En service depuis 1996, le gazoduc Maghreb-Europe permettait d’acheminer chaque année 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel depuis l’Algérie vers l’Espagne et le Portugal. Long de plus de 1.400 kilomètres, le pipeline traverse ainsi, sur 540 kilomètres, le territoire marocain.
Le souverain chérifien a assuré avoir « pris l’initiative de créer un cadre institutionnel regroupant les 23 États africains atlantiques », dont l’un des objectifs sera, entre autres, de financer ce projet aussi stratégique que coûteux. L’idée du projet avait été lancée en 2016 par le roi Mohammed VI lors d’une visite à Abuja.
Sa relance s’explique par la décision d’Alger – premier exportateur africain de gaz naturel – de mettre fin l’an dernier au contrat du GME (Gaz Maghreb Europe) desservant l’Espagne en gaz algérien via le Maroc, après la rupture des relations diplomatiques avec Rabat. Malgré les efforts déployés par Mohammed VI pour remporter ce projet estimé à 25 milliards de dollars pour le Maroc,
une concurrence féroce émane d’un projet similaire de grande envergure mené par l’Algérie avec le Nigeria et le Niger,
souligne le magazine Jeune Afrique.
Jeune Afrique met en lumière les avantages et les inconvénients des deux projets, soulignant que le gazoduc reliant le sud du Nigeria à l’Algérie, traversant le Niger sur 4100 km, représente une distance moindre et coûte également moins cher, soit 13 milliards de dollars, comparé au pipeline marocain.
Quant au gazoduc reliant le Maroc au Nigeria, il couvre une distance de 5660 km et son coût est estimé à 25 milliards de dollars. Selon le magazine, le gazoduc algérien devrait être opérationnel en 2027, tandis que le gazoduc marocain ne le sera qu’en 2046.
La rupture du contrat du gazoduc Gaz Maghreb Europe (GME)
La dépendance de Rabat au gaz algérien est réelle. Le gaz algérien couvrait 97% des besoins en gaz du Maroc. Le gaz algérien alimente deux centrales thermoélectriques à Tahaddart (nord) et Aïn Beni Mathar (est) à hauteur de quelque 700 millions de M3 par an.
La fin du transit du gaz algérien sur le territoire a également des conséquences financières pour le royaume marocain. La redevance du transit de gaz algérien sur le territoire marocain a rapporté chaque année à Rabat l’équivalent de 50 millions de dollars en 2020, perçus en nature.
Les échanges économiques paralysés
Les décennies d’instabilité dans la région ont fortement réduit le commerce entre les deux pays. En 2020, le volume des échanges dépassait à peine 500 millions d’euros, soit 1 % des importations et des exportations du Maroc, selon l’Office des changes marocain.
Un montant dérisoire quand on le compare par exemple aux échanges entre le royaume et son voisin espagnol, qui ont atteint 13,5 milliards d’euros en 2020. Le Maroc importe principalement d’Algérie des hydrocarbures et exporte chez son voisin des métaux, des engrais.
Les frictions diplomatiques paralysent le développement d’une union économique dans cette région qui partage pourtant les mêmes problématiques : chômage endémique des jeunes et des diplômés, crise de l’eau, conséquences du Covid-19 sur les investissements et sur le tourisme…
L’intégration économique du Maghreb impactée
Selon un rapport prospectif de la Banque mondiale publié en 2010, l’intégration économique du Maghreb aurait pu augmenter le PIB par habitant, entre 2005 et 2015, de 34 % pour l’Algérie, de 27 % pour le Maroc et de 24 % pour la Tunisie, indirectement impactée par l’instabilité régionale.
La Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies considère quant à elle qu’une union du Maghreb aurait fait gagner aux cinq pays de la région (incluant la Libye et la Mauritanie) l’équivalent de 5 % de leurs produits intérieurs bruts cumulés.
Rappelons que la crise a éclaté peu après la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, en échange de la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Alger, qui appuie les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, répète régulièrement de son côté son soutien à la cause palestinienne.