Le thème de cette édition qui regroupe plusieurs experts et représentants des sociétés pétrolières est
le gaz naturel comme clé de l’industrialisation et de l’accélération économique de l’Afrique centrale, via une intégration institutionnelle sous-régionale efficace.
Le projet de gazoduc devant relier tous les pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) est au cœur des discussions de Libreville. Baptisé CAPS, c’est-à-dire Central africa pipeline system, ce projet vise à mettre en valeur les réserves gazières d’Afrique centrale, les transformer en énergie nécessaire pour le développement et l’amélioration des conditions de vie des populations grâce à un accès sécurisé à l’électricité. Le CAPS vise ensuite à transporter ce gaz, via le gazoduc régional vers les pays qui n’en disposent pas.
Le défi à relever à Libreville est celui de trouver des partenaires pour financer les infrastructures utiles pour sortir ce gaz des zones de production vers les consommateurs. La Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) a validé la pre-étude relative à la mise en œuvre du CAPS. Cette phase est jugée déterminante pour la suite du projet, selon un expert.
Réduire les coûts d’énergie, stimuler l’industrie minière et la production d’engrais
Selon les premières estimations, ce projet coûtera environ 10 milliards de dollars et pourrait être mis en service d’ici 5 ans (2030). Le pipeline devrait alimenter des raffineries de pétrole qui enverront leurs productions vers des lieux de stockage pour la distribution dans la sous-région. De même, le gaz produit localement devrait alimenter des industries de stockage LNG qui alimenteront des centrales thermiques pour produire l’électricité. Le CAPS devrait stimuler l’industrie minière de la sous-région, réduire les coûts de l’énergie avec à la clé la production d’une énergie propre, stimuler l’agriculture avec à la clé la production d’engrais.
Le CAPS n’est pas qu’un projet d’infrastructure. C’est un symbole de notre unité, de notre ambition, de notre marche imparable vers un avenir plus radieux,
a déclaré Nathalie Lum, la présidente du CABEF à l’ouverture de ce forum.
Connecter l’Afrique centrale pour l’échange des ressources en deux phases
Les études APS sont terminées et validées par le PREF-Cemac, l’organe de la sous-région chargé de la maturation des projets intégrateurs. En phase d’avant-projet détaillé, les parties prenantes espèrent commencer en mars 2025 les études détaillées pour atteindre l’objectif de 2030, notamment, avoir les premiers litres de pétrole qui traverseront la sous-région et les premiers kW d’énergie qui seront produits par les centrales thermiques. Dans un premier temps, le CAPS partira de Pointe-Noire (Congo) à Libreville (Gabon), traversera Bata (Guinée équatoriale), pour atteindre Kribi (Cameroun). De même, il pourrait avoir un pipeline qui partirait de Malabo (Guinée équatoriale) pour Kribi qui sera «le hub pour transporter cette énergie à Bangui en (RCA) et au Tchad». Dans un second temps, le CAPS partira de Pointe-Noire pour rallier Luanda (Angola), arrivera à Kisangani (RDC), attaquera le Burundi puis Kigali (Rwanda). Cette phase 2 pourrait s’achever en 2032 si les moyens sont mis en place.
Ce projet traduira notre détermination à travailler ensemble, à partager nos ressources. Si nous parvenons à son heureux achèvement, nous aurons mis en place un moyen fiable de transport de ressources gazières à travers nos frontières, améliorer l’accès à l’énergie,
a déclaré Marcel Abéké.
Assainir l’environnement des investissements pour mieux saisir l’énorme marché énergétique
Avec 600 millions de personnes vivant sans accès à l’électricité et 900 millions de personnes vivant sans accès à des solutions de cuisson propres, le continent a besoin de beaucoup plus d’investissements pour renforcer la sécurité énergétique et atteindre les objectifs socio-économiques. D’après la African energy Chamber (la Chambre africaine de l’énergie), -qui est la voix du secteur de l’énergie en Afrique -, l’Afrique perd jusqu’à 46 milliards de dollars US d’investissements et risque d’en perdre encore plus si les opérateurs ne bénéficient pas d’un environnement favorable.
La région de l’Afrique centrale, qui abrite certains des marchés pétroliers et gaziers les plus prometteurs d’Afrique, est bien placée pour approvisionner le continent en énergie. Les principaux producteurs tels que le Gabon, la Guinée équatoriale, la République du Congo et le Cameroun sont depuis longtemps d’importants exportateurs, mais le déclin de la production pose de nouveaux défis. Pour contrer le déclin naturel de la production d’hydrocarbures, la région a besoin d’investissements importants dans l’exploration.
Des politiques fiscales peu attrayantes et des réglementations perturbatrices en matière de change ont un impact sur les dépenses dans l’ensemble du marché en amont, ce qui souligne la nécessité de s’attaquer aux obstacles fiscaux, soulignent les experts de la African energy Chamber. Selon la African energy Chamber, le manque d’investissement dans l’exploration peut être attribué aux politiques contre-productives de la CEMAC, aux problèmes de gouvernance et aux défis fiscaux, les opérateurs étant confrontés à des barrages routiers et à la bureaucratie. Ainsi, pour accroître les investissements, les pays africains doivent supprimer les règles qui les rendent difficiles, recommande la African energy Chamber.
Dans le contexte de la transition énergétique mondiale, l’Afrique centrale doit se rallier à ses opérateurs pétroliers et gaziers. L’Afrique ne peut pas se permettre de laisser ses ressources en hydrocarbures dans le sol. Mais, le continent pourrait capitaliser sur la demande grandissante en pétrole et en gaz, non seulement pour faire partie d’une transition énergétique juste, mais aussi pour en être le moteur.