En 2018, de nombreux paysans ougandais se sont lancés dans la production de la vanille. Et pour cause, la fève noire se vendait cette année-là à un prix relativement attractif et encourageant pour les cultivateurs : 80 dollars le kilogramme.
L’Ouganda compte en effet parmi la poignée de pays africains qui cultivent le vanillier, une plante aux lianes grimpantes dont sont issues les gousses de vanille sollicitées aussi bien par le marché de la restauration que par les industries à travers le monde : la vanilline, un parfum contenu dans les gousses, est utilisée pour aromatiser certaines liqueurs comme le Rhum.
En 2021, l’Ouganda se classait au deuxième rang africain des pays exportateurs de cette épice prisée donc pour son arôme. Mais, au plan mondial, la même année, le pays s’est classé au 7ème rang avec 180,78 tonnes, soit 5% de la production mondiale, juste derrière Tonga (181,78 tonnes) et devant la Polynésie française, 8ème mondial avec 23,20 tonnes. Ces données sont relayées par le site Vahina.
En Ouganda, 2ème exportateur africain, les ventes ont plus que triplé en 2022, atteignant 11,4 millions USD
Fin 2022, l’Ouganda a exporté la vanille pour 11,4 millions USD, selon la banque centrale de ce pays d’Afrique de l’Est, soit près du quadruple des 3,61 millions de dollars engrangés en 2021. Le volume des ventes se chiffrait à 96 tonnes de vanille, contre 24 tonnes l’année précédente. Bien qu’il soit loin des 142 tonnes expédiées au cours de l’année budgétaire 2003-2004, soit vingt ans plus tôt, pour des recettes de 12,68 millions USD, une notable embellie était au rendez-vous.
La France est le premier acheteur de la vanille ougandaise (27% de la production), suivie de la Suisse (20%) et des Etats Unis d’Amérique (16%).
Les Comores, le Malawi, le Kenya et le Zimbabwe se classent respectivement 9ème, 10ème, 11ème et 12ème. Ils ont produit respectivement 20,53 t ; 20,11 T ; 14,80 T et 9,65 tonnes. Ce classement est contenu dans une note sur le marché mondial, publiée en mai 2022 par Aust and Hachmann Canada, l’un des plus vieux négociants mondiaux de la vanille.
Mais Madagascar demeure le leader mondial de la production et de l’exportation de la fève noire, également appelée ici « l’or noir ». En 2021, la production du pays représentait presque la moitié des 6888 tonnes enregistrées à l’échelle mondiale, se situant à 3071 tonnes.
Loin donc devant l’Indonésie (1456 tonnes), ou encore le Mexique, terre des Aztèques et berceau de la culture de la vanille, mais largement devancé, aujourd’hui, par des pays africains et asiatiques. La production du Mexique, en 2021, était de seulement 609,57 tonnes, suivie de celle de la Papouasie Nouvelle Guinée (490,29 t), de la Chine continentale (438,75 T), de Tonga et de l’Ouganda.
La libéralisation des exportations après l’échec de la politique des prix
Entre 2020 et 2023, soit trois années durant, les autorités malgaches ont maintenu le prix des exportations de la vanille au plus haut niveau jamais égalé : 250 USD le kilogramme au minimum. Cette politique de plafonnement des prix avait pour but d’éviter l’effondrement des exportations du pays, et se justifiait par la qualité jusque-là inégalable de la vanille malgache. Elle n’a pas produit l’effet escompté, mais au contraire a fragilisé la filière des exportations de ce pays.
En avril 2023, le président Andry Rajoelina a d’ailleurs reconnu l’échec de sa politique, à seulement sept mois de l’élection présidentielle, et a aussitôt engagé une concertation avec les importateurs de la vanille malgache. Il a finalement cédé à la requête de ces opérateurs en libéralisant les exportations du pays, non sans exposer la filière au risque de voir brader les centaines de tonnes de vanille qui étaient ainsi stockées dans les plantations et les entrepôts à cause de ces prix jugés très élevés.
En 2022, les exportations malgaches n’ont pas dépassé 1300 tonnes, en baisse de 35% par rapport aux 2000 tonnes exportées un an plus tôt. Si le contexte de la pandémie de la Covid-19 peut en partie expliquer cette décote, les prix haussiers à l’exportation ne sont pas à exclure. Comme l’a souligné Kato Pito, directeur général de Kilembe Vanilla Exports Ltd, l’un des principaux transformateurs et exportateurs ougandais :
Cette décision des autorités malgaches aurait pu effrayer les importateurs qui cherchent maintenant d’autres sources d’approvisionnement y compris en Ouganda.
Pour sa part, le négociant américain Aust and Hachmann Canada déclarait :
De plus en plus d’utilisateurs finaux industriels réalisent enfin à quel point il est important d’avoir un pays producteur de vanille qui offre un produit comparable et parfois même supérieur à celui de Madagascar.
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, l’Ouganda, le concurrent direct de Madagascar en Afrique, qui avait stabilisé ses prix à 50 USD, a réalisé de bonnes affaires au cours de l’année budgétaire 2021 et 2022 comme nous l’avons souligné plus haut.
En 2022, le pays a produit 200 tonnes soit 50 tonnes de plus que la campagne précédente. Une performance justifiée non seulement par les bonnes conditions météorologiques notamment dans les deux principaux bassins de production, Kasese et Bundibugyo, frontalières de la RDC, mais aussi par l’amélioration des pratiques culturales.
En effet, pour permettre à la production ougandaise d’égaler les standards de qualité de la vanille de Madagascar, le gouvernement de ce pays a encouragé les cultivateurs à laisser leurs plantes jusqu’à leur maturité avant les récoltes.
Car l’une des contraintes liées à la culture du vanillier est la patience et la précision requises pour obtenir un produit compétitif par la qualité de son arôme. Des années auparavant, la production ougandaise a souffert de ce manque de rigueur. Conséquence, l’homogénéité et la qualité étaient en baisse de même que la demande de la vanille ougandaise au niveau mondial.
Fluctuations de prix
En effet, l’arôme de cette orchidée présente de petites nuances, d’un pays à l’autre. Il faut par exemple distinguer la vanille au parfum boisé de l’Indonésie de la vanille au parfum floral et anisé de Tahiti, ou encore la vanille bourbon de Madagascar, reconnue par les fins gourmets comme une référence mondiale grâce à ses saveurs riches et complexes, selon des experts de la filière. Ces variations sont principalement tributaires du climat et des conditions météorologiques en général.
Ces contraintes viennent s’ajouter à la fluctuation des prix de cette épice. Par exemple, le prix de la vanille ougandaise a chuté de 80 dollars en 2018 à un peu plus d’un dollar en 2021. Toutes choses qui ont découragé certains cultivateurs et affecté leur résilience. Mais le ministre de l’Agriculture de ce pays a tenté de rassurer ses compatriotes en ces termes :
Parce que la vanille a une caractéristique unique, nous conseillons à ceux qui la possèdent déjà de ne pas la détruire, car vous la détruirez aujourd’hui et demain la demande augmentera à nouveau et le prix augmentera à nouveau, alors soyez patients,
déclarait Kyakulaga Fred Bwino. Enfin, il y a la rude concurrence que livre la vanilline synthétique produite dans des laboratoires, mettant à mal la vanilline naturelle et impactant ainsi les parts de marché de celle-ci. La production de la vanilline naturelle requiert en effet une bonne maîtrise des techniques de pollinisation manuelle et des bonnes pratiques d’affinage de la gousse de vanille pour améliorer la qualité de son arôme. Impatients, craignant d’être devancés par des voleurs, les producteurs malgaches et ougandais sont parfois contraints, hélas, de récolter leur vanille avant la pleine maturité des gousses.