Une réunion du Conseil d’administration du Groupement inter patronal du Cameroun était prévue le 30 mai 2023 au siège de l’organisation patronale au quartier Bonanjo, à Douala. Finalement, une décision du sous-préfet de Douala 1er, Oumarou Michel, a interdit ladite réunion « en exécution des instructions téléphoniques de monsieur le ministre de l’Administration territoriale ».
En d’autres termes, « est interdite pour défaut de déclaration, la réunion publique projetée ce mardi, 30 mai 2023, au siège du Gicam à Bonanjo », peut-on lire dans la lettre signée de l’autorité administrative, qui évoque, entre autres, la loi du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et manifestations publiques. En exécution de la décision du sous-préfet, les autorités sécuritaires, notamment le commissaire de sécurité publique dudit arrondissement et le Commandant de la brigade de gendarmerie de Bonanjo ont pris les dispositions pour empêcher la tenue de ladite réunion.
Le défaut de déclaration évoqué pour justifier l’interdiction de la réunion du conseil d’administration apparaît comme l’arbre qui cache la forêt. Un prétexte tout trouvé. En effet, cette instance a été convoquée dans le contexte des vives tensions qui couvent au sommet de l’organisation depuis quelques semaines. Une crise née au lendemain de la signature, le 05 avril 2023, d’un traité de fusion du Groupement avec Entreprises du Cameroun, une autre organisation patronale qui avait été portée sur les fonts baptismaux en 2008 par une faction dissidente du Gicam, à la suite d’élections contestées.
Le traité de fusion-création présenté début avril a été signé par Célestin Tawamba, président en exercice du Gicam, et son homologue Protais Ayangma d’Ecam. Or ces deux chefs d’entreprises sont justement les deux figures de proue de la faction qui incarna la dissidence au lendemain de l’élection de feu le président André Fotso à la tête du Gicam il y a quinze ans. Le projet de fusion-création préconise la création d’une nouvelle organisation sur les cendres du Gicam et d’Ecam, après leur fusion effective.
Seulement, ce projet est loin de faire l’unanimité au sein même du conseil exécutif du Gicam. Le 25 avril, une pléthore de chefs d’entreprises affiliés au Gicam ont fait savoir leur désapprobation par la voix d’Emmanuel Wafo, qui préside la commission Economie et Développement de l’entreprise au sein de l’organisation. Aux yeux de celui qui est par ailleurs président directeur général de Mit Chimie, la fusion-création annoncée par Célestin Tawamba est un « projet funeste » conçu en violation des textes statutaires du Groupement, en ce sens qu’il consacre la mise à mort du Gicam, « un patrimoine national que personne ne peut se permettre d’aliéner ».
Cette fusion tant sur la forme que sur le fond pose un certain nombre de problèmes que je dénonce et qui, du point de vue de l’éthique et du droit, rendent ladite fusion caduque,
écrivait Emmanuel Wafo en avril dernier.
« Troisième mandat »
Le projet de Célestin Tawamba et de Protais Ayangma prévoit la création d’une « nouvelle centrale patronale » dotée de « nouveaux statuts » que devra adopter une « assemblée générale constitutive ». Or, insistent les contestataires, l’article 12 des statuts souligne que seule l’assemblée générale extraordinaire a compétence pour connaître de la modification des statuts. Le projet a été présenté alors que cette instance ne s’était pas réunie ni n’a été consultée, dénoncent encore les contestataires. Ceux-ci soupçonnent par ailleurs le président en exercice de manœuvrer subtilement à travers ces stratagèmes, pour se faire réélire pour un troisième mandant de trois ans et, ce faisant, perdurer à la tête de l’organisation patronale créée il y a 66 ans, et devenue une institution. Ceci, au grand dam du Comité des Sages qui « fait office de gardien des statuts du Groupement, et des principes fondamentaux qui sous-tendent la gouvernance et le fonctionnement du Gicam ».
Ce sont sans doute ces arguments qui ont motivé les décisions des membres du Comité des Sages du Gicam, réunis à Douala le 25 mai dernier pour plancher sur la crise ambiante. Autour de l’ex-directeur général de la British American Tobacco, Richard Howe, qui présidait les travaux, les représentants de Henri Fosso, PDG de Fimex International, Armel François, de la Php, René Mbayen, ancien dirigeant de la défunte Camship, mais aussi les ex-présidents du Gicam, André Siaka et Olivier Behle, eux aussi représentés, ont examiné le recours en annulation exercé depuis le 08 mai par les membres du conseil d’administration qui se sont montrés hostiles au projet de fusion-création.
A l’issue des travaux, ils ont demandé au président du Gicam et au conseil d’administration de surseoir à tout projet de dissolution de la principale organisation patronale au profit d’une nouvelle entité « plus forte, plus influente et plus audible », ainsi que Célestin Tawamba motive son projet.
Du moins, ce sursis au projet de dissolution devrait être en vigueur tant qu’elle ne se ferait pas dans le respect des conditions prévues par les statuts, aussi bien sur la forme que dans le fond. Le Comité des Sages a également demandé au président de remettre sans délai à la disposition des membres du Gicam tous les documents. Quant à M. Protais Ayangma, il peut, s’il le souhaite, devenir membre du Conseil d’administration du Gicam. Le Groupement évaluera en temps opportun l’opportunité d’une éventuelle fusion. Telles sont autant de résolutions prises par les sages, qui ont aussi évoqué l’article 17 alinéa 2.
Célestin Tawamba, lui, fait le choix d’une mise au point dans une lettre adressée aux adhérents du Gicam le 30 mai dernier, relayée sur les réseaux sociaux :
La fusion du Gicam avec E.cam, dit-il aux adhérents, s’inscrit dans le cadre de l’unification du mouvement patronal que j’avais, dès 2017, présenté comme un objectif essentiel.
Et, pour le président du Gicam,
le conseil d’administration n’ayant aucune injonction à recevoir du Comité des sages auquel il n’a de surcroit demandé aucun avis, a décidé ce 30 mai 2023 de la poursuite du processus enclenché.
Célestin Tawamba ne manque pas de s’insurger de ce que depuis la signature de ce traité de fusion,
une intense campagne de désinformation structurée par des communicateurs professionnels, tente de discréditer l’initiative, dont personne de sérieux ne peut remettre en cause les avantages qu’en tire le mouvement patronal.
Le Gicam est l’organisation la plus représentative du secteur privé au Cameroun. Il est régi par la Loi n° 90/053 du 19 décembre 1990, sur la liberté d’association et fédère des groupements professionnels et des entreprises individuelles. A ce titre, il compte plus de 1 000 membres à ce jour.