En Afrique subsaharienne, le poisson joue un rôle important dans l’alimentation des populations. Les « Études nationales pour le développement de l’aquaculture » réalisées à l’initiative de la FAO révèlent que le poisson représente près de la moitié des protéines animales entrant dans le régime alimentaire, ce taux atteint même 70 % en Sierra Leone.
La disponibilité moyenne en produits de la pêche pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne était estimée à 8,4 kg en 1990, très en deçà de la moyenne des pays en développement (13,9 kg) et loin derrière celle des pays développés (23 kg).
Ces besoins réels en protéines de poisson ne sont couverts en totalité par les productions nationales dans aucun des pays étudiés, ce qui explique un recours presque systématique aux importations. C’est donc le contraste d’un continent dont les eaux sont riches en poissons, mais qui importe 75% de ses besoins en ressources halieutiques et ne contribue que pour 5% aux échanges mondiaux de ce secteur.
L’Union européenne, principal marché du poisson d’Afrique
En matière commerciale, le montant des exportations de produits halieutiques des pays africains vers l’Europe avait déjà connu une croissance spectaculaire puisqu’il est passé de 60 millions d’écus en 1976 à plus d’un milliard en 1996, selon Weigel Jean-Yves, dans « La pêche en Afrique : enjeux et défis », Afrique Contemporaine (ed.) (1998).
Mais la situation actuelle, explique l’auteur, est caractérisée par la très forte dépendance des pays d’Afrique sub-saharienne vis-à-vis des pays de l’Union européenne qui absorbent plus de 80 % de leurs exportations.
Ces dernières sont essentiellement composées d’espèces démersales ou de céphalopodes en provenance d’Afrique du Sud, de Namibie, de Mauritanie et du Sénégal, de crevettes du Mozambique, de Madagascar, de Côte d’Ivoire et du Sénégal, enfin de thons en conserve provenant de Côte d’Ivoire, du Sénégal, de Madagascar, de Maurice et des Seychelles.
Les exportations africaines de produits de la mer ont donc pour principal débouché le marché européen, et plus particulièrement, les pays de l’Europe méditerranéenne.
En 1993, l’Espagne, la France, l’Italie, le Portugal et la Grèce ont attiré plus de 70 % de ces exportations. La forte préférence des exportations africaines pour le marché européen, selon les analystes, s’explique à la fois par les liens historiques entre ces deux régions du monde, par la présence de nombreux opérateurs européens dans le secteur des pêches en Afrique et par les dispositions commerciales de la convention de Lomé, qui ouvre le marché européen aux produits de la pêche des pays ACP.
Depuis 1976, les exportations des pays ACP à destination du marché européen ont connu une évolution spectaculaire, passant de 68 millions d’écus en 1976 à plus de 1 milliard en 1996. Avec un taux de croissance annuel de 18,9 % durant la période 1976-1986, puis de 10,7 % durant la période 1986-1996, les exportations des pays ACP augmentent plus rapidement que le marché européen.
Ceci se traduit par des gains de parts de marché: 6,1 % du marché européen en 1976, 9,3 % en 1986, 13,2 % en 1996. L’augmentation du nombre de pays membres du groupe ACP et l’élargissement du marché européen, avec notamment l’entrée dans l’UE en 1986 de l’Espagne, nation fortement importatrice de produits de la mer, ne suffisent pas à expliquer cette évolution, qui traduit à la fois un fort développement du secteur des pêches et un impact très favorable de la convention de Lomé. Certains pays ACP, tels que la Namibie et l’Afrique du Sud, figurent parmi les dix principaux fournisseurs de merlu sur le marché de l’UE.
Le cas des filières de la crevette et de la conserve de thon
Les produits de la pêche qui entrent pour la plus grande part dans la valeur des exportations de l’ensemble des pays ACP à destination du marché européen sont les crevettes congelées et les conserves de thon. Ces deux filières, explique-t-on, illustrent l’influence que peut exercer la politique tarifaire dans le développement du secteur des pêches des pays en développement.
En effet, les droits de douane à l’entrée du marché européen sont beaucoup plus élevés pour les conserves de thon, produits transformés, que pour les crevettes, produits non transformés. Les pays ACP, pour les exportations desquels ces droits sont suspendus, bénéficient donc d’un avantage plus grand dans le secteur de la conserve de thon, ce qui se traduit par une évolution très différenciée de la position des pays ACP sur le marché européen de la conserve de thon et sur celui de la crevette congelée.
Une nature propice pour le poisson
L’Afrique subsaharienne est dotée avantageusement d’espaces halieutiques continentaux d’origine naturelle ou anthropique. Cette dotation avantageuse explique que les eaux intérieures représentent plus de la moitié de l’ensemble des captures africaines, soit près de deux millions de tonnes fournies principalement par les pêches artisanale.
Même si les premiers investissements aquacoles en Afrique subsaharienne datent de la période coloniale, c’est à partir des années 1980 qu’une aide massive a été accordée par les bailleurs de fonds à l’aquaculture. Le bilan actuel fait état d’un sous-développement global des aquacultures subsahariennes dont le volume de production ne serait que de 370 000 tonnes avec un seul pays dépassant les 10 000 tonnes, le Nigeria; l’Afrique subsaharienne ne représente que 0,15 % de la production mondiale en volume contre 0,25 % en valeur.
Une dynamisation institutionnelle
Pour répondre aux enjeux géopolitiques halieutiques, des dynamiques institutionnelles se sont manifestées très tôt, en particulier lors des négociations de la convention des Nations unies sur le Droit de la mer (1971-1982).
Elles s’expriment actuellement par une évolution des conditions d’octroi de droits de pêche aux pays non côtiers, par des efforts soutenus de renforcement de la coopération régionale avec l’établissement de Commissions de pêche, enfin, plus récemment, par une tendance à la rationalisation des institutions nationales en charge de la pêche, faisant suite à l’élaboration de politiques plus volontaristes pour affronter le risque d’une colonisation économique du secteur.
Ces phénomènes ne sont pas circonscrits aux pêcheries maritimes, puisque la même évolution se dessine notamment pour la gestion des grands plans d’eau internationaux du continent.
L’enjeu de la valorisation des produits
La vitalité des circuits de commercialisation est attestée par les flux interrégionaux et l’Europe. Toutefois, une relative stagnation de l’offre et une certaine contraction de la demande régionale contribuent à justifier une meilleure valorisation des produits: celle-ci passe par la promotion des exportations ou une transformation des produits halieutiques.
L’analyse des flux commerciaux à l’échelle subsaharienne confirme que les principales zones de capture (ZEE mauritanienne, marocaine, sud-Africaine, namibienne, sénégalaise et ghanéenne ainsi que la région des Grands Lacs) ne correspondent pas aux foyers de consommation les plus importants que sont le Nigeria, la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo (ex-Zaïre) et le Cameroun.
Cette situation est à l’origine de transferts considérables – de l’ordre du million de tonnes -, essentiellement de poissons congelés (espèces pélagiques marines) et, dans une moindre mesure, de poissons salés, salés-séchés et fumés artisanalement (espèces marines et continentales).
L’analyse des flux met également en évidence la vitalité des exportations vers l’Europe d’espèces à haute valeur commerciale (démersaux, céphalopodes, crustacés), conséquence des réajustements monétaires qui ont affecté plusieurs pays de la région (dévaluations et assouplissement du contrôle des changes).
Si la demande régionale (la plus importante) est en augmentation, son accroissement annuel a eu tendance à diminuer au cours des dix dernières années. Cette relative contraction s’expliquerait par la faible augmentation, voire la stagnation, des revenus, couplée à l’augmentation des coûts de production.
Alors que les taux d’accroissement démographique restent très élevés, la consommation par tête a diminué au cours des dix dernières années pour passer de 9 à 7kg. La stagnation de l’offre, pour sa part, serait la conséquence de l’insuffisante rentabilité de certaines pêcheries pélagiques africaines et de la surexploitation de nombreuses espèces de poisson de fond.
La répartition des flux par type de produit indique clairement que la transformation industrielle, source de valeur ajoutée importante, est faible. La grande majorité des captures de petits pélagiques est exportée à l’état brut ou ne subit qu’un simple conditionnement (congélation).