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Dr Bareja Youmssi : « le prix de l’or monte en exponentiel, le Cameroun peine à se faire un stock stratégique d’or, à qui la faute ? »

Pour l’expert en mine et Pétrole, 60% de l’or produit au Cameroun serait exporté de manière frauduleuse pour constituer des stocks stratégiques dans des paradis fiscaux, au détriment du pays, qui a pourtant un besoin crucial de cette ressource pour soutenir son économie et ses échanges commerciaux.

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Dr Bareja Youmssi

Il n’est un secret pour personne que l’or est considéré comme une valeur refuge permettant de se prémunir contre d’éventuels tsunamis financiers. De nombreux pays constituent aujourd’hui des stocks stratégiques d’or pour soutenir leur économie, ainsi que leurs réserves en devises, dans le cadre des échanges commerciaux (notamment les importations).

Le prix de l’or n’a cessé de croître au cours des quinze dernières années, atteignant un montant vertigineux de 94 millions de FCFA le kilogramme pour un lingot d’or de 24 carats. Cette flambée justifie la ruée vers l’or observée ces dernières années, où des pays comme la Chine investissent massivement dans le secteur minier de plusieurs pays africains, principalement dans l’extraction artisanale de l’or. Les opérateurs chinois, pour la plupart, ne s’intéressent, ni à la prospection, ni à l’exploration ; ils recherchent uniquement les gisements visibles, qu’ils exploitent sans avoir préalablement confirmé la présence réelle et la quantité des ressources. Cela engendre de graves problèmes de traçabilité et un manque de contrôle dans les pays où ils interviennent.

La quasi-totalité des pays africains concernés ont une connaissance très approximative de leur sous-sol. Cela permet aux opérateurs étrangers, notamment les Chinois, d’arriver en position de force, forts de leurs ressources financières en devises. Ils n’hésitent pas à user de corruption pour obtenir ce qu’ils recherchent : nos ressources naturelles. Paradoxalement, ce sont parfois des Camerounais eux-mêmes, détenteurs de permis d’exploitation, qui sollicitent ces partenaires étrangers dans le cadre de contrats de partage de production. Pire encore, 60 % de l’or produit au Cameroun serait exporté de manière frauduleuse pour constituer des stocks stratégiques dans des paradis fiscaux, au détriment du pays, qui a pourtant un besoin crucial de cette ressource pour soutenir son économie et ses échanges commerciaux.

Tout ce désordre survient dans un contexte marqué par l’absence de vision claire du secteur minier national. Beaucoup ignorent que certaines substances doivent, à un moment donné, être classées comme stratégiques, car la sécurité de l’État en dépend. Aujourd’hui, de nombreux pays sérieux ont déjà classé l’or et les minéraux critiques comme des substances stratégiques, bénéficiant d’une réglementation spéciale.

Au Cameroun, malheureusement, l’or est exploité par tous, sans véritable contrôle. Le ministère en charge du secteur n’est même pas en mesure de fournir une estimation du potentiel aurifère national, qu’il soit alluvionnaire ou primaire. Les permis sont attribués sans études préalables solides, sans suivi réel sur le terrain, et les rapports techniques déposés par les opérateurs n’ont souvent rien à voir avec la réalité.

C’est dans ce contexte que, pour encourager les jeunes à s’intéresser à la prospection, la recherche et l’exploration, ainsi qu’aux métiers liés aux mines et au pétrole, j’ai en tant qu’enseignant-chercheur, organisé une expédition exploratoire en partenariat avec le groupe Henza Mining de Mme Atangana Nguede Angeline. L’objectif était de réaliser un test d’exploitabilité sur un flat aurifère situé dans le département de la Kadey, région de l’Est.

Cette expédition avait pour but de réaliser une reconnaissance et une évaluation du flat, suivies d’un test d’exploitabilité. Cette phase devait permettre au groupe Henza de décider s’il convenait de passer à la phase de production, à condition que les réserves découvertes soient jugées économiquement rentables.

Pour cette mission, j’ai constitué une équipe composée de jeunes ingénieurs des mines issus de plusieurs établissements : l’Université de Ngaoundéré, l’École Nationale Supérieure des Mines et des Industries Pétrolières de l’Université de Maroua, et l’École Nationale Polytechnique de Bamenda. Ces jeunes ont passé deux semaines dans la forêt tropicale à réaliser des travaux géologiques et à approfondir leurs connaissances sur le sous-sol camerounais, ainsi que sur les techniques d’exploitation des flats aurifères.

C’est une initiative à saluer et à encourager, si nous voulons un jour reprendre le contrôle de notre sous-sol et faire du secteur minier le fer de lance de notre économie et de son industrialisation.

Dr Bareja Youmssi
Expert en Mines et Pétrole
Enseignant-Chercheur

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