Les statistiques de l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) évaluent la production africaine du lait à 47 milliards de litres, soit 5,6% de la production mondiale. En termes de comparaison, cette zone regroupe 16,6% de la population mondiale et consomme 6,7% du lait (calcul réalisé sur la base du taux d’auto-approvisionnement).
La production laitière africaine a augmenté de 36 milliards de litres depuis 1961, soit l’équivalent de 7% de la croissance mondiale (contre 61% pour l’Asie, 21% pour le continent américain, 7% pour l’Europe et 4% pour l’Océanie). Les importations de l’Afrique en produits laitiers ont atteint 84% en 2017 (International Dairy Federation, 2019).
En effet, selon le Cirad, en 20 ans, la production laitière a augmenté de 45% en Afrique et sa consommation a augmenté de 100%. L’on peut en effet comprendre par exemple pourquoi 90 % du lait consommé au Sénégal est importé sous forme de poudre, alors que 30% de la population vit traditionnellement de l’élevage et peut produire du lait.
Au Cameroun, les données révélées renseignent que l’offre en lait et produits laitiers reste faible. Elle est estimée à 185 570 tonnes pour une demande qui se situe à plus de 300 000 tonnes. Le déficit annuel quant à lui, caracole à plus de 120 000 tonnes.
Les importations de lait en hausse
En dehors du Kenya et de quelques pays du nord et du sud du continent (l’Afrique du Sud, et bientôt le Maroc et la Tunisie), aucun pays ne produit suffisamment de lait pour répondre à la hausse de la consommation, estimée à 4% par an par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad, à Paris).
Résultat, les importations sont en hausse, comme l’affirme un rapport publié par le Cirad concernant les pays de l’Uemoa, qui achètent chaque année pour 300 millions d’euros de lait en poudre. La dépendance varie d’un pays à l’autre.
Si le lait en poudre est en général 10% à 15% moins cher que le lait frais, ces dernières années ont montré que cette tendance pouvait s’inverser. Car les vaches africaines, dont les élevages sont d’abord destinés à la production de viande, ne délivrent pas assez de lait. Une vache africaine produit entre deux et quatre litres par jour, contre 40 à 50 litres pour une vache française.
Envisager le développer du secteur de la transformation du lait
L’enjeu est d’ordre alimentaire : répondre à la demande croissante d’une population de plus en plus en plus urbanisée dont le régime alimentaire fait une place plus grande aux produits carnés et laitiers.
L’enjeu est aussi économique et social : la transformation locale du lait est source de valeur ajoutée et l’intégration des éleveurs à ces nouvelles chaînes de valeur est un vecteur de lutte contre la pauvreté et de renforcement de la productivité des filières pastorales.
Cependant, les obstacles au développement de filières laitières inclusives et durables sont nombreux : des coûts de production et de commercialisation élevés, une qualité mal maîtrisée et la concurrence exercée par les sous-produits de l’industrie européenne du lait sont les principaux facteurs de la faible compétitivité du lait local.
Si les yaourts et le lait frais restent moins consommés que le lait concentré ou le lait caillé, la grande distribution voit les lignes bouger. Ces trois dernières années, les ventes de lait liquide ont augmenté de 14% à 21% selon les pays, en partie parce que les ménages l’ont substitué au lait en poudre.
Pour développer le marché des produits lactés, certains misent aussi sur des savoir-faire plus traditionnels, à l’image de Tiviski, en Mauritanie, qui utilise du lait de chamelle.
Néanmoins, des expériences réussies de structuration de filières laitières autour de laiteries de type industriel ou coopératif émergent. C’est le cas, par exemple, du secteur des mini-laiteries au Burkina Faso et de la laiterie du Berger au Sénégal notamment.
Expériences réussies de structuration de filières laitières Afrique
Les choses semblent évoluer. Bagoré Bathily a ouvert, depuis 2007, la Laiterie du berger. À son lancement, l’entreprise n’utilise que du lait produit localement. Récolté auprès des éleveurs peuls de la région de Richard-Toll, une zone aride à la frontière mauritanienne, il est acheminé dans l’usine située non loin de là.
Sa marque de yaourts, Dolima, est très vite plébiscitée par les consommateurs et devient numéro deux dans les rayons de Dakar au Sénégal. Des années après, la Laiterie du berger est victime de son succès et ne parvient plus à s’approvisionner localement pour assurer la totalité de la production.
L’entreprise est désormais contrainte d’incorporer à ses préparations 30% de lait en poudre importé. En 2014, cette proportion a même atteint un pic exceptionnel de 50%, la hausse de la demande se cumulant avec une très faible pluviométrie qui a affecté la productivité des cheptels.
Des fermes laitières de taille plus modeste se sont en revanche développées ces dernières années. Parmi ces initiatives figure la ferme-laiterie Nouvelle Normandia (groupe Exat), installée dans la périphérie d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Certaines entreprises démontrent néanmoins qu’il existe des parades.
Le Français Bel rencontre ainsi un certain succès avec sa Vache qui rit, un fromage qui se conserve sans réfrigération. De son côté, la société ouest-africaine Fan Milk s’appuie sur un réseau de 30 000 revendeurs à vélo pour distribuer ses yaourts glacés et ses jus (un modèle qui n’a pas échappé à Danone, qui en a acquis 49% en 2013).