A Abidjan depuis le début du mois de septembre courant, le sac de 50 kg de riz thaï est vendu à 25 800 FCFA contre 25 050 FCFA en novembre dernier et 23 050 en 2020. Il y a six ans, ce même volume de riz était vendu à 19 600 FCFA soit 6 000F de moins.
Cette flambée spectaculaire de prix est la conséquence de la décision du gouvernement indien de limiter ses exportations de riz. Des mesures restrictives annoncées depuis l’an dernier par les autorités indiennes, qui depuis mai 2022 avaient pris le soin de notifier les pays concernés, et entrées en vigueur le 20 juillet dernier.
Les restrictions sur les exportations du riz non basmati, « avec effet immédiat », visent à « garantir » un approvisionnement « adéquat » pour les consommateurs indiens et à « atténuer la hausse des prix sur le marché intérieur », a indiqué le ministre indien de la Consommation et de l’Alimentation.
Pour le moment, la vague d’inflation observée sur les marchés frappe surtout les pays largement dépendants des exportations indiennes, l’Afrique de l’Ouest en tête. Les pays les plus affectés sont en l’occurrence la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Sénégal et la Guinée.
Tout au long de la campagne 2021-2022, le Sénégal a importé un million de tonnes de riz indien. La Côte d’Ivoire quant à elle en a importé 1,5 million de tonnes, alors que la production locale du pays est estimée à environ 1,1 million de tonnes, largement en deçà de la demande et des besoins exprimés sur le marché domestique, hélas. 60% de riz blanchi consommé en Côte d’Ivoire provient d’Inde.
Les pays les moins affectés, en revanche, sont à l’évidence ceux qui dépendent moins des importations, et qui importent en moyenne 300 000 tonnes par an. Il y a également ceux dont la consommation par tête d’habitant est insignifiante.
Le Sénégal importe de l’Inde 75% de riz consommé dans ce pays, tandis que le Bénin dépend à 75% du riz indien pour satisfaire son marché. Encore qu’une bonne partie de ces exportations est détournée à destination du Nigeria et du Burkina Faso.
La production locale
L’une des conséquences immédiates de la flambée des prix observée sur le marché est le décret rendu public le 18 septembre dernier par le président ivoirien. Il porte sur la suspension des exportations de riz et de sucre jusqu’au 31 décembre 2023.
La mesure de la première autorité ivoirienne vise à sécuriser l’approvisionnement de ces deux denrées essentielles, dont les prix ont flambé ces derniers mois. Deux jours auparavant, le 16 septembre, les ministères ivoiriens du Commerce, du Budget et de l’Economie avaient signé un arrêté portant plafonnement des prix de certaines denrées de première nécessité sur le marché. Mais elles se sont avérées inefficaces.
Comme la Côte d’Ivoire, d’autres pays impactés par les limitations des exportations de l’Inde se démènent comme ils peuvent pour trouver des solutions alternatives, sans grand succès pour le moment. Le 12 octobre 2022, le vice-président de l’association des consommateurs du Sénégal, Momath Cissé, avouait à nos confrères de RFI que « la production locale est en train d’être transformée mais [qu’] elle ne peut qu’assurer une couverture de trois mois. »
Pour sa part, l’analyste économique béninois, Honorat Satoguina, déclarait :
Peut-être que cela va être une opportunité dans la mesure où le riz local, qui a souvent été délaissé, sera prisé par les consommateurs parce que l’autre riz étant touché, le marché, la demande locale, vont s’intéresser au riz qui est disponible.
Pourtant, le miracle n’est pas envisageable en si peu de temps, au regard du niveau de dépendance de ces pays, comme l’admettait le président des consommateurs sénégalais :
On ne peut pas arriver à l’autosuffisance avec une monoculture, c’est-à-dire cultiver une fois dans l’année, alors qu’il y a des terres et qu’il y a de l’eau.
L’Inde protège ses consommateurs
Les mesures restrictives avaient été envisagées suite à la vague de sécheresse qui a frappé les régions indiennes productrices de riz, mais surtout, dans la foulée des restrictions imposées sur les exportations du blé ukrainien par la Russie, alors ces deux pays se livrent une guerre atroce et féroce depuis bientôt un an et demi.
D’ailleurs, l’acte 1 de cette réaction indienne au contexte international était la limitation des exportations de blé. Non sans conséquences sur les marchés les plus vulnérables comme ceux du continent africain, qui ne produisent pas assez pour satisfaire leurs marchés respectifs.
Au deuxième trimestre de 2023, les exportations indiennes de riz blanc non basmati ont connu un bond de 35% sur un an, a indiqué le ministère de la Consommation et de l’Alimentation de ce pays asiatique, leader mondial en exportations de riz.
L’Inde constitue 80% des exportations mondiales de cette denrée devant la Thaïlande et le Vietnam. 50% des exportations du riz indien sont destinées au marché africain. L’Asie concentre plus de 90% de la production mondiale de riz. La Chine est le premier producteur mondial de cet aliment avec 195 millions de tonnes de paddy (riz non décortiqué) annuelles, soit 24%.
Deuxième mondial, la production de l’Inde représente 18,5% à l’échelle mondiale. En termes de volume, ce chiffre correspond à 145 millions de tonnes de riz paddy. En stoppant les exportations de riz non basmati, le pays de Narendra Modi réintroduit 17,5 Mt de riz sur son marché intérieur. En réduisant ses exportations de 22 Mt à 4,5 Mt de riz, l’Inde réduit les flux mondiaux de riz de près de 40%.
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