En 2022, l’industrie musicale d’Afrique au Sud du Sahara a généré 94,4 millions de dollars US de revenus contre 70,1 millions en 2021, soit une augmentation de 34,7%. A titre de comparaison, l’industrie musicale mondiale a généré 26,2 milliards de dollars en 2022, soit 9% par rapport à l’année précédente, bien que ce taux de croissance représente la moitié de la hausse de 2021 lorsque les revenus avaient augmenté au niveau mondial de 18,5% en glissement annuel.
L’information contenue dans le « Global music report 2023 », publié au mois de mars dernier par la Fédération internationale de l’Industrie phonographique (Ifpi), révèle alors qu’avec ce taux d’augmentation de 34,7%, l’Afrique subsaharienne vient en tête des zones du monde à enregistrer une croissance de plus de 30% en 2022.
Cette partie du continent africain est suivie de l’Amérique latine qui a enregistré des gains de 25,9%, du moyen orient et de l’Afrique du Nord, (+ 23,8%) ; des Etats-Unis et du Canada, la plus grande région du monde en terme de revenus qui ont connus une croissance globale de 5% et de l’Asie, 15,4%.
D’après le rapport, cette hausse est
stimulée par une forte augmentation des revenus en Afrique du sud, le plus grand marché de la région (+31,4% par rapport à une croissance modeste de 2,4% l’année précédente.
En effet, ce pays offre des équipements, une technologie et un accès internet comparable à ceux des pays occidentaux. Des conditions et bien d’autres qui facilitent le développement des industries culturelles à l’instar de l’industrie musicale. Ici, à en croire l’Ifpi, 75% de la population se considère comme étant des « music lovers » (amoureux de la musique), c’est la proportion la plus élevée au monde.
Les chiffres du centre sud-africain de musique indiquent par exemple qu’en 2020, la collecte des droits d’auteurs a généré, 38 millions d’euros. Tandis que la vente de musiques a enregistré 43,6 milliards d’euros, le live, (ticketing) 28 milliards d’euros en 2022.
En sus, l’étude révèle que les rythmes Afrobeats et surtout l’Amapiano, un style de musique hybride entre house, lounge, jazz et soul apparu en Afrique du Sud en 2012, qui a connu une popularité à travers tous le continent et conquiert le reste du monde depuis les années 2020 seraient aussi en partie à l’origine de l’augmentation des revenus de la musique en Afrique au Sud du Sahara. À date, le hastag « Amapiano » comptabilise près de 09 milliards de vue sur la plateforme Tiktok. Ses plus grands représentants sont : Kabza De Small ; Dj Maphorisa ; Sha Sha, etc.
Streaming
A en croire le cabinet « Dataxis », la progression vertigineuse serait également due au fait que le nombre d’abonnés aux plateformes de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) a augmenté entre 2018 et 2021, pour atteindre 5 millions de foyers.
Elle devrait même, ajoute le cabinet français, voir leur croissance progresser encore plus fortement ces prochaines années et en toucher 15 millions de foyers en Afrique subsaharienne en 2026.
Alors qu’en Europe dominent les sociétés américaines Netflix, Disney+ et Amazon, le marché africain se caractérise par l’excellente performance des entreprises du continent à l’instar de Showmax, la plateforme de streaming du groupe Sud-africain Multi-Choice qui surclasse même Netflix avec 2 millions d’abonnés en 2021 et 5 millions prévus en 2026 contre 1,5 millions en 2021 et 4,6 en 2026 pour le service américain.
Universal Music Group, Sony Music Entertainment
Plus qu’un simple divertissement, la musique est devenue un véritable business sur le continent noir en général, et au Sud du Sahara, dans la singularité. Toute chose qui justifie la ruée des géants mondiaux de l’industrie du disque dans ce vaste marché dont le potentiel de consommateurs croit au fil des ans. Ceux-ci concluent des contrats musicaux et dirigent des affaires florissantes du secteur musical sur le continent. Au Nigéria, en 2016 par exemple, « Price waterhouse cooper » estimaient à 39 millions de dollars US, les revenus générés par l’industrie musicale.
Un chiffre qui a bondi à 73 millions en 2021. Sans compter qu’on parle de 80 millions de dollars pour le marché du streaming au cours de la même période. Attiré par ces chiffres « Universal Music Group » (Umg), longtemps devancé par sa grande rivale « Sony » a ouvert sa filiale dans ce pays d’Afrique de l’Ouest en 2017. Depuis lors, ce géant de l’industrie discographique supervise un portefeuille qui comprend des artistes tels que Yemi Alade, Tiwa Savage, Tekno et Wurld.
Ainsi que le producteur-compositeur interprète, Larry Gaaga, le rappeur Alpha P et la chanteuse Ougandaise Irene Ntale.
En Cote d’Ivoire, le ténor de la production musicale à travers son bureau d’Afrique francophone qui relève du président-directeur général d’ « Universal Music France » a fait signer un bon nombre d’artistes émergents, parmi lesquels : Le groupe hip hop ivoirien, Kiff No Beat, le chanteur camerounais, Locko, le regretté artiste coupé-décalé, Dj Arafat. Ou encore pour ne citer que ce cas, le groupe togolais Toofan, qui a empoché en 2017 au cours de sa signature avec Umg, une cagnotte de 3 millions d’euros (soit 1,8 milliard de francs CFA)
En Afrique du Sud, « Universal Music group » à travers sa filiale locale a fait signer les artistes locaux comme Cassper Nyovest, Dr Tumi, Mafikizolo, Prince Katbee, Nasty C et Black Coffee. Egalement, des artistes d’autres pays tels que : Diamond Platnumz en Tanzanie. Elle a lancé deux sociétés de musique à Johannesburg.
En 2018, UMG a acquis 70% d’ « Al Record Kenya » et a commencé à distribuer numériquement l’un des plus grands catalogues de musique d’Afrique de l’Est au monde. Le directeur d’Al Record dirige désormais le bureau de l’Afrique subsaharienne d’Universal Music Group à Nairobi.
En plus du catalogue d’ « Al Record », la liste comprend des artistes Kenyan tels que le groupe « Afropop Sauti Sol » et le groupe de « Gengetone Ethic Entertainment ». Désormais très présent en Afrique, Umg possède également entre autres, des bureaux au Cameroun et au Sénégal
Tout comme UMG, Sony Music Entertainment possède un portefeuille de plus de 80 artistes africains dont les plus en vue sont : Davido, Wizkid et Sho Madjozi. Outre Johannesburg, le groupe possède des bureaux à Lagos, au Nigéria et en Cote d’Ivoire.
Warner Music, Lynx Entertainment, WCB…
L’Afrique affole d’autres leaders mondiaux de la production, de la promotion et de la distribution discographique. Depuis son lancement en 2013, Warner Music South Africa a signé des artistes locaux en Afrique du Sud et à l’international : Dj Durban Sketchy Ace, le chanteur-compositeur Sud-africain Zahara et Bigstar Johnson notamment.
Lynx Entertainment Ghana produit des artistes Afrobeats tel que KIDI dont le hit révolutionnaire de 2017 « Odo », a été remixé par des stars nigérianes Mayorkun, Davido et Kuani Eugène. En Tanzanie, c’est Wasafi Classic Baby(WCB) qui représente certains des meilleurs artistes du pays tels que Harmonize et Rayvanny. WCB possède également la station Radio Wasafi-FM, et la chaine You Tube Wasafi Média qui programme des interviews d’artistes et des clips musicaux pour plus de 1,3 millions d’abonnés.
Labels africains
A coté des géants internationaux qui font tourner l’industrie discographique en Afrique subsaharienne, d’autres, purement africains, émergent. Au Nigéria par exemple, le GroupeAristokratest connu comme étant le label qui a découvert et promu la superstar nigériane Burna Boy. Aristokrat s’est développé pour inclure des divisions dédiées aux évènements en direct, à la production de films et d’émissions de télévisions et à l’édition des musiques.
En mai 2020, la société de musique avait signé un partenariat stratégique avec UMG et Universal Music Publishing Group. L’accord comprenait un contrat avec le label, avec le producteur de Burna Boy African Giant Kel P, l’auteur-compositeur interprète nigérian Jujuboy Star et l’artiste camerounais Tneeya, parmi ses signatures.
Toujours au Nigéria,Davido Music Worldwide(DMW),dont le fondateurest la superstar américano-nigériane, chanteur compositeur-producteur Davidoa été fondé en 2016. Il gère le chanteur nigérian Mayorkun et le rappeur Dremo. DMW était dirigé par Oluwaseun « Sir Banko » Lioyd jusqu’à ce qu’il soit nommé directeur général de Sony West Africa en juin 2019.
Quant à YBNL, fondée par la star nigériane du hip hop, Olamide Adedeji, il s’agit d’une maison de production indépendante qui a fait signer la star nigériane des Afrobeats, Fireboy DML, l’artiste vedette de la liste de lecture Africa Now d’Apple Music grâce à « Vibration », le single de son premier album de 2019. En février, le label a lancé sa joint-venture avec Empire, le label américain, service de distribution et de société d’édition musicale.
In fine, pour ne citer que ces quelques africains qui titillent les ténors mondiaux, on a le label fondé par le chanteur-compositeur-producteur, Don Jazzy en 2012, Mavin Record. Il a aidé à lancer la carrière des artistes nigérians Wande Coal, Dr SID et Tiwa Savage, qui a quitté le label après avoir signé un contrat international exclusif avec Universal Music Group en 2019.
Aujourd’hui, le label compte des artistes comme Rema, dont la chanson « Iron Man » a été sélectionnée sur la playlist d’été de Barrack Obama en 2019 et le chanteur folk, Johnny Drille. Un partenariat d’investissement en action de plusieurs millions de dollars avec « Kupanda Holding » en 2021 a permis l’expansion actuelle de Mavin Record dans la production de contenu, la publication, la commercialisation et l’ouverture d’un bureau au Royaume-Uni.
Véritables entreprises, ces entrepreneurs font donc des affaires florissantes dans le secteur de l’industrie musicale en Afrique. Que ce soit dans la production, la distribution, la commercialisation, etc… Ces géants se partagent les subsides d’un marché discographique qui pèse un peu plus de 90 millions de dollars US.