Le phénomène climatique El Niño et les intempéries bouleversent la production des fèves de cacao. Les prix flambent et flirtent désormais avec les 7.000 dollars la tonne sur les contrats à terme. Début février 2024, le contrat pour livraison en mars négocié à New York atteignait son plus haut niveau depuis plus de 46 ans, à savoir 5.288 dollars la tonne et le contrat pour livraison en mai négocié à Londres atteignait lui aussi un nouveau record historique, à 4.248 livres sterling la tonne.
En Côte d’Ivoire, où est produite près de la moitié du cacao mondial, l’usine de transformation Transcao dit avoir cessé d’acheter des fèves en raison de leur prix trop onéreux, utilisant seulement ses stocks. Le négociant Cargill a lui, interrompu ses opérations pendant environ une semaine le mois dernier, à cause des difficultés à s’approvisionner en cacao pour sa principale usine de transformation en Côte d’Ivoire. Cocoa Processing Company (CPC), au Ghana, affirme qu’elle fonctionne à environ 20 % de sa capacité en raison de la pénurie des fèves, selon Reuters. Les principales usines africaines de cacao de Côte d’Ivoire et du Ghana ont dû arrêter ou réduire leur production parce qu’elles n’ont pas les moyens d’acheter des fèves.
New York Mercantile Exchange
Du coup, les usines ne reçoivent pas le cacao qu’elles ont précommandé et ne peuvent pas acheter à des prix au comptant plus élevés. Les récoltes en dégringolade en Côte d’Ivoire et au Ghana ont naturellement fait exploser les prix du cacao, qui battent de nouveaux records presque quotidiennement sur les marchés de New York Mercantile Exchange (NYMEX) et Londres. L’Organisation internationale du cacao (ICCO) projette que la production mondiale de cacao chute de 10,9 % pour atteindre 4,45 millions de tonnes cette saison.
Cette flambée des prix est répercutée sur le marché du chocolat, qui comme on le sait, est un produit dérivé des fèves de cacao. Les chocolatiers qui dépendent des transformateurs de fèves en beurre et en liqueur ont déjà augmenté les prix pour les consommateurs, après trois années de mauvaises récoltes de cacao, et une quatrième année attendue. Selon les données de la société d’études de marché Circana, les chocolatiers ont en effet augmenté leurs prix. Les magasins de détail américains ont ainsi facturé jusqu’à 11,6 % de plus pour les produits chocolatés l’année dernière par rapport à 2022.
C’est un sérieux coup pour l’équilibre du commerce mondial du cacao, où d’habitude, les agriculteurs vendent des fèves à des négociants locaux qui les revendent à des usines de transformation ou à des négociants internationaux qui à leur tour vendent les fèves ou les produits de cacao – beurre, poudre et liqueur de cacao – aux géants mondiaux du chocolat tels que Nestlé, Hershey et Mondelez.
Déficit mondial d’offre prolongé
Les experts craignent un déficit mondial d’offre prolongé. Jack Scoville, analyste chez Price Futures Group, souligne que les négociants s’inquiètent “d’une nouvelle année de production insuffisante” provoquée par le phénomène climatique El Niño
qui menace les cultures d’Afrique de l’Ouest par un temps chaud et sec,
prévient cet expert, cité par l’Afp.
Les négociants mondiaux se précipitent pour acheter les fèves à n’importe quel prix
Jusqu’en avril 2024, devrait durer El Niño, généralement associé à une augmentation des températures, à des sécheresses dans certaines parties du monde et des fortes pluies dans d’autres. La prochaine récolte pourrait en pâtir. Les planteurs ghanéens ne touchent que 1.800 dollars par tonne. En Côte d’Ivoire, c’est environ 1.600 dollars. Ce sont donc les pays où les marchés sont libéralisés qui vont empocher le pactole. Il s’agit principalement du Brésil, de l’Equateur, du Nigeria et du Cameroun.
Les négociants mondiaux se précipitent en effet pour acheter les fèves à n’importe quel prix pour remplir leurs obligations envers les entreprises chocolatières, tandis que les transformateurs locaux ont du mal à suivre et se retrouvent souvent à court de fèves.