Selon des experts de l’Association du transport aérien international (IATA), les finances des compagnies aériennes africaines devraient retrouver un début d’équilibre à partir de 2024, après des années durant lesquelles elles ont collectivement accumulé des pertes de l’ordre de 6,6 milliards de dollars. Le marché africain du transport aérien reste attractif malgré tout.
Et pour cause, l’Afrique compte 18% de la population mondiale, une part importante des personnes en âge de travailler, et des perspectives qui ciblent un marché de 260 millions de personnes. Avec ses 1,26 milliard d’habitants, le plus vieux continent au monde ne continuera pas d’occuper la dernière place parmi les régions les plus attractives dans le secteur du transport aérien.
Ceux qui, par le passé, ont pronostiqué la mort de l’Afrique à cause de ses nombreuses difficultés se raviseraient face aux grandes mutations qui se déroulent depuis le début des années 2000 sur le continent africain. Les données contenues dans divers rapports montrent que le secteur du transport aérien prend de la hauteur.
Ne contrôlant que 0,6% (11,3 milliards de dollars US) du chiffre d’affaires du transport aérien mondial qui en 2005 était de 1800 milliards de dollars US, d’après les données de l’IATA et de l’AFRAA, avec à la clé 04 millions d’emplois directs et 24 millions d’emplois indirects, l’Afrique contrôle désormais jusqu’à 2,06% (55,8 milliards de dollars US) de ce marché ; qui en 2016 avait une valeur de 2700 milliards de dollars US, d’après le rapport 2018 de l’ATAG (Groupe d’action du transport aérien)… Comparaison faite entre 2005 et 2016, le continent africain a fait un bond, multipliant son chiffre d’affaires par cinq. En hausse de 493,8%. Même au niveau des emplois, l’on note une progression, puisque cette activité a généré 6,5 millions d’emplois directs en 2016.
Sur les 4,1 milliards de passagers transportés en 2017, l’Afrique a pointé 98 millions (contre 81 millions de passagers en 2005). Et d’après les prévisions de l’ATAG (2018), le marché africain du transport aérien est appelé à croître de 4,9% par an de 2016 à 2036 ; contre 3,4% pour l’Amérique latine et 2,7% pour l’Amérique du Nord. Seuls les marchés d’Asie-Pacifique et du Moyen-Orient devront garder une avance sur elle (respectivement de 5,5% et 5,8%).
Construction de nouveaux aéroports et rénovation des anciens, renforcement de la sécurité aérienne… N’est-ce pas encourageant et un signe très positif que de potentiels investisseurs intéressés par ce secteur d’activité devraient rapidement capter ? Bien sûr que si. Car, les 54 pays que compte le continent ne sont pas restés les bras croisés ces dernières années.
Depuis 2014, les dirigeants et les décideurs africains ont redoublé d’efforts pour améliorer les perspectives socio-économiques de l’Afrique en améliorant la connectivité sur tout le continent,
renseigne l’ATAG (Groupe d’action du transport aérien), dans son rapport de 2018 sur les performances de l’industrie aéronautique. Ainsi, de la ville de Douala (au Cameroun) à celle d’Addis-Abeba (en Ethiopie), en passant par les villes de Casablanca (au Maroc), Dakar (au Sénégal) ou encore Lomé (au Togo), les autorités n’hésitent pas à casser leur tirelire (s’il le faut) pour relever le niveau des infrastructures aéroportuaires aux fins d’attirer les touristes. Tout comme ces dernières investissent dans le renforcement de la sécurité aérienne. Et plus intéressant encore, les Etats militent de plus en plus pour une ouverture complète du ciel africain.
La preuve ? Vingt-trois (23) pays du continent ont lancé, en marge de la 30ème session ordinaire de l’assemblée de l’Union Africaine, le Marché unique africain du transport aérien africain le 28 janvier 2018 à Addis-Abéba.
En matière de construction de nouveaux aéroports sur le continent, le Sénégal a inauguré l’Aéroport international Blaise Diagne de Dakar au mois de décembre 2017. L’ouvrage, qui vient ainsi remplacer le vieil Aéroport Sédar Senghor, a coûté aux contribuables sénégalais la forte somme de 317 milliards de FCFA (environ 483,3 millions d’euros). Situé à 35km du centre-ville, il a une capacité de 03 millions de passagers contre 1,9 million pour l’ancien (construit en 1947).
Vingt mois après l’ouverture au public de ce nouvel aéroport dakarois, le Togo inaugurait, le 25 avril 2016, la nouvelle aérogare de l’Aéroport international Gnassingbé Eyadéma. Grâce à cette infrastructure, qui lui a coûté 150 millions de dollars US (88 milliards de FCFA), le Togo vise 02 millions de passagers par an, contre 600 000 aujourd’hui. Au Maroc, le roi Mohammed VI a inauguré le 22 janvier 2019 le terminal 1 de l’Aéroport international Mohammed V de Casablanca dans le cadre d’un projet d’extension, de réaménagement et de modernisation, apprend-on de la presse locale. L’infrastructure a coûté 183 millions d’euros (121 milliards de FCFA) et devrait accueillir annuellement jusqu’à 14 millions de voyageurs, contre 9,1 millions aujourd’hui.
A côté des pays qui ont récemment inauguré de nouveaux aéroports, il y en a qui lancent de nouveaux chantiers. Comme le Rwanda qui, le 9 août 2017, a lancé les travaux de construction du nouvel aéroport de Bugesera, situé à 40 km de Kigali. L’ouvrage, qui comporte deux phases, ne coûte pas moins 818 millions de dollars US (478 milliards de FCFA). Il doit permettre au Rwanda d’accueillir à terme 4,5 millions de passagers l’année. Un projet qui, d’après les autorités, répond à l’ambition du pays de devenir l’un des hubs du transport aérien sur le continent.
L’Ethiopie, elle, ambitionne depuis 2015 de se doter du plus grand aéroport d’Afrique (pouvant accueillir jusqu’à 120 millions de passagers). Ce dernier devrait être érigé à la périphérie de la capitale Addis-Abéba. Son budget : environ 04 milliards de dollars US (2340 milliards de FCFA). Un projet qui veut ainsi renforcer la place qu’occupe l’Ethiopie en tant qu’hub régional du trafic aérien en Afrique de l’Est, grâce aux travaux d’extension et de modernisation déployés ces dernières années au sein de l’Aéroport international de Bole Addis-Abéba (dont la capacité de traitement de passagers est désormais de 22 millions par an, contre 07 millions par le passé).
Un secteur aéronautique qui se développe, malgré tout…
Si les infrastructures aéroportuaires du continent s’améliorent, c’est sans aucun doute parce que les Etats déploient de gros efforts dans ce sens. Puisque, contrairement à 2003 où l’Afrique comptait seulement 117 aéroports internationaux (pistes de 2400 à 3500 mètres asphaltées) et 1165 aéronefs dont 605 avions à réaction et 400 turbopropulseurs (d’après la BAD), le continent dispose aujourd’hui de 349 aéroports commerciaux, 1277 aéronefs opérationnels et de 161 compagnies aériennes, selon les données d’octobre 2018 de l’ATAG.
Bien que demeurant sous-équipé, le continent ambitionne de renverser la donne très rapidement. Le marché du transport aérien unique en Afrique (Mutaa), lancé en janvier 2018 par les chefs d’Etat et de gouvernements de l’UA, en est une preuve palpable. Selon l’ATAG, sa mise en oeuvre est en cours de déploiement sur l’ensemble du continent et 26 pays ont déjà rejoint l’initiative, alors que 40 devaient rejoindre l’initiative à la fin de 2018. Une bonne nouvelle pour les acteurs économiques étrangers.
Les avantages d’une libéralisation totale du transport aérien
Afin de sensibiliser aux avantages de la libéralisation du transport aérien, en 2015 la CAFAC et l’IATA ont commandé une étude sur les avantages de la libéralisation complète des transports aériens entre 12 pays africains (Algérie, Angola, Égypte, Ethiopie, Ghana, Kenya, Namibie, Nigéria, Sénégal, Afrique du Sud, Tunisie et Ouganda). L’étude a indiqué qu’une connectivité aérienne intégrale entre ces 12 pays augmenterait le PIB de 1,3 milliard de dollars, créerait plus de 155 000 nouveaux emplois ; le consommateur pourrait bénéficier d’une augmentation de 75% des services directs, de 25 à 35% d’économies tarifaires (estimées à 500 millions de dollars US) et pourrait profiter de plus de confort et d’un gain de temps.
Environ 5 millions de passagers qui ne peuvent pas actuellement voyager en avion pourraient le faire car l’accroissement de la concurrence entre les compagnies aériennes entraînerait une réduction des tarifs. Une étude des coûts-bénéfices similaire dans les cinq pays de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) (Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie et Kenya) prouve clairement que la libéralisation complète du transport aérien entre les États membres de l’EAC pourrait entraîner la création de 46 320 emplois, 202,1 millions de dollars US de PIB annuel, une augmentation du trafic aérien de 46%, une réduction tarifaire moyenne de 9% et une augmentation moyenne de 41% de la fréquence des vols.