Selon le dernier bulletin publié par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les prix alimentaires mondiaux ont augmenté de 12,6 % entre février et mars 2023 . L’indice du prix de l’huile végétale a bondi à 23,2 %.
A l’origine de cette flambée, l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les deux pays assurent 80 % des exportations d’huile de tournesol dans le monde. Or, pour l’heure, tout le marché est paralysé à cause de l’arrêt du trafic maritime.
L’Egypte est le pays arabe le plus exposé. La situation devient beaucoup plus préoccupante. En effet, plusieurs pays africains apparaissent comme fortement dépendants de l’Ukraine et la Russie : la Somalie importe de chez eux 100% de ses besoins, le Bénin 100%, le Soudan 75%, la RDC 68%, le Sénégal 63%, la Tanzanie 62% et le Rwanda 61%.
Il faut noter que tous ces pays africains sont beaucoup plus dépendants de la Russie en réalité (qui fournit en moyenne plus de 80% de leurs consommations) que de l’Ukraine.
Les pays s’investissent dans la production du tournesol
Dans le monde , 47 347 175 tonnes de tournesol sont produites par an selon la FAO. En Algérie, 45 000 hectares ont été cultivés durant la campagne 2023 de production de tournesol durant le mois de mars.
Dans ce pays, les autorités entendent stimuler la production de graines oléagineuses en vue de doper l’offre locale d’huile comestible et de réduire les importations. Le pays importe en effet la quasi-totalité de ses besoins en graines de tournesol avec des achats qui ont coûté près de 16 millions de dollars US en 2021, selon les données compilées sur la plate-forme Trademap.
De même au Kenya, les agriculteurs se tournent vers la culture du tournesol. Pour les agriculteurs, le tournesol est une bonne alternative parce que les variétés hybrides cultivées résistent bien à la sécheresse. En effet , avec 50 kilos de graines de tournesol hybride les agriculteurs peuvent obtenir 16 litres d’huile.
L’Egypte se tourne de plus en plus vers la culture du tournesol. Selon Rabie Mohamad Moustapha, sous-secrétaire du ministère de l’Agriculture au gouvernorat du Fayoum, 98% de l’huile consommée en Egypte provient de l’étranger. Une situation que l’Etat est en train de changer en augmentant la production nationale d’huile, en développant la culture d’un certain nombre de cultures oléagineuses comme le soja et le sésame, et en particulier le tournesol.
L’objectif est de cultiver 250 000 feddans de ces cultures, dont 100.000 de tournesol, au niveau de l’Etat, au cours des prochaines années. L’exécutif souhaite construire quatre complexes industriels de production d’huile de cuisson au cours des cinq prochaines années.
D’un coût total de 6 milliards de livres égyptiennes (306,4 millions de dollars US), ces nouvelles installations disposeront d’une capacité totale de production estimée à 2 400 tonnes d’huile de cuisson par jour.
Ce projet une fois achevé permettra, selon les autorités, de faire passer à terme la capacité de production locale d’huile de cuisson à 4 000 tonnes par jour contre un niveau tournant autour 1 600 tonnes actuellement.
Elle devrait en outre contribuer à réduire les importations de la denrée dans le pays des pharaons qui consomme chaque année près de 2,5 millions de tonnes d’huiles végétales, dont principalement de l’huile de palme, de l’huile de soja et d’huile de tournesol.
Selon le classement mondial des pays consommateurs du tournesol, en 2028 l’Afrique du Sud pourra atteindre une production de graines de tournesol estimée à 792 255 tonnes sur 601 500 hectares. Naomi Kamuwikeni attire notre curiosité du côté de la Zambie. Elle n’a que deux hectares pour cultiver le tournesol. Pour avoir plus de revenus, elle transforme ses graines de tournesol en huile.
Elle n’a pas de presse à huile, mais en loue chez un meunier au marché de Gondar. Madame Kamuwikeni extrait l’huile avec la presse, puis la purifie en y ajoutant de l’eau et la fait bouillir. Après avoir filtré l’huile, elle le met en bouteille. Parfois, madame Kamuwikeni vend un sac de tournesol de 25 kilogrammes à 150 kwacha zambiens (6,60 $ US). D’autres fois, elle transforme ce sac en 10 litres d’huile de cuisson qu’elle vend à 430 kwacha (19 $ US).
Un sac de tournesol de 25 kilogrammes coûte 150 kwacha zambiens (environ 6,60 $ US). Le même sac peut être transformé en dix litres d’huile de cuisson que madame Kamuwikeni peut vendre à 430 kwacha zambiens (environ 19 $ US). Elle vend l’huile dans des bouteilles de 750 millilitres à 28 kwacha zambiens (environ 1,25 $ US).
Elle paie 0,50 kwacha zambien (environ 0,02 $ US) par kilogramme à un meunier qui possède une presse. Le meunier facture 1,50 kwacha par kilogramme si l’agriculteur(trice) prend le tourteau de tournesol et un kwacha sans tourteau. En moyenne, le meunier gagne environ 10 000 kwacha (440 $ US) par mois en louant la presse.
L’autre avantage, c’est qu’elle peut recueillir un produit dérivé appelé tourteau de tournesol qu’elle vend à des marchand(e)s de tourteau de tournesol à 1,20 kwacha zambien (environ 0,05 $ US) le kilogramme. Chaque sac de 25 kilogrammes de tournesol procure 10 kilogrammes de tourteau à madame Kamuwikeni.
Sur un hectare, madame Kamuwikeni produit environ 1000 kilogrammes de tournesol. Quand elle le vendait sous forme de graines, elle avait l’habitude de gagner 6 600 kwacha zambiens (290 $ US). Mais, maintenant, grâce à l’ajout de valeur, elle gagne 17 680 kwacha zambiens (780 $ US).
Les besoins du Maroc en huiles alimentaires s’établissent actuellement à 350 000 tonnes par an (moyenne 92-96), dont 20% sont couverts par la production nationale issue pour 60% de l’huile d’olive et 40% des graines oléagineuses, particulièrement le tournesol.
Selon le Département de l’agriculture des États-Unis (USDA), le Royaume est à plus de 90% de dépendance vis-à-vis des importations d’huiles de graines et de tourteaux. Entre 2019 et 2020, 606 000 T d’huiles de graines ont été consommées, avec 1 080 000 T de besoin en tourteau. Aujourd’hui, le développement de la filière oléagineuse doit contribuer à l’amélioration de la balance commerciale du pays, en favorisant la réduction des importations.
Cette feuille de route permettra aux cultures de tournesol et de colza, destinées à la production d’huiles végétales pour l’alimentation humaine, ainsi que les tourteaux pour l’alimentation animale, d’atteindre 30 000 ha pour le colza et 50 000 ha pour le tournesol d’ici 2030, couvrant ainsi les besoins nationaux à hauteur de 15%. Cette transition protéique que connait le Maroc donne un nouvel élan à la conquête de la souveraineté alimentaire du pays.
La Tanzanie veut s’arrimer à la nouvelle trouvaille
La demande en graines de tournesol est largement supérieure à la production actuelle en Tanzanie. Pour les entrepreneurs agricoles, ce manque constitue une opportunité de créer des entreprises rentables dans un pays au climat favorable à la culture de cette plante.
Dans les régions de Dodoma, Singida ou encore Manyara en Tanzanie, le climat semi-aride est particulièrement favorable à la culture du tournesol. Plusieurs autres régions du pays possèdent une terre propice à cette plante, en faisant une activité qui offre d’énormes possibilités. Les opportunités couvrent toute la chaîne de valeur du tournesol, de la culture à fabrication d’huile en passant par l’approvisionnement.
L’objectif est de réduire les importations d’huile de cuisson estimées à 189,2 millions de dollars US soit 474 milliards de shillings par an. Pour le Premier ministre Kassim Majaliwa, cet argent pourrait être utilisé pour la mise en œuvre de projets de développement, notamment des écoles, des centres de santé, des routes.
Il pourrait également servir à développer d’autres cultures. Si la filière est soutenue, les entrepreneurs et agriculteurs locaux pourraient ainsi facilement combler le déficit du marché national, voire produire en surplus pour le marché d’exportation.
Les cosses traitées pour renforcer la chaîne de valeur
Outre l’huile comestible, les cosses de tournesol sont utilisées pour fabriquer des aliments pour animaux, du cirage, du charbon de bois, etc. Or ces enveloppes sont jetées comme des déchets, au lieu d’être traitées pour renforcer la chaîne de valeur. Elles constituent un autre domaine duquel les agriculteurs peuvent tirer profit.
Selon le Premier ministre Tanzanien, les agriculteurs gagnent 1,2 millions de dollars US soit 3,1 milliards de shillings avec 450 tonnes de graines de tournesol produites localement par an, au lieu des 15,5 millions de dollars US soit 38,9 milliards de shillings qui seraient générés par les 5 528 tonnes de graines nécessaires .
En investissant le budget prévu pour les importations dans la production locale, le nombre d’agriculteurs et de travailleurs du domaine pourrait considérablement augmenter. Toutefois, le gouvernement devra augmenter les superficies dédiées à la culture de tournesol, et distribuer des semences subventionnées aux agriculteurs pour une véritable expansion de l’agriculture commerciale.
Des Investisseurs étrangers trouvent leur compte
L’huilier français Sofiprotéol élit domicile au Maroc. Le producteur d’huile a planté quelque 20 000 hectares de tournesol au Maroc depuis son entrée en février 2012 au capital de Lesieur Cristal, le leader du secteur dans le royaume.
Sofiprotéol, qui fonctionne sur un modèle de coopérative basé sur l’approvisionnement local, s’était engagé à développer le secteur lors de son rachat de 41% du capital de Lesieur Cristal auprès de la Société nationale d’investissement (SNI), le holding royal. Le groupe agro-industriel vise à atteindre, en partenariat avec des producteurs locaux, 50 000 hectares de cette culture, sur un objectif total de 85 000 hectares fixé par les autorités marocaines en 2020.
Avec 70 % de parts de marché, Lesieur Cristal occupe une position leader dans le secteur de l’huile alimentaire et de la savonnerie au Maroc. Cotée à la bourse de Casablanca, l’entreprise détenue à travers le holding Oléosud par Sofiprotéol (80 %) et Castel (20 %), a enregistré au premier semestre 2014 une progression de plus de 22 % (à 85 millions de dirhams, soit environ 7,7 millions d’euros) de son résultat net par rapport à l’année précédente.
De son côté , Pure Oil Industries, le fabricant zimbabwéen d’huiles comestibles a mis sous contrat, 5 000 exploitants dans 4 provinces du pays afin de produire des graines de tournesol durant la campagne estivale 2022, rapporte le quotidien The Herald.
Cette démarche entre dans le cadre de la stratégie de la compagnie visant à contribuer à l’emblavement de 50 000 hectares de la plante oléagineuse à l’échelle nationale. Un tel niveau de superficie pourrait permettre de développer la fabrication d’huile de tournesol afin de satisfaire 25 % des besoins totaux en huile de cuisine du pays. Le Zimbabwe affiche une demande moyenne de 150 000 tonnes d’huile comestible par an.
Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2023-2032
Selon ces deux institutions, la persistance de la demande d’huile végétale dynamisera les marchés des oléagineux. La consommation alimentaire d’huiles végétales devrait représenter 57 % de la consommation totale en 2032, tirée par la croissance démographique et l’augmentation de la demande par habitant dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
Dans les présentes Perspectives, l’agrégat « huile végétale » comprend l’huile obtenue par trituration de graines oléagineuses (55 % environ de la production mondiale d’huile végétale), l’huile de palme (36 %) et l’huile de palmiste, de noix de coco et de coton. L’utilisation d’huile végétale pour produire du biodiesel, qui représente actuellement environ 16 % de la consommation mondiale d’huile végétale, devrait progresser à l’échelle internationale.
L’utilisation de tourteaux protéiques sera limitée par le ralentissement de la croissance de la production de bétail et de volaille, notamment dans les pays à revenu élevé, étant donné que ceux-ci sont presque exclusivement utilisés pour nourrir les animaux.