de 500 millions de dollars par an (soit plus de 288 milliards Fcfa), le Gabon peut légitimement espérer des résultats similaires, voire supérieurs. Soulignons que « Grande Mayumba » est basée dans le Sud du Gabon, couvrant une gamme variée d’écosystèmes forestiers et de savane.

1 001 zébus brésiliens pour relancer la filière

En plus, en 2024, le Gabon a franchi une étape majeure dans sa stratégie de souveraineté alimentaire. Un cheptel de 1 001 zébus, en provenance du Brésil, avait été réceptionné au port d’Owendo par le Premier ministre de la Transition, Raymond Ndong Sima, avant d’être transféré au Ranch de la Ngounié à Ndéndé, dans le Sud du pays. Cet évènement marquait le début d’une transformation ambitieuse du secteur agro-pastoral gabonais. Avant cela, le Ranch de la Ngounié, autrefois connu sous le nom de Société Gabonaise de Développement et d’Elevage (Sogadel), a fait l’objet de travaux intensifs depuis mai 2024. Plus de 700 hectares de pâturages ont été aménagés, et des infrastructures modernes, incluant des logements pour les fermiers et des installations de gestion du bétail, sont prévus, apprend-on de Africavet, un site d’information spécialisé, dédié à la médecine vétérinaire en Afrique.

Les autorités gabonaises ont décidé de mettre ce projet à la disposition des jeunes. Raymond Ndong Sima avait expliqué que chaque jeune producteur recevra un certain nombre de vaches gestantes, environ 20, qui, après avoir mis bas, permettront au propriétaire de récupérer plusieurs veaux. Selon le Premier ministre, ces veaux seront partiellement rendus au projet de départ pour assurer le remboursement de l’investissement initial. Par exemple, le producteur pourra garder quelques veaux pour augmenter son cheptel, tout en restituant une part au projet dans les années à venir. En plus, chaque fermier recevra 50 hectares pour développer une exploitation agro-pastorale, avec un appui financier initial pour faciliter leur intégration, indique Africavet.

« Ce projet constitue une avancée majeure pour notre économie. Il nous permettra non seulement de lutter contre la vie chère, mais aussi, de créer une dynamique de croissance inclusive en associant les jeunes exploitants, les ingénieurs et les techniciens », a déclaré le Premier ministre de la Transition, Raymond Ndong Sima. Pour garantir la réussite de cette opération, le Gabon s’est appuyé sur l’expertise reconnue du Brésil dans le domaine de l’élevage. En mars 2024, des accords de coopération ont été signés avec les autorités brésiliennes et l’Institut Daniel Franco. Ces partenariats prévoient le transfert de semences bovines améliorées et la formation de techniciens gabonais. Une quarantaine d’ingénieurs et techniciens ont déjà bénéficié d’une formation au Brésil, renforçant leurs compétences en gestion du bétail, et en développement d’infrastructures agro-pastorales. Le projet de la Société Agro Pastorale du Gabon (Agropag), dont fait partie cette relance de l’élevage bovin, pourrait également servir de modèle pour les autres pays de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), qui ambitionnent d’atteindre l’autosuffisance alimentaire.

Echanges intracommunautaires faibles (3%)

Selon les statistiques de la FAO et d’International Trade Statistics, en 2018, la zone CEMAC a importé plus de 410, 6 millions USD (237 milliards de Fcfa) de viande. Un manque à gagner pour ces économies locales dotées pourtant d’un avantage comparatif en termes de capacité de production. Des experts pensent que cela s’explique par la faiblesse des échanges intracommunautaires estimés à environ 3%. Le Tchad, situé à environ 2 000 km du Gabon par exemple, possède le 3e cheptel bovin d’Afrique. « Pour la viande bovine, le Tchad a le 3ème cheptel d’Afrique, pourtant le Gabon, tout comme la Guinée équatoriale importe l’essentiel de sa viande de l’Amérique latine. La réponse est celle-là, développer et promouvoir ces produits du cru pour qu’on importe plus et que cette production puisse satisfaire la demande locale », indiquait aux médias, Bienvenu Etienne Akono, Conseiller économique au PREF-CEMAC, Cameroun.

Stimuler les échanges intra-africains

Avec ses initiatives dabs la filière bovine, le Gabon s’inscrit dans une dynamique régionale visant à réduire la dépendance vis-à-vis des importations, et à stimuler les échanges intra-africains. L’élevage, en tant que levier économique et social, joue un rôle stratégique dans le développement de l’Afrique centrale. En favorisant l’autosuffisance alimentaire, le Gabon contribue à réduire les tensions sur les importations, et à améliorer la résilience régionale face aux crises alimentaires. De plus, ce type de projet renforce les liens entre les pays de la sous-région, qui pourraient collaborer pour développer un marché commun de produits agro-pastoraux.

Atteindre les objectifs de l’import substitution a pour avantage de créer des emplois, mais surtout, de stabiliser le niveau des réserves de change en limitant la sortie des devises dû aux importations. Les autorités de la sous-région gagneraient ainsi à mettre en œuvre des stratégies pouvant permettre de favoriser une plus grande production locale, notamment des produits bovins. Le développement de la filière bovine au Gabon ne représente donc pas seulement une simple diversification de l’économie gabonaise ; car de façon plus large, elle pourrait contribuer au développement durable et autonome des pays d’Afrique centrale.

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