Comme toujours et en bâclant la logique participative si chère à la bonne gouvernance, le gouvernement camerounais a opté pour le passage en force d’un réajustement à la hausse des prix du carburant à compter de ce 3 février 2023. Une situation disproportionnée dans la mesure où cette attaque coordonnée au pouvoir d’achat des citoyens avec effet immédiat n’a pas été suivie par des mesures de compensation pourtant promises par le Président de la République un mois plus tôt. Résigné à devoir gouverner par la force malgré sa Majorité obèse, le régime Biya diffuse des fakenews qu’il convient de démentir pour garantir la transparence et la bonne information des citoyens.
L’augmentation des prix se justifie par la conjoncture internationale : Faux !
Au moment où j’écris cet article, le prix du baril du pétrole est de 77 dollars américains, une tendance générale plutôt à la baisse depuis longtemps. Depuis plus d’un an, le prix n’a pas atteint 100 dollars. Je vous épargne des calculs mais, si l’on considère qu’un baril est équivalent à 159 litres, alors le prix du litre sur le marché international serait de 290 FCFA ce jour. La structure officielle des prix montre que le carburant est cher au Cameroun pour deux raisons : d’abord, le choix du régime en place de traiter avec des traders qui font dans la spéculation.
Ce choix injustifié des intermédiaires permet aux agents publics corrompus et aux hommes d’affaires véreux de se faire payer des commissions et des rétro-commissions comme dans l’affaire Glencore qu’ils essaient d’enterrer. Ensuite, le choix du gouvernement de procéder à la surtaxation du carburant. Il existe environ 26 taxes et autres charges ajoutées sur le litre du carburant. En économie, c’est un choix plutôt ultralibéral que vient de suivre le nouveau Président nigérian pour relever le prix à la pompe. Cela n’a donc strictement rien à voir avec la conjoncture internationale. Cela relève bel et bien d’une décision de politique nationale.
Le gouvernement subventionne le carburant : Faux !
En économie, la subvention suppose simplement le transfert d’une ressource collectée dans un secteur vers un autre secteur à soutenir. Ce n’est pas du tout le cas au Cameroun. Lorsque l’on parcourt les comptes de l’Etat pendant les 10 dernières années, l’on ne voit pas la caisse où le gouvernement a puisé de l’argent pour subventionner le carburant. Cette disposition n’existe pas aussi dans les lois des finances. Dans les faits, même le moins perçu défendu par certains économistes est très discutable dans la mesure où vous ne pouvez pas ajouter 26 taxes et considérer que le remboursement d’une de ces taxes est une subvention.
En clair, d’autres courants économiques recommandent plutôt que l’Etat renonce à la surtaxation en vue de soutenir le pouvoir d’achat et la consommation. La subvention dont on parle relève donc d’une propagande ultralibérale qui cache un scandale financier que nous soulèverons le moment venu. En effet, le gouvernement se comporte comme si la Caisse de Stabilisation des Produits des Hydrocarbures (CSPH) n’existait pas. Je ne reviens pas sur le scandale de la SONARA construite dans la logique coloniale pour annuler le statut de pays producteur du Cameroun. Le gouvernement camerounais perçoit chaque année plus de 400 milliards de FCFA d’impôt destiné à la construction de la SONARA. Pour nous parler de subvention, il faut nous faire les comptes de la SONARA et de la CSPH car, on ne peut pas dire subventionner ce que le citoyen-consommateur a déjà payé.
Je reste pour l’instant sur la structure des prix à la pompe. Le citoyen camerounais n’a jamais profité de la tendance baissière du prix du baril de pétrole sur le marché international à cause de l’option du pays pour la création d’une caisse de stabilisation (CSPH). La logique était que la CSPH compense la tendance haussière par le bénéfice réalisé. Mais, a-t-on jamais vu cet argent dans la structure des prix ? Nous reviendrons sur ce scandale financier et nous vous dirons pourquoi le FMI fait le jeu du gouvernement.
La hausse des prix à la pompe vise à éviter des tensions dans l’approvisionnement du marché national : Faux !
Si le marché était libéralisé, les marketeurs camerounais s’approvisionneraient tranquillement au Nigéria comme dans 5 régions sur 10 au Cameroun (Extrême-nord, Nord, Adamaoua, Nord-Ouest et Sud-Ouest). Ce serait plus avantageux pour les citoyens-consommateurs. C’est encore le choix de créer la CSPH et de fixer les prix plafonnés qui menace l’approvisionnement du pays. Il faut dire la vérité : le pays est devenu insolvable puisqu’il ne paie pas à temps ses dettes malgré le fait que les ultralibéraux nous rappellent que cette dette qui représente 46% du PIB est en deçà du seuil communautaire de la CEMAC.
Ce qui est important, c’est d’être déjà capable de rembourser le peu de dette que nous contractons. Les lettres de crédit du Cameroun ne sont plus acceptées. Le pays est en mode « payer avant d’être servi » comme dans les boutiques du quartier. Or, le pays est en situation de surliquidité. Le pays n’a pas d’argent alors que les camerounais ont l’argent : l’équation économique à résoudre est d’utiliser cet argent qui circule à travers le pays plutôt dans le circuit informel. Diversifier les fournisseurs du carburant est la solution. Le gouvernement refuse de le faire parce que cela suppose la baisse des prix à la pompe. Le mauvais cœur à l’état pur !
Le FMI qui est normalement contre toute politique de contrôle des prix fait ce jeu parce que c’est la seule façon de garantir des recettes sûres qui permettront au gouvernement camerounais de rembourser ses dettes. Le FMI n’est pas au Cameroun pour nos beaux yeux. Ils sont là pour nous forcer à payer nos dettes. C’est la véritable raison de l’augmentation des prix à la pompe. A quoi a servi cette dette ? C’est un autre scandale financier sur lequel nous reviendrons. Les gars ont détourné plus de 8000 milliards de FCFA en 10 ans, c’est-à-dire presque le montant des dettes contractées. Il faut vivre au Cameroun pour écouter les histoires de ce gouvernement véreux.
Et c’est la faute de qui ? C’est la faute du clientélisme. Beaucoup de camerounais vivent de la pitance. Ils se font arroser par les miettes issues de l’argent détourné. Les membres du gouvernement véreux achètent ainsi leur silence et leur conscience. Allons-nous continuer d’être de ceux-là ?Alors que certains voulaient mettre fin aux souffrances des Camerounais, d’autres ont proposé la libéralisation de la corruption. A chacun de faire son auto-évaluation et de sortir de ce carcan. Il est temps d’accepter de semer la bonne graine et de supporter la période de la disette pour avoir plus tard une récolte abondante. A nous de voir !
Louis-Marie Kakdeu, MPA, PhD & HDR
Enseignant à l’Université de Maroua
Deuxième Vice-Président National du SDF