C’est l’un des actes forts pris par les deux pays depuis l’accession du Général Assimi Goïta et du Capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir au Mali et au Burkina Faso, et la rupture des liens de coopération entre leurs pays respectifs et la France à la faveur des coups d’Etat qui ont installé un régime militaire à la tête de ces deux pays de la région sahélienne d’Afrique.
Le Mali et le Burkina Faso ont décidé de changer de paradigme en matière d’accès aux ressources énergétiques. Les deux pays se retournent désormais vers la société russe Rosatom pour atteindre leurs fins et garantir de façon durable leur sécurité énergétique.
Mi-octobre à Moscou, lors de la Semaine de l’énergie, le Burkina-Faso a donné le ton en concluant un accord avec l’agence nucléaire russe en vue de la construction de petits réacteurs modulaires pouvant produire jusqu’à 300 mégawatts (MW). Les montants des contrats n’ont pas été révélés.
Commentant le choix des autorités de son pays, l’ancien Premier ministre du Burkina Faso, Lassina Zerbo, président du conseil d’administration du Rwanda Atomic Energy Board, a déclaré à nos confrères de RFI à propos du programme nucléaire de son pays :
Avec les nouvelles technologies, je crois que c’est réaliste. Le nucléaire a évolué, les technologies ont évolué. On parle aujourd’hui de SMR, des Small Modular Reactor, on parle des nanoréacteurs. Avant, on parlait de très grandes quantités d’eau pour les centrales nucléaires conventionnelles, mais avec les SMR, on n’a pas besoin de tant d’eau, on n’a pas besoin de tant d’uranium. Et puis avec le refroidissement au gaz et d’autres méthodes, on arrive à réduire les tailles des centrales nucléaires aujourd’hui. Je pense que c’est réaliste pour les pays africains.
Le SMR est justement la technologie choisie par le Burkina Faso. Son voisin malien a également conclu un accord de coopération similaire avec Rosatom, une information confirmée par l’agence nucléaire russe. Le pays va accueillir sur son sol les travaux de construction de quatre centrales nucléaires de 55 mégawatts.
Ces accords surviennent alors que le Burkina Faso prévoit l’importation de 300 Mw en provenance de ses pays voisins pour assurer la continuité de la fourniture d’énergie électrique pendant la période de pointe en 2023.
La démarche en vue de la production d’électricité d’origine nucléaire est cependant longue, et le chemin semé d’embuches. Elle nécessite la formation d’un personnel qualifié et la mise en place d’une autorité de sûreté nucléaire dont la création doit ensuite être validée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Celle-ci ayant la charge de veiller à la conformité du programme. Pour le cas de la Pologne, cette procédure a duré dix ans.
Un taux d’électrification très faible
Or, dans le même temps, le pays des hommes intègres nourrit l’ambition d’exporter l’électricité dès cette année 2023 grâce au développement des énergies renouvelables. Les investissements à opérer dans ce secteur visent à faire du Burkina la plaque tournante de l’énergie solaire dans la sous-région.
Pour le moment, le pays de Thomas Sankara a un taux national d’accès à l’électricité de 22,5% à la fin 2020. Un des plus faibles en Afrique et dans la sous-région. Cette statistique a été confirmée en août dernier par le rapport d’évaluation du Projet « Désert to Power », qui est le Projet d’électrification et de développement des connexions à l’électricité (Pedecel). Au cours de la même période, le taux d’électrification dans la sous-région était de 40% en moyenne. En 2020, le taux d’accès à l’électricité au Burkina était de 67,4% en zone urbaine contre 5,3% en milieu rural.
L’ambition affichée des autorités militaires au pouvoir est de porter à 90% le taux d’accès en zone urbaine et à 30% le taux d’accès en milieu rural. Le but final est l’accès à l’électrification universelle « à l’horizon 2030 ». En 2021, le pays comptait deux centrales nucléaires. Il est question pour Ouagadougou de construire de nouvelles centrales thermiques à gaz et de rénover celles existantes, tout en implantant des centrales solaires.
Avant le coup d’Etat, la société française Solar Ren, spécialisée dans la production et le stockage d’énergies renouvelables, envisageait la construction, à Matourkou, à proximité de Bobo-Dioulasso, d’une centrale de 38 MW pour électrifier 15 000 foyers.
Qair, une autre société indépendante française, annonçait la construction d’une centrale solaire devant fournir l’énergie à 75 000 foyers dans la commune de Zano en collaboration avec la Burkinabè Syscom Network.
Quid du Mali ? En juin 2023, la Banque mondiale a approuvé un financement de l’Association internationale de développement d’un montant de 157 millions de dollars visant à soutenir le Mali et à améliorer la fiabilité et l’efficacité du système électrique et accroître l’accès à l’électricité dans les zones sélectionnées par le projet.