La célébration de la fête de la Tabaski, annoncée le dimanche 16 juin, approche à grands pas. Dans la capitale du Cameroun Yaoundé, un marché saisonnier a vu le jour pour la circonstance au centre-ville, non loin du lieu-dit Province. Ce mardi 11 juin, une dizaine de bergers ont pris d’assaut cet espace à 5 jours de la fête. Parmi eux, Ahmadou Bello, un jeune éleveur de moutons, venu de Maroua depuis 4 jours.
Ce qui me motive dans cette démarche c’est mon esprit entrepreneurial ; Il faut toujours travailler dur pour avoir de quoi se nourrir,
affirme-t-il.
La période précédant les fêtes religieuses musulmanes de la Tabaski est une belle saison pour les éleveurs de moutons comme lui. Chaque année, 6 mois avant cet évènement, il met sur pied un nouveau troupeau de bêtes : « En ce qui concerne les moutons destinés à la Tabaski, l’élevage peut varier entre 6 à 3 mois », indique Ahmadou. Pour son élevage, il achète des bêtes dans de petits villages de la région de l’Extrême-Nord, dont il est originaire. « Il faut bien entretenir ces animaux par la suite », lance-t-il.
Cet éleveur de caprin se consacre ensuite aux activités d’élevage proprement dites : les soins d’entretien, le suivi sanitaire, et même la reproduction, tout cela, en plein air allant de pâturages en pâturages.
Il faut voir le vétérinaire de temps en temps ; il faut les nourrir avec des aliments tels que les cosses d’haricots, les feuilles de manioc, les tourteaux. On les nourrit trois fois par jour et cette prise en charge aussi bien sanitaire qu’alimentaire peut coûter 4 dollars US (2500 Fcfa) par bête au quotidien.
Des coûts auxquels s’ajoutent les frais dépensés pour le transport de ces animaux de Maroua dans la région de l’Extrême Nord, jusqu’à l’espace de commerce saisonnier situé à Yaoundé, soit une distance de 1300 km. Selon Ahmadou, une tête de mouton est facturée à 4,91 dollars US (3000 Fcfa) pour le trajet Maroua-Yaoundé. En plus, l’éleveur débourse de l’argent lors de certains contrôles routiers. A cela s’ajoutent les frais de manutention de la marchandise qui arrive au quartier Mvan à Yaoundé, avant d’être transportée de nouveau soit à destination de ce marché saisonnier, soit dans les marchés de la ville (marché Huitième, marché Mvog-Ada etc.) Cette autre opération est facturée à (1,64 dollar US) 1000 Fcfa la bête, puis, le déchargement qui est fait par des chargeurs à 100-250 Fcfa par bête.
Un bon mouton coûte entre 80.000 et 450.000 Fcfa
Comme Ahmadou, une dizaine de vendeurs de moutons ont pris d’assaut cet espace depuis près d’une semaine. Un chiffre qui devrait vite doubler à l’approche de la célébration de la Tabaski, selon ce dernier. Pour la majorité des vendeurs présents ici, le client doit débourser en moyenne une somme de 130,94 dollar US (80.000 FCFA) pour avoir un mouton au gabarit moyen. D’ailleurs, le prix des moutons d’Ahmadou Bello oscille entre 130,94 et 736 dollar US (80.000 et 450.000 FCFA). Un prix qui est passé du simple au double pour la clientèle.
Il y’a une très grosse différence par rapport aux années antérieures ; le prix a tellement augmenté. Le mouton qu’on vendait à (130,94 dollar US) 80.000 Fcfa l’année passée coûte minimum 212,77 dollars US (130.000 Fcfa) aujourd’hui,
déclare Hamza, un client venu se procurer son animal, pour le sacrifice de dimanche prochain.
Au vu des prix « exorbitant », il craint de ne pas pouvoir acheter un animal de bonne qualité. « Les prix sont vraiment élevés, avant tu pouvais avoir un très gros mouton à 245,51 dollars US (150.000 Fcfa), maintenant il faut au moins multiplier cette somme par deux. On est obligé de trouver un petit mouton pour se battre à satisfaire les besoins de la famille »
De nouveaux acteurs dans la chaine de distribution
Dans l’espace marchand provisoire du lieu-dit Province à Yaoundé, Adoum Gambo, berger, s’est trouvé une petite place et ses bêtes se promènent aux abords d’une digue dans laquelle circulent les eaux du Mfoundi, la rivière qui traverse la capitale du Cameroun. Il est venu de Garoua, dans la région du Nord depuis une semaine, pour vendre des béliers. D’après lui, la forte hausse du prix du mouton cette année est due à l’arrivée de nouveaux acteurs dans la chaine de distribution.
Il y a des acteurs qui viennent de Kye-Ossi, du Gabon, de la Guinée équatoriale pour acheter les moutons dans les régions septentrionales du Cameroun et retournent dans ces pays-là avec leurs cargaisons. Auparavant, les éleveurs de moutons venaient vendre leurs bêtes à Yaoundé ou à Douala. C’est à cause de ce changement que le prix du mouton a autant cru,
indique Adoum.
Une situation difficile pour cet éleveur qui avait l’habitude d’écouler toute sa marchandise par le passé, sa clientèle venant aussi des pays voisins de la sous-région Afrique centrale. Malgré la tendance haussière du marché, il compte sur le bénéfice que lui procure ce business, 81,84 dollars US (50.000 FCFA) en moyenne par bête. Et même si les clients fustigent les prix élevés des bêtes vendues ici, il n’est pas question pour ce berger d’investir à perte.
Je ne peux pas transporter les moutons du Nord jusqu’à Yaoundé et perdre de l’argent avec tout ce que j’ai dépensé pour leur prise en charge. Tout ce que je dépense pour ces animaux je le note dans un cahier et c’est à partir de ces données que je fixe le prix de vente des moutons. Tu ne peux pas vendre un mouton et ne rien gagner; il est préférable de retourner à Garoua avec le troupeau,
argue-t-il.
Dans l’attente de la grande fête musulmane de l’Aïd El Kébir, lors de laquelle des millions de fidèles musulmans procèderont au rituel du sacrifice, ces vendeurs de moutons sont convaincus qu’ils feront de bonnes affaires, malgré tout.