Les pompes sont à nouveau à sec au Burundi et principalement dans la capitale, Bujumbura. Depuis quelques semaines, ce pays des Grands Lacs fait face à une grave pénurie de carburants, qui paralyse l’ensemble des activités économiques et socio-professionnelles. Faute de carburant, des travailleurs sont obligés de garer leurs véhicules et de se rendre à leur service à pied. Notre confrère Iwacu, un média burundais, évoque des « départs retardés pour le travail et l’école » ou encore des « colonnes impressionnantes de dizaines de milliers de personnes quittant le centre-ville de Bujumbura à pied chaque soir pour rejoindre leurs quartiers »
Les stations-service sont à sec et fermées depuis des semaines, les rues sont désertes aux heures de pointe, et de longues files d’attente se forment sur des parkings vides,
écrit le directeur de cette publication en ligne.
La situation engendre une « spéculation autour des prix de transport, une inflation généralisée impactant négativement le pouvoir d’achat des ménages, et un ralentissement de l’activité économique ». La crise du carburant est d’autant plus préoccupante qu’elle a fait l’objet, il y a quelques jours, d’échanges houleux à l’hémicycle de Kigobé, le siège de l’Assemblée nationale burundaise.
Alors que les parlementaires étaient réunis pour apprécier les commentaires de la Cour des comptes sur le « Projet de loi portant fixation du budget général de la République du Burundi pour l’exercice 2024/2025 », un député demandait d’écourter la session, certains parmi eux étant condamnés à regagner leurs domiciles respectifs à pied.
Lors de la session de décembre dernier, alors que le ministre burundais de l’Energie se livrait à une séance de questions-réponses, une autre députée se plaignait déjà du fait que les élus soient obligés de faire la queue devant les stations d’essence comme tous les autres citoyens, et exigeait par la même occasion, la mise à la disposition des élus d’une station-service. Des propos qui avaient suscité l’indignation au sein de l’opinion publique burundaise.
Pénurie de devises et peur de la banqueroute
La pénurie du carburant au Burundi n’est pas un phénomène nouveau. Toutefois, le cycle de pénurie dite sévère, dans lequel le pays est actuellement plongé, inquiète.
Cette situation a commencé petit à petit depuis le mois de mars 2022 et, périodiquement, deux semaines, trois semaines par mois, il y avait toujours des pénuries. Mais, actuellement, c’est presqu’au quotidien. Il y a quelques mois, au lieu de donner des solutions, le gouvernement ne parle pas. Vraiment la question est connue, c’est le manque de devises. Si rien n’est fait dans les meilleurs délais, nous risquons que le Burundi tombe dans la banqueroute,
confiait ce mardi à nos confrères de Radio France International (RFI), Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de la lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome).
Selon cet acteur de la société civile, le Burundi ne fait pas face seulement à la pénurie de carburant. Le manque de devises et en particulier du dollar, rend hypothétiques les importations du pays. Dès lors, il n’est plus possible pour les agents économiques de s’approvisionner en médicaments, ni d’importer des produits de première nécessité tels que le sucre, ou les matières premières utilisées pour fabriquer les boissons (gazeuses et alcoolisées), entre autres. « Donc c’est une situation vraiment intenable », s’alarme Gabriel Rufyiri.
Les exportations du café et du coton en chute libre
La crise de carburants surgit dans un contexte économique particulièrement difficile pour ce territoire de l’Afrique de l’Est, souvent classé parmi les trois pays les plus pauvres au monde. Les devises actuellement disponibles ne permettent d’assurer que 10 à 20% des importations du pays. La filière café, jadis considérée comme l’une des principales niches de recettes d’exportation du pays, ne se porte guère mieux. La production burundaise est passée de 45 000 tonnes à 8 000 tonnes en 2020.
Il en va de même de la culture du coton, à la peine depuis trois ans. Entre 1993 et 2020, les surfaces cultivables ont diminué de 70%, impactant la production qui, elle, a chuté de près de 90%, d’après le Comité de Gérance des Réserves Cotonnières (Cogerco). Le secteur minier qui fournissait encore des devises il y a cinq ans, n’a pas gagné le pari des réformes annoncées et amorcées par les autorités burundaises. Quid du tourisme ? Contrairement aux autres pays de l’Afrique de l’Est, ce secteur est encore à l’état embryonnaire au Burundi.
Ce décor non enviable a eu un impact significatif sur les investissements étrangers quasiment inexistants aujourd’hui au Burundi. L’on assiste en outre à une flambée spectaculaire des prix sur le marché, tandis que le Franc burundais est au bord de l’effondrement, préviennent des experts et spécialistes de ce pays, qui a pourtant mis en place, ces dernières années, un programme économique baptisé « Burundi : pays émergent en 2040, pays développé en 2060 ».
L’aide extérieure a diminué considérablement
Donc plusieurs économistes préviennent, le Burundi court à la catastrophe socioéconomique si des mesures fortes ne sont pas prises rapidement,
constate un confrère en service à RFI.
Même les autorités burundaises affichent désormais une certaine lassitude et semblent dépassés par les événements. Interrogé par les députés, le 24 avril dernier au sujet des solutions préconisées par le gouvernement, le Premier ministre burundais, le Général Gervais Ndirakobuca avait déclaré dans la langue nationale du pays, le kirundi : « en tant que Premier ministre, je n’ai aucune solution à vous soumettre ici. »
Toutefois, depuis plus d’une année, les autorités de Bujumbura ont engagé des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) et l’Union européenne en vue d’une reprise des aides budgétaires directes devant éventuellement permettre au pays, de renflouer ses caisses en dollars.