Pour certains pays comme les États-Unis et la Chine, le gaz de schiste (encore appelé le gaz de roche-mère) et le pétrole de schiste, bien que classés dans la catégorie des hydrocarbures non conventionnels, constituent des sources d’énergie alternatives permettant de limiter les coûts des importations des énergies conventionnelles. Ces deux pays industrialisés exploitent ces ressources depuis des lustres. Ce qui n’est pas le cas pour le continent africain.
L’Algérie est l’un des pionniers à engager le débat sur l’opportunité de l’exploration des énergies non conventionnelles. En février 2012, les réserves techniquement exploitables de gaz de schiste du pays sont estimées à plus de 2 000 milliards de mètres cubes. Mais ce n’est qu’en juin de la même année que la communauté des affaires apprend le forage du premier puits de ce gaz non conventionnel dans ce pays.
Nous venons d’entamer le forage du premier puits shale gaz en Algérie, appelé Ahnet 1 qui va nous permettre d’approfondir davantage nos données sur nos réserves gazières non conventionnelles et d’établir les techniques de forage adéquates à ce type d’extraction de gaz,
annonçait, lors de la Conférence mondiale du gaz, à Kuala Lumpur, le directeur central des associations de Sonatrach, Kamel Eddine Chikhi, en se frottant les mains. Le forage a été effectué dans le bassin d’Ahnet, situé au sud d’In Salah, par la Sonatrach, qui est la compagnie nationale algérienne détenue à 100% par l’Etat.
L’Algérie, troisième réserve mondiale de roches-mère
Entre temps, les réserves du pays en gaz de schiste s’accroissent au fil des ans à la grande satisfaction des autorités en charge des questions minières. De 19 800 milliards de m3 en 2013, elles vont s’établir à 600 trillions de pieds cubes en 2014, et bientôt 700 et 707 trillions de pieds cubes, faisant de l’Algérie le pays ayant la troisième réserve récupérable de gaz de schiste au monde, d’après le classement effectué en 2013 par le Département américain de l’Energie.
Mais les dénonciations de la société civile algérienne ont eu pour effet de freiner les ardeurs et de doucher l’enthousiasme du pouvoir d’Alger. Qui, en 2017, par la voix du chef du gouvernement de ce pays, va ordonner à la Sonatrach, contre vents et marées, la relance des explorations et du forage.
Il est temps que Sonatrach exploite toutes ses énergies au service de l’entreprise et du pays,
déclarait, début octobre 2017, le Premier ministre Ahmed Ouyahia, en visite à la raffinerie d’Arzew dans l’ouest algérien. Au grand bonheur de Vincent Dutel. Le groupe Total que ce Français dirige à l’époque est partenaire de la Sonatrach et de Partex, dans le projet d’exploitation du puits de gaz de schiste d’Ahnet.
A l’ouverture des journées d’étude sur les gaz non conventionnels, le ministre algérien de l’Energie, Youcef Yousfi, annonçait, par la voix de son conseiller, Ahmed Mecheraoui, l’identification des blocs pour l’exploration du gaz de schiste, ainsi que des avancées significatives de son pays dans la proposition des projets concrets d’hydrocarbures non conventionnels (tight gas, shale gas et oil gas), selon APS.
Les résultats préliminaires de notre évaluation du potentiel de gaz non conventionnel et notamment de gaz de schiste indiquent que le potentiel est au moins comparable aux plus importants gisements américains,
déclarait alors, le membre du gouvernement algérien. Du reste, C’est dans ce climat d’optimisme général que le gouvernement algérien annonçait déjà, en octobre 2013 par la voix de Saïd Sahnoune, face à la presse, le début de l’exploitation des gaz de schistes pour 2025, avant de ramener la date à 2022.
A l’horizon 2025, on pourrait également atteindre un niveau de production de l’ordre de 10 milliards de m3 de gaz de schiste,
déclarait-il.
Algérie : 31 milliards de dollars de recettes de gaz escomptées
L’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (ALNAFT) estimait alors, sur la base d’une modélisation géotechnique, les réserves à 120 000 milliards de m3. Un chiffre de loin supérieur aux quelque 28 000 milliards de m3 avancés à l’époque par le géophysicien algérien, Bentellis Abdelhakim, spécialiste en réservoirs pétroliers.
En 2017, l’Algérie évaluait à 31 milliards de dollars soit 26 milliards d’euros, les recettes pouvant être générées par la vente de son gaz de schiste au cas où son exploitation venait à être effective.
En termes de potentiel, l’Afrique du Sud a la deuxième réserve africaine. Le potentiel de la nation arc-en-ciel est estimé à 390 milliards et représente 5,5% des réserves mondiales prouvées. Une estimation qui correspondrait à au moins un siècle de consommation annuelle du pays soit 3,8 milliards de m3 à son rythme du moment, selon les données de l’Agence américaine pour l’information sur l’énergie (EIA), une agence indépendante de la statistique au sein du ministère de l’Energie des Etats-Unis.
Un indicateur qui classe le pays de Nelson Mandela 8ème mondial. Tout juste devant la Russie (9ème) et le Brésil (10ème), qui totalisent chacun 295 milliards de m3, et derrière le Mexique (545 milliards de m3) et l’Australie (437 milliards de m3).
Pour boucler ce classement mondial de 2013, il faut noter que la Chine est classée au peloton de tête avec un volume estimé à 1,115 milliard de m3, suivie de l’Argentine (802 milliards de m3). L’Algérie, 3ème mondial (707 trillions de pieds cubes), ainsi que nous l’avons relevé, devance les Etats-Unis (4ème avec un potentiel de 665 milliards de m3) et le Canada, 4ème avec des réserves estimées à 573 milliards de m3.
Les réserves mondiales (ou ressources récupérables par les techniques actuelles) de gaz de roche-mère en 2013 sont estimées à 206 700 milliards de m3 soit environ 30% des réserves mondiales en gaz naturel. Elles sont réparties sur 41 pays sur tous les continents, dont les plus grands détenteurs que seraient la Chine, l’Argentine, l’Algérie, les Etats-Unis, selon l’EIA.
32 compagnies minières pour explorer 900 000 km2 de bassin sédimentaire au Maroc
La région de Maâtarka, sur la steppe orientale du Maroc, est en proie à une pauvreté endémique qui touche 28,5% des habitants, soit trois fois plus que dans le reste du pays, selon l’office des statistiques du Haut-Commissariat au plan de ce pays. Depuis 2017, cette région désertique attire la curiosité des géologues. Les gisements de gaz de schiste découverts dans le sol lunaire des villages de cette région de l’Est marocain, ont donné le sourire à certains de ses habitants.
Cette région connaissait déjà une intense activité de prospection gazière depuis les années 60, mais les recherches géologiques n’avaient jamais débouché sur des résultats concluants. Les Italiens d’Agip, premiers explorateurs déployés dès 1966 dans la région de Tendrara, à l’est du pays, plient leurs bagages après deux années d’exploration infructueuse.
Pendant quelques années, l’exploration est au point mort. En cause, la baisse des prix des produits pétroliers. La flambée des prix des ressources fossiles (gaz et pétrole en tête) à la faveur de la crise des subprimes, en 2008, relance l’intérêt pour le gaz de schiste.
L’annonce de la découverte d’un champ gazier par le ministre de l’Énergie, en 2014, a suscité un nouveau regain d’intérêt chez les majors du secteur minier.
Le Maroc totalise 900 000 km carrés de bassin sédimentaire au fort potentiel gazier, alors qu’à peine la moitié ont été sérieusement explorés,
déclarait alors Abdelkader Amara, lors du Morocco Oil and Gas Summit, organisé à l’époque par le Royaume chérifien pour attirer les investisseurs dans ce secteur.
Un an plus tôt, en mars 2013, l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) autorisait cinq compagnies à commencer les forages d’exploration en vue d’évaluer les réserves du Maroc en gaz de schiste.
Depuis, la ruée des compagnies minières mondiales ne s’est plus estompée. Des permis de recherches ont déjà été délivrés à 32 entreprises du secteur minier. Le site de Tendrara, considéré comme l’une des zones les plus « prometteuses », est passé au peigne fin par des groupes gaziers ou pétroliers. Circle Oil, GulfSands, Repsol, Longreach sont comptés parmi les plus actifs. Ils sont déployés dans tout le pays, aussi bien sur des zones onshore qu’en offshore.
En avril 2016, la société britannique Sound Energy obtient un permis de recherches sur ce territoire avec son partenaire marocain, Oil & Gas Investment Fund (OGIF), proche du pouvoir.
Le Maroc représenterait ainsi le troisième pays en Afrique du Nord en terme de potentiel pour les gaz de schiste et dispose de larges réserves réparties dans 4 bassins majeurs : Bas-Draa Zag, Boudenib et Ouarzazate, les Hauts Plateaux et le Tadla & Haouz.
50 milliards de barils de schiste bitumineux au Maroc
Au royaume chérifien, les principaux gisements ayant un fort potentiel gazeux sont ceux de Timahdit, dans la chaîne du Moyen Atlas à environ 240 km de Rabat, de Tarfaya qui s’étend sur 2500 km² le long de la côte atlantique, à 1200 km au Sud de Rabat, et le bloc Doukkala, couvrant près de 2000 km² le long de la côte atlantique, à environ 125 km de Casablanca. Le gisement de Timahdit à lui seul a été évalué à l’équivalent de 15 milliards de barils d’huile.
Pour notre pays, et grâce à une géologie favorable, le potentiel en gaz de schiste est très prometteur. Un programme ambitieux de recherche et d’ exploration a été lancé au niveau de l’ ONYHM pour répondre à un double objectif : l’ évaluation du potentiel de nos bassins sédimentaires en gaz de schiste et la mise en place de partenariats avec des sociétés disposant de l’expérience et de la technologie indispensables à la valorisation de cette ressource dans les zones où les recherches n’ont été traditionnellement orientées que vers les hydrocarbures conventionnels,
déclarait, il y a quelques années, le ministre marocain de l’Energie et des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Fouad Douiri.
Depuis 2013, les recherches sont concentrées surtout vers la confirmation des réserves de schiste bitumineux, qui pourraient finalement faire la différence entre ce royaume et les autres pays africains renfermant le gaz de schiste dans leur nappe phréatique. En mars de la même année, le président exécutif de San Leon Energy, Oisin Fanning, déclarait à la suite des évaluations de la zone de Tarfaya onshore :
Le Maroc a une des plus grandes réserves de schistes bitumineux dans le monde et des projets tels que Tarfaya aideront le Royaume à répondre à ses besoins énergétiques futurs.
Le potentiel du pays en réserves de gaz de schiste bitumineux est de 50 milliards de barils. Le royaume mise sur l’exploitation de cette ressource pour résorber sa dépendance énergétique. Mais le plus gros défi demeure sa mise en valeur. Car, contrairement au gaz de schiste et au sable bitumineux, le procédé industriel utilisé bute sur l’inexistence d’unités de valorisation de schistes bitumineux à l’échelle mondiale, selon les explications fournies à l’époque par la directrice générale de l’ONHYM, Amina Benkhadra.
L’Afrique du Sud dans le top 10 des réserves mondiales
Ces dernières années, l’Afrique du Sud a été confrontée à sa pire crise énergétique. Le pays a fait face à de fréquents dysfonctionnements de ses infrastructures d’électricité et à de multiples interruptions sur son réseau électrique, avec des conséquences graves sur une industrie nationale finalement peu compétitive face à celle d’autres pays tels que l’Australie. Le pays d’Afrique australe consomme en effet 30% de l’énergie primaire et 37% de l’électricité produite sur le continent africain.
Depuis l’organisation des premières élections démocratiques, en avril 1994, quatre millions de nouveaux logements ont été raccordés au réseau électrique du pays, entraînant une augmentation de plus d’un tiers de la consommation de cette énergie. La hausse de la production minière et de la progression de l’urbanisation justifient également cette forte demande.
Le charbon fournit 72% de l’énergie primaire consommée dans le pays. La combustion de ce minerai assure 94% de la production d’électricité. L’Afrique du Sud détient 95% des réserves africaines de charbon et possède les 9èmes réserves mondiales de cette énergie fossile.
Il y a quelques années, le gouvernement du président Jacob Zuma avait initié des négociations avec ses partenaires Eskom, Areva et Rosatom, et ses fournisseurs potentiels, en vue de la construction de nouvelles installations nucléaires pour renforcer les capacités des deux réacteurs de la centrale de Koeberg. Situées à une trentaine de km au nord-ouest de la ville du Cap, construites par Framatome et mises en service en 1984, ces infrastructures n’assuraient plus alors que 6% de la production d’électricité du pays.
C’est dans ce contexte qu’en 2012, le gouvernement de Jacob Zuma, après moult tergiversations, avait levé le moratoire relatif aux forages d’exploitation de gaz de schiste. Dans la foulée, il annonçait le démarrage de l’exploitation pour le second semestre de l’année 2017.
Dans le rapport publié la même année sur le développement du pays à l’horizon 2030, le gouvernement soulignait l’urgence de rechercher de nouvelles sources d’énergie alternative et optait pour l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels.
C’est que, d’après les études, à une échéance de 15 ans, la production de ce gaz pourrait satisfaire la demande intérieure en énergie, et remplacer partiellement la combustion de charbon. Et permettre à ce pays d’augmenter ses exportations de charbon à destination de la Chine et de l’Inde, qui sont les deux principaux acheteurs mondiaux de ce minerai.
Comme pour traduire ses ambitions dans les faits, le gouvernement sud-africain a annoncé, en mai 2023, la mise aux enchères prochaine d’au moins 10 nouveaux blocs onshore pour l’exploration du gaz de schiste dans la région semi-désertique de Karoo, qui couvre la moitié de la superficie du pays et est réputée écologiquement sensible.
Il faut noter que plus du tiers (1/3) des émissions de gaz à effet de serre en Afrique sont imputables à la quantité de charbon exploitée en Afrique du Sud pour la production de l’électricité.
Une dizaine de blocs de gaz de schiste, d’une superficie de 90 000 km2, mis aux enchères par Pretoria
Nous envisageons potentiellement un minimum d’une dizaine de blocs de gaz de schiste dans le Karoo qui seront mis aux enchères
, a déclaré en mars 2023, à nos confrères de Reuters, Bongani Sayidini, directeur des opérations de l’Agence sud-africaine du pétrole (PASA).
Une étude réalisée en 2017 par des géologues de l’université de Johannesburg indiquait déjà que le bassin de Karoo renfermait probablement 13 billions de pieds cubes (tcf) de gaz de schiste, tout juste la limite inférieure d’estimations comprise entre 13 tcf et 390 tcf. Une estimation bien inférieure à celle de la PASA, qui établit les réserves de ce bassin à environ 209 billions de tcf de ressources en gaz de schiste techniquement récupérables.
Des études réalisées par l’Académie des sciences d’Afrique du Sud et publiées en 2022 dans son plan d’action sur le gaz de schiste du Karoo, prouvent que 5 tcf suffiraient à une centrale électrique au gaz de 1 000 mégawatts (MW) à 2 000 MW pour fournir de l’électricité pendant 30 ans.
La première vente aux enchères de ressources pétrolières et gazières pourrait être effective en 2024 ou 2025. Les zones concernées, d’une superficie de 90 000 km2, sont celles autrefois détenues par la major pétrolière Shell, qui, au début de l’année 2022, a retiré une demande d’exploration, préférant d’autres zones certes plus petites en superficie, mais plus rentables du point de vue commercial.
Selon Philip O’Quigley, PDG de Falcon Oil and Gas, le gaz de schiste existe en forte concentration dans la partie méridionale du bassin, où la société cherche à obtenir une licence.
Nous pensons que c’est l’endroit où le potentiel est le plus élevé pour le rendre commercialement viable,
a-t-il déclaré à Reuters.
Falcon Oil and Gas et Bundu Gas and Oil Exploration, une unité majoritairement détenue par l’entreprise australienne Challenger Exploration, ont conservé le droit de demander des licences d’exploration. Selon la PASA, des analyses effectuées à l’étranger sur quelque 2500 échantillons de sol du Karoo se sont révélées concluantes.
Ces analyses ont confirmé la présence de gaz et même de suintements de pétrole de sorte que nous pensons maintenant qu’il pourrait même y avoir un potentiel pétrolier dans le Karoo,
s’est réjoui le directeur des opérations de cette agence.
Plusieurs autres groupes pétroliers, à l’instar de Shell et Chevron, ont été autorisés à effectuer des relevés cartographiques et des recherches géologiques approfondies, mais l’agrément interdit les forages même à titre expérimental.
Il faudrait une décennie pour que soit effective la première production de gaz de schiste en Afrique du Sud, selon les autorités en charge des questions minières de ce pays.
L’année dernière, le gouvernement a soumis à l’appréciation du public la nouvelle réglementation sur la fracturation. La finalisation de ce document, essentielle pour le démarrage de toutes opérations, était annoncée pour août dernier, à en croire le ministère de l’Environnement sud-africain.
Cependant, même en cas d’un plébiscite, l’élaboration et l’adoption de la loi mettant en place le cycle d’enchères serait loin de dissiper les craintes des agriculteurs relativement à la concurrence pour une ressource hydrique déjà rare, et susceptible de s’épuiser ou de subir la pollution.
Une extraction coûteuse, contraignante et très critiquée
En effet, la fracturation hydraulique utilisée pour l’extraction du gaz de schiste consiste à injecter dans les fissures de la roche-mère de grandes quantités d’eau (15 à 35 millions de litres par cycle de fracturation) sous de fortes pressions avec du sable et des produits chimiques (entre 500 et 600 produits chimiques), pour la vider du gaz séquestré dans les entrailles de la roche. Or plus de trente produits utilisés dans ce processus sont considérés comme hyper toxiques et cancérigènes.
Cette technique est très coûteuse. Selon l’Agence nationale algérienne pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (ALNAFT), les besoins d’investissements dans le gaz de schiste en Algérie pour produire 60 milliards de m3 par an sont estimés à 300 milliards de dollars. Pour sa part, le géophysicien algérien Bentellis Abdelhakim évalue le coût de forage d’un puits de gaz de schiste entre 20 et 21 millions de dollars et sa durée de vie entre 4 et 5 ans, contre 25 et 30 ans pour le gaz conventionnel.
Mais au-delà des coûts, ce sont les dégâts environnementaux qui préoccupent. La pollution de la nappe phréatique est le risque le plus redouté à côté des mouvements sismiques liés à la déstabilisation de la roche-mère. C’est pourquoi, dans tous les pays où a surgi le débat sur l’exploitation du gaz de schistes, des organisations de la société civile, au premier rang desquelles les environnementalistes, sont montées au créneau pour dénoncer les décisions politiques y afférentes.
Aucun pays africain n’a encore tranché à l’heure qu’il est, le débat ni marqué un pas décisif vers l’effectivité ou la mise en œuvre des projets. En Algérie, l’euphorie et l’enthousiasme des autorités n’ont été que de courte durée.
Au Maroc, l’organisation d’une journée scientifique en présence des autorités du pays, en 2013, avait contraint jusqu’aux responsables politiques à faire marche arrière.
Le président de la Chambre des conseillers, Mohamed Chikh Biyadillah, le ministre de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Fouad Douiri, déjà démissionnaire à l’époque, et la directrice générale de l’ Onhym, avaient été convaincus par les arguments développés par les intervenants, relativement aux dégâts causés par l’exploitation du sable de schiste dans la région canadienne d’Alberta et par l’extraction du gaz de schiste par la fracturation hydraulique aux États-Unis, à Bakken dans le Dakota du Nord et à New-York.
Un argumentaire souligné à grands traits par le responsable des politiques énergies au Fonds mondial pour la nature (WWF), Stephan Singer :
Actuellement, nous constatons que plusieurs régions connaissent déjà une pression sur les ressources en eau à cause de l’explosion démographique mondiale.
Dans ce pays, des associations redoutent la pénurie des réserves hydriques déjà critiques. Comme le prévoit le Plan bleu. Selon ce plan, le pays devrait affronter une pénurie d’eau à l’horizon 2025, ce qui pourrait avoir pour conséquences,
des conflits d’usage de l’eau, massivement utilisée en la circonstance, jusqu’à la modification des paysages, en passant par l’altération des écosystèmes, les risques de dégâts collatéraux sur la nappe phréatique du fait des explosions souterraines qui précèdent la fracturation hydraulique, la dégradation de la biodiversité ou bien encore le devenir des dizaines de tonnes d’additifs chimiques qui ne pourront être remontées à la surface à l’issue de la phase d’exploitation,
d’après un rapport de l’Assemblée nationale française publié en 2011.
En Afrique du Sud également, malgré les avancées réalisées par le gouvernement, des critiques fusent. Comme celles des agriculteurs et des fermiers blancs installés sur le plateau de Karoo, bien que cette vaste steppe soit moins peuplée. Selon Jonathan Deal, fondateur du Treasure the Karoo Action Group, une organisation à but non lucratif créée pour s’opposer fermement à la fracturation dans ladite région,
Le risque énorme qu’il représente pour l’environnement ne peut être sous-estimé.
Une option pour les générations futures ?
Malgré ces nombreuses critiques, les gouvernements s’attellent à rassurer l’opinion. Le directeur général de Sound Energy Morocco, Luca Madeddu, affirme au site d’informations et d’opinion trilingue Equal Times, que
l’exploitation sur le permis de recherches du Grand Tendrara concerne uniquement le gaz conventionnel et nous sommes en conformité avec les normes environnementales du pays.
Avant sa démission, l’ancien ministre Fouad Diouri affirmait pour sa part :
Nous sommes loin de l’exploration et de l’exploitation du gaz de schiste. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase des études géologiques. Ces études nous permettront d’évaluer les potentialités nationales dans ce domaine.
Dans la foulée, une cellule de veille avait été mise en place au niveau de l’Onhym pour évaluer l’impact du gaz de schiste sur l’environnement dans la perspective d’une prise de décisions.
En tout état de cause, les gouvernements qui désireront se lancer dans l’extraction de gaz de schiste devront payer le prix et mobiliser les investissements conséquents pour le traitement des déchets et des gaz qui remontent à la surface. C’est ce que pense l’Algérien Bentellis Abdelhakim. « On ne risque pas d’avoir des échappées de gaz », rassure l’expert.
Nombre de compagnies pétrolières ont proposé d’acheminer ces eaux polluées par camion ou par canalisation, mais la solution est jugée prohibitive comparée à l’option de réutiliser l’eau issue de la fracturation pour le forage. Une autre solution peu viable.
Les nouvelles techniques d’exploitation du gaz de schiste pourraient offrir à la région (du Karoo) d’importantes perspectives économiques. Dans le même temps, nous ne soulignerons jamais assez la nécessité de combiner la production de gaz avec une bonne planification et une gestion durable de l’environnement,
déclare, enfin, Kurt Lonsway, manager en charge de l’environnement et du changement climatique au sein du département de l’énergie, de l’environnement et du changement climatique de la BAD, au sujet du projet du gaz de schiste sud-africain.
Il n’en demeure pas moins que, dans un contexte de croissance démographique constante et de rareté des ressources vitales et des ressources énergétiques classiques, le ministre algérien des Ressources en eau, Hocine Necib, en 2013, envisageait l’exploitation du gaz de schiste comme
une option pour les générations futures, un choix stratégique pour la sécurité énergétique du pays.