En attendant qu’elle soit démise de ses fonctions par le Conseil d’administration ou un décret du président de la République, Agnès Ndoumbé Mandeng ne devrait plus exercice ses fonctions de directrice générale de la Banque camerounaise des PME (BC-PME).
Son agrément lui a été retiré par la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) par une décision signée le 21 juillet 2023, par Abbas Mahamat Tolli, le président de cet organe de régulation du secteur bancaire dans la zone Cemac, au terme d’une session disciplinaire.
A compter de la notification de la présente décision, il est interdit à Madame Mandeng, née Ndoumbe Agnès, de contrôler les opérations ou d’exercer des fonctions au sein de la direction générale ou du conseil d’administration d’un établissement de crédit ou de microfinance sur l’ensemble du territoire des Etats membres de la Cemac, pendant 10 ans,
écrit la Cobac. Ce retrait d’agrément est assorti d’une interdiction d’exercer pendant une durée de 10 ans, dans le secteur bancaire et la microfinance. Cette décision est consécutive à l’ouverture, depuis mars 2023, d’une procédure disciplinaire contre cette banque publique et sa directrice générale.
Ce qui est reproché à Agnès Ndoumbé Mandeng
Selon le régulateur du secteur bancaire dans la zone Cemac, Agnès Ndoumbé Mandeng s’est rendue coupable de
non-respect des dispositions de l’article 26 du règlement relatif au gouvernement d’entreprise dans les établissements de crédit ; non-respect des dispositions des articles 15 et 22 du règlement modifiant et complétant certaines conditions relatives à l’exercice de la profession bancaire dans la Cemac ; non-respect des dispositions des articles 15, 45, 68, 71 et 91 du règlement relatif au contrôle interne des établissements de crédits et des holdings financières…
Egalement, la Cobac reproche à la DG de la BC-PME, le
non-respect des dispositions des articles 13 du règlement Cobac relatif à la classification, à la comptabilisation et au provisionnement des créances des établissements de crédit, et de l’article 3 de la décision Cobac portant mesures d’adaptation à la règlementation prudentielle applicable aux établissements assujettis à la Cobac ; et le non-respect des dispositions de l’article 58 du règlement portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, ainsi que les articles 11 et 18 du règlement relatif aux diligences des établissements de crédit en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en Afrique centrale.
Déjà en 2017, le régulateur bancaire de la Cemac reprochait à la banque de n’avoir pas respecté, depuis août 2015, la norme prudentielle relative au capital minimum. Ce qui signifie que depuis cette période, la BC-PME ne disposait pas assez de fonds propres.
BC-PME : un bilan mitigé
Créée en 2011, avec ouverture des guichets au public le 20 juillet 2015, la BC-PME connait une situation délicate depuis ses premières émissions.
Malgré l’engouement observé dès les premiers jours, et une nette progression des chiffres dans l’octroi de crédits, la BC-PME présente à nos jours un bilan fortement mitigé. Avec plus de 250 comptes ouverts dans ses livres par des PME, la BC-PME a connu un réel engouement à l’ouverture de ses guichets.
Cet attrait s’est traduit par une nette progression des chiffres concernant l’octroi de crédits. Selon l’Institut national de la statistique (INS), le montant des crédits accordés par la BC-PME était en constante évolution. De 5,3 millions de dollars US soit 3,3 milliards de FCFA pour 377 bénéficiaires en 2016, ces chiffres sont successivement passés de 10,4 millions de dollars US soit 6,448 milliards de FCFA pour 787 bénéficiaires en 2017 à 20 millions de dollars US soit 12,367 milliards de FCFA pour 846 bénéficiaires à la fin 2018.
Une ligne de crédit pour accompagner le secteur agricole
Face à la demande sans cesse grandissante des agriculteurs, la BC-PME a entrepris d’élargir ses attentes en mettant sur pied une ligne de crédit spécialement dédiée pour le financement des projets agricoles. Avec l’ouverture d’un guichet spécifique de 324 000 dollars US soit 200 millions de FCFA pour l’encadrement et l’accompagnement des activités du secteur agricole, la BC-PME venait ainsi combler en partie le vide laissé par la non-ouverture de la banque agricole, pourtant annoncée depuis une dizaine d’années.
Performances moroses
Alors que le tissu économique camerounais fait l’objet d’une représentation à hauteur de 95% par les PME, son principal support annoncé tarde à convaincre.
En consultant le rapport 2019 de la commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR) sur les établissements publics au Cameroun, on pouvait constater que la BC-PME affichait un résultat net négatif depuis 2016. Dans le détail, c’est – 2,1 millions de dollars US soit – 1,3 milliard de FCFA en 2016, -1,8 millions de dollars US soit – 1,15 milliard de FCFA en 2017 et -1,7 millions de dollars US soit -1,1 milliard de FCFA en 2018.
La situation financière de la BC-PME est caractérisée par un déséquilibre sur toute la période [sous revue] avec des pertes importantes et le produit net bancaire insuffisant pour couvrir les charges globales d’exploitations, notamment les charges du personnel,
indiquait le CTR. À cela, il faut ajouter qu’à peine 10% des crédits octroyés sont des crédits à moyen terme, alors qu’en moyenne, 90% sont des crédits à court terme. Mais en 2020, la BC-PME a obtenu un résultat net bancaire positif de 189 000 dollars US soit 116 844 299 Fcfa, une hausse de 107,6% par rapport à 2019 où il était de 2,4 millions de dollars US soit 1,5 milliard Fcfa.
En rappel, lors de l’Assemblée générale du 16 novembre 2018, l’État, actionnaire unique, a procédé à l’augmentation du capital de la Banque de 16,2 millions de dollars US soit 10 milliards FCfa à 32,4 millions de dollars US soit 20 milliards de FCFA. Seulement, révèle le CTR, seulement 8,1 millions de dollars US soit 5 milliards FCfa ont été libérés par versement en numéraire en date du 30 juillet 2019.
Contraintes administratives
Les contraintes administratives rencontrées par la BC-PME depuis sa création sont nombreuses. Sur le plan de la gouvernance, outre la non-tenue régulière des sessions d’Assemblée générale, le CTR cite également le non-respect de l’exhaustivité des normes prudentielles, notamment celles relatives à la représentation du capital minimum.
Le constat de cette dernière infraction ayant été fait par la COBAC a conduit le ministre des finances à poser une réflexion sur sa restructuration en août 2018.