Le secteur de l’élevage en Afrique représente une part importante de l’économie agricole, contribuant à 25-30 % de la production agricole totale et environ 10 % du PIB agricole. Les principaux producteurs de bovins, comme l’Éthiopie (60 millions de têtes), le Soudan (40 millions) et le Nigeria (20 millions), reflètent une richesse inégalée. Cependant, la majorité des élevages utilise des méthodes extensives, marquées par des rendements faibles. Selon Business Insider Africa, en 2023, la production continentale de viande bovine s’est élevée à 6,4 millions de tonnes, bien en deçà de la demande, qui a atteint 8 millions de tonnes. Malgré sa position, l’Afrique importe encore une part importante de sa viande bovine de pays.
Pour l’heure, la Banque mondiale indique dans son rapport que le marché de la CEEAC reste actuellement dépendant pour son approvisionnement des envois réalisés principalement par les USA, le Brésil, la Belgique, les Pays-Bas et la France, un Top 5 resté inchangé entre 2015 et 2019. Ces cinq principaux fournisseurs ont exporté pour environ 221 millions de dollars de viandes et abats comestibles en 2019. Les raisons sont multiples : faibles rendements par tête (environ 40-60 kg de viande contre 100-150 kg dans d’autres régions), infrastructures inadéquates comme les abattoirs modernes et chaînes de froid, et des pertes post-récolte pouvant atteindre 40%.
Ces défis sont exacerbés par des réglementations sanitaires strictes et des normes de qualité élevées sur les marchés locaux et internationaux. La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) aurait pu offrir une solution via un commerce intra-africain renforcé. Pourtant, les échanges restent faibles, entravés par des coûts logistiques élevés (jusqu’à 40 % du prix final), des barrières tarifaires et non tarifaires, ainsi qu’un manque de coordination régionale. En conséquence, les pays préfèrent souvent importer des bovins d’autres continents plutôt que de s’approvisionner chez leurs voisins. Modernisation des élevages et des infrastructures La demande de viande bovine en Afrique croît annuellement de 5%, alimentée par une urbanisation rapide et l’augmentation du pouvoir d’achat. Selon les prévisions de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la consommation de viande par habitant pourrait passer de 14 kg/an aujourd’hui à 26 kg d’ici 2050, avec un marché potentiel de 40 milliards USD d’ici 2030.
Cependant, répondre à cette demande nécessite une amélioration substantielle de l’offre, notamment via la modernisation des élevages et des infrastructures. Pour exploiter pleinement ce potentiel, plusieurs pistes s’imposent. L’introduction de technologies modernes, comme l’insémination artificielle et les aliments enrichis, pourraient augmenter la productivité. En parallèle, le développement d’abattoirs modernes et de chaînes de froid permettraient de réduire les pertes et d’améliorer la qualité des produits. La facilitation du commerce intra-africain, via l’harmonisation des politiques agricoles et la réduction des coûts logistiques, est également essentielle. Le secteur pourrait également bénéficier de partenariats public-privé, où les investisseurs collaboreraient avec des gouvernements pour moderniser les infrastructures et développer des chaînes de valeur intégrées, de la production à la distribution.
Le Tchad, un acteur clé de la chaîne de valeur bétail-viande
Selon le rapport publié en juin dernier par la Banque mondiale intitulé « Chad’s Livestock: Securing Cross-Border Value-Chain Post-COVID-19 », le pays dispose déjà d’un avantage comparatif majeur sur lequel il peut se baser comme un cheptel de bétail estimé à plus de 120 millions de têtes, ce qui lui permet de figurer dans le top 5 en Afrique aux côtés de pays comme l’Éthiopie et la Tanzanie. Alors que le pays exporte majoritairement du bétail sur pied vers les pays de la sous-région, il gagnerait plus en engageant des réformes pour générer plus de valeur ajoutée dans un contexte de croissance de la demande régionale en produits transformés au niveau régional.
En effet, selon les données de TradeMap, pendant que les importations de bétail de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) étaient inférieures à 50 millions $ en 2019, celles de viandes et abats comestibles dépassaient les 350 millions $.Il s’agit d’une opportunité pour le Tchad de se positionner sur ce marché grâce à des investissements renforcés dans les abattoirs modernes et la chaîne de froid pour exporter la viande transformée et plus seulement du bétail vivant, dans un contexte où les conditions sécuritaires exercent de plus en plus de pression sur le transport transfrontalier. Valoriser les produits dérivés du bétail Les résultats de la récente enquête Harmonisée sur les conditions de vie des ménages (EHCVM), qui a été réalisée dans les 8 pays membres de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), ont montré que des ménages impliqués dans la transformation des produits dérivés de l’élevage sont plus élevés dans la région du Sahel caractérisée essentiellement par une population jeune.
Contrairement en Afrique de l’Ouest, les acteurs en Afrique centrale disposent des structures pour l’amélioration de la production des produits dérivés du bétail, grâce à la Commission économique du bétail, de la viande et des ressources halieutiques (CEBEVIRHA). Cette structure de la CEMAC soutient l’emploi et l’entreprenariat des jeunes dans les systèmes alimentaires, notamment dans les filières de l’élevage et la pêche. Car, les tendances de la demande du bétail et des productions animales indiquent, qu’entre 2030 et 2050, la demande sera de deux à huit fois plus importante en raison de divers facteurs comme la forte l’augmentation de la population.
Les estimations montrent que les régions d’Afrique centrale et de l’Ouest sont dotées de grands espaces fonciers et d’importantes ressources en eau et en pâturage, qui sont pour la plupart sous utilisés et sous-développés. Le Sahel et l’Afrique de l’Ouest s’engagent Collectivement, ils ont exprimé la nécessité de valoriser les différents systèmes d’élevage et de renforcer la complémentarité entre l’agriculture et l’élevage qui constituent ensemble le socle le plus solide pour le développement inclusif et durable des économies nationales et de l’économie régionale.
Au cours des dix dernières années, plus de 13 millions d’hectares d’espaces pastoraux ont été placés sous gestion durable, 559 points d’eau supplémentaires ont été réalisés, et près de 4 200 km de couloirs de transhumance balisés et sécurisés. En matière de santé animale, plus de 600 millions d’animaux ont été vaccinés, 137 vétérinaires ont été formés, et 415 parcs de vaccination supplémentaires ont été construits. Les infrastructures marchandes ont été renforcées avec la construction de 362 marchés à bétail supplémentaires, et des actions ont été menées pour l’inclusion économique et sociale de près de 56 000 personnes, dont plus de 86% de femmes, qui ont pu renforcer et diversifier leurs activités économiques. Il s’agit d’une étape décisive pour l’avenir de millions de personnes qui dépendent directement du secteur vital du pastoralisme et de l’agropastoralisme.