C’est indéniable. La viande bovine constitue un aliment de base par excellence dans les préparations culinaires dans de nombreux pays d’Afrique, et représente une part importante des dépenses alimentaires des ménages. Selon la BAD, le nombre de têtes de bovins en Afrique s’élevait à environ 323 millions en 2020, ce qui représente environ 16% du cheptel mondial.
L’élevage de bovins en Afrique est un secteur d’activité en constante croissance. La production animale de bovins a augmenté de plus 25% au cours des dix dernières années, passant de 5,7 millions de tonnes en 2010 à 7,2% millions de tonnes en 2019, selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA). Selon la FAO, la consommation de viande en Afrique devrait doubler d’ici 2050, passant de 20 kg par personne et par an en 2013 à 40 kg.
Entreprendre dans l’élevage de bovins en Afrique est donc une activité lucrative, qui génère des revenus conséquents et qui contribuera à l’amélioration de la sécurité alimentaire sur le continent.
Surtout que les éleveurs de bovins ont la possibilité de diversifier leur activité pour générer plus de revenus. Notamment, à travers la vente de bovins vivants qui est la principale source de revenus pour les éleveurs. Ceux-ci peuvent être vendus sur le marché local ou exportés vers d’autres pays. Il y a également, la vente de viande de bœuf.
Les bovins peuvent être abattus et la viande vendue sur le marché local aux bouchers et aux charcutiers ou exportée vers d’autres pays. La vente de lait et de produits laitiers peut aussi constituer une source de revenus supplémentaires. Si l’élevage dispose d’une mini laiterie, le lait peut être vendu sur le marché local ou transformé en produits laitiers tels que le fromage, le beurre, le yaourt ou la crème glacée. Une autre source de revenus, c’est la vente de peaux et de cuirs : les peaux et les cuirs de bovins peuvent être vendus à des entreprises de fabrication de chaussures, de sacs et d’autres produits en cuir.
Il y a également la vente de fumier : les excréments de bovins peuvent être collectés et vendus aux agriculteurs comme engrais organique. L’on n’oublie pas la vente de bovins reproducteurs : la vente de taureaux reproducteurs peut donc être une autre source de revenus pour les éleveurs de bovins. En produisant des bovins de qualité, les entrepreneurs peuvent tirer profit du marché international.
Selon la CEA, les exportations de viande de bovins ont augmenté de plus de 20% au cours des dix dernières années, passant de 1,7 milliard de dollars en 2010 à 2,2 milliards de dollars en 2019. La demande de viande qui est en constante augmentation, tirée par la croissance démographique, offre de bonnes perspectives de croissance aux entrepreneurs qui souhaitent investir dans l’élevage bovin en Afrique.
L’Afrique de plus en plus dépendante des importations
La consommation de viande reste faible en Afrique. Pourtant, le continent est deux fois plus dépendant des importations que le reste du monde. L’Afrique ne produit que 18 millions de tonnes de viande, 5% de la production de la planète, pour 15% de la population mondiale. La consommation de viande en Afrique est l’une des plus faibles au monde, 15 kg par habitant, contre 35 kg au niveau mondial.
Mais la demande monte en flèche, en particulier dans les villes, souligne le rapport Arcadia 2019 sur le commerce des matières premières en Afrique. « Après la Chine et l’Inde, l’Afrique sera dans les décennies futures le continent de la croissance des viandes », souligne Jean-Paul Simier, l’auteur de l’étude. Une croissance de la consommation de 6 % par an d’ici 10 ans, selon les projections de la FAO, contre 2 % au niveau mondial.
Le recours aux importations est encore modeste, 3 millions de tonnes, mais en proportion de la consommation, il est déjà énorme : 20% de la viande consommée en Afrique vient de l’étranger, c’est deux fois plus que la moyenne mondiale. Les deux premiers pays producteurs de viande sont aussi les deux premiers importateurs, l’Afrique du Sud pour la volaille, l’Égypte pour le bœuf, d’autant que cette viande est désormais subventionnée par les autorités du Caire.
Mais, l’Afrique de l’Ouest, où la sécheresse a pénalisé les élevages de bovins du Sahel, importe aussi de plus en plus de bœuf du Brésil. Plus étonnant, la Côte d’Ivoire importe désormais autant de viande porcine que l’Afrique du Sud et que l’Angola, troisième plus gros importateur de viande en Afrique.
La Namibie, pionnier des exportations de viande de bœuf africaine
La Namibie est devenue récemment le premier pays africain à exporter de la viande de bœuf vers les USA, après plus de 18 ans de négociations, rapporte Reuters. Le pays d’Afrique australe a en effet envoyé quelques 25 tonnes vers la ville de Philadelphie.
Pour la Namibie, dont la qualité de la viande de bœuf bénéficie d’une réputation internationale, les USA représentent un marché de choix.
En effet, le pays de l’Oncle Sam est le premier consommateur de viande de bœuf par habitant avec 120 kg/an, ce qui offre de belles perspectives de progression pour l’industrie namibienne.
D’après Netumbo Nandi-Ndaitwah, la ministre en charge des Relations internationales, les principales cibles sont notamment les chaînes de restauration rapide comme McDonald’s. Le pays envisage notamment d’exporter 860 tonnes de viande de bœuf (désossée ou découpées sous forme réfrigérée ou congelée), et anticipe un volume de 5 000 tonnes d’ici 2025. Pour rappel, la Namibie bénéficie d’un accès en franchise de droits de douane au marché américain en vertu de la loi sur la croissance et les perspectives économiques de l’Afrique (AGOA).
De belles perspectives pour le marché mondial de la viande
Selon les « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO » de 2016, à l’échelle mondiale, 10 % de la viande fera l’objet d’échanges internationaux en 2025, contre 9 % en 2015, cette augmentation étant essentiellement attribuable à la volaille.
La demande d’importations sera faible pendant les premières années de la période considérée, principalement en raison du recul des importations lié à l’embargo imposé par la Fédération de Russie et au ralentissement de la croissance en Chine, mais s’accroîtra au cours de la deuxième moitié de la période sous l’effet de la hausse des importations dans le monde en développement.
C’est au Vietnam, qui absorbe la part la plus importante des importations supplémentaires, tous types de viande confondus, que la demande d’importations croîtra le plus vite. En Afrique aussi, les importations de viande progressent rapidement, même si cette région part d’un niveau plus bas. Les pays développés devraient réaliser légèrement plus de la moitié des exportations mondiales de viande d’ici à 2025, mais leur présence diminue à un rythme régulier par rapport à la période de référence.
À l’inverse, la part du Brésil dans les exportations mondiales devrait augmenter, passant à environ 26 %, soit près de la moitié de la progression attendue durant la période visée.
Les prix nominaux de la viande devraient d’abord rester comparables à ceux observés en 2010, puis suivre une légère tendance à la hausse dans la majorité des cas. D’ici à 2025, les prix de la viande bovine et porcine devraient s’apprécier pour atteindre environ 4497 et 1580 USD/t équivalent poids carcasse (epc) respectivement, tandis que les prix mondiaux de la viande ovine et de la volaille devraient augmenter pour s’établir à environ 3857 USD/t epc et à 1571 USD/t poids produit respectivement. En valeur réelle, les prix de la viande devraient toutefois s’orienter à la baisse par rapport à leurs récents niveaux élevés.
Selon les perspectives 2019 de l’Institut de l’élevage IDELE, qui a observé l’évolution des flux mondiaux des viandes bovines, on a le sentiment de remonter 15 ans en arrière, avec le retour aux premiers rangs des exportations du Brésil, de l’Australie et des États-Unis et même de l’Argentine qui revient du diable Vauvert…, et le reflux des exportations indiennes.
Mais, ce n’est là qu’une vision superficielle. Le véritable moteur des marchés est l’envolée de la demande asiatique, sans précédent côté chinois, mais qui concerne également des destinations beaucoup plus anciennes, et bien plus qualitatives, comme le Japon ou la Corée du Sud. Autre changement d’ampleur sur les marchés de la viande bovine, la demande pour les bovins vifs ne cesse de flamber, bien au-delà des destinataires traditionnels. Ce qui suscite en réaction, les protestations des associations welfaristes, en UE, mais aussi en Australie ou en Israël.
Les marchés ont été ballotés par des vents contraires en 2018 et durant le premier semestre 2019. D’abord, des tempêtes géopolitiques : la politique monétaire et fiscale de l’Administration Trump a asséché les liquidités dans un grand nombre de pays émergents aux fondamentaux fragiles. Ainsi, les monnaies argentine et turque coulaient littéralement, tandis que le Real brésilien prenait l’eau. Cela a boosté à court terme les exportations sud-américaines, tout en nourrissant une inflation galopante dans ces pays. La demande turque s’est concentrée un temps sur le vif Sud-américain avant une fermeture précipitée du marché début 2019, et l’Égypte se remet très difficilement d’une crise de même nature.
En outre, la surtaxation des importations chinoises aux États-Unis a détourné les flux de soja (la Chine s’approvisionnant désormais en Amérique du Sud) mais, curieusement, pas (encore) ceux de viande.
Les aléas climatiques paraissent toujours plus fréquents. Les sécheresses ont ainsi affecté durement l’Australie, où elles ont boosté les abattages et stoppé une timide recapitalisation ; le Canada où l’érosion du cheptel allaitant se poursuit ; mais aussi l’UE, où la décapitalisation est générale. Les flambées sanitaires bovines ont été plus modestes en 2018, sauf l’épizootie récurrente de fièvre aphteuse en Afrique du Nord.
En revanche, la fièvre porcine africaine pourrait totalement rebattre les cartes en Asie centrale et du Sud : elle semble totalement hors de contrôle en Chine et dans la péninsule indochinoise et elle menace désormais la Thaïlande… Les impacts en cascade sont d’abord attendus sur la demande et les flux de soja ou de volaille, mais aussi potentiellement de viande bovine. Les menaces sont lourdes sur l’ensemble des marchés mondiaux, tant géopolitiques, climatiques, sanitaires ou monétaires. Pourtant le dynamisme de la demande ne se dément pas, en viande comme en vif.
Non, il n’y a pas de retour vers le passé, mais tout un futur à écrire, à commencer par les négociations commerciales internationales dans les mains de la future Commission européenne.
La consommation mondiale annuelle de viande devrait atteindre 35.3 kg par habitant en poids au détail d’ici à 2025, soit une progression de 1.3 kg par rapport à la période de référence. La volaille absorbera l’essentiel de cette consommation supplémentaire. En valeur absolue, l’augmentation de la consommation totale des pays développés devrait rester faible au cours de la période considérée par rapport à celle du monde en développement, où elle est alimentée par une croissance démographique et une urbanisation rapides.
C’est notamment le cas en Afrique subsaharienne, où la consommation totale au cours de la période étudiée croît plus rapidement que dans toute autre région. La composition de la croissance est également quelque peu unique, la croissance absolue de la viande bovine atteignant presque celle de la volaille.
À l’échelle mondiale, les flambées épizootiques et les politiques commerciales restent deux des principaux facteurs qui déterminent l’évolution et la dynamique du marché mondial de la viande. La mise en œuvre de divers accords commerciaux au cours de la période visée, comme le Partenariat transpacifique proposé, pourrait entraîner l’augmentation et la diversification des échanges. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé a classé les produits carnés transformés comme cancérogènes. Cette classification, qui a suscité des préoccupations chez les consommateurs à travers le monde, pourrait avoir une incidence sur les projections dans les pays où la consommation par habitant est élevée.
Le commerce de la viande bovine : instrument d’intégration en Afrique de l’Ouest
Selon le CIRAD, en Afrique de l’Ouest, en plus d’un rôle économique, le bétail a un rôle social et religieux. Grâce à la dévaluation du franc CFA en janvier 1994, le commerce régional de bovins a repris, les exportations officielles du Mali et du Burkina Faso ont augmenté respectivement de 325 % et 70 % entre 1993 et 1994. Pour la même période, les importations extra-africaines de viande, quant à elles, ont chuté de plus de 60 %.
Les deux autres conséquences de la dévaluation ont été l’augmentation du prix de la viande et la baisse de la consommation. Le regain de compétitivité de la filière viandes locales est très fragile du fait de nombreux problèmes de production, de transport, de transformation et de commercialisation. Les Etats du couloir central tentent donc d’harmoniser leurs politiques d’élevage et de commerce extérieur pour se protéger des viandes extra-africaines et favoriser l’émergence d’un véritable marché régional du bétail.
La filière bétail est un secteur stratégique pour les pays ouest-africains, exemple de l’intégration régionale. Elle constitue un fondement des systèmes de vie en milieu rural, y compris les plus intensifs. Avec un cheptel évalué à 60 millions de bovins et 160 millions de petits ruminants, les productions animales représentent jusqu’à 65% de l’approvisionnement en viande bovine en Afrique de l’Ouest, selon l’AFD.
Selon une étude réalisée dans le cadre du partenariat entre la Commission de la CEDEAO et le Secrétariat du CSAO/OCDE sur l’avenir de l’élevage au Sahel et en Afrique de l’Ouest, l’élevage joue un rôle central dans l’économie des pays ouest-africains avec une contribution au PIB agricole allant parfois jusqu’à 44%. Avec plus de 60 millions de têtes de bovins et 160 millions de petits ruminants, 400 millions de volailles, le Sahel et l’Afrique de l’Ouest s’illustrent comme une région d’élevage par excellence.
Sur le plan numérique, et par rapport à l’effectif total en Afrique subsaharienne, cette région compte pour 25% de bovins, 33 % d’ovins et 40 % de caprins. L’élevage constitue également une des principales activités économiques dont sont tributaires les populations les plus pauvres en tant que source d’aliments et de revenus monétaires. Il constitue aussi la principale assurance contre les risques pour des millions de populations pauvres dont les moyens d’existence reposent sur l’agriculture pluviale.
Toutefois, ce potentiel en production animale dont recèle la région, demeure encore faiblement valorisé. Une des principales illustrations est que la région demeure trop dépendante des importations extra-africaines pour certains produits animaux comme la viande bovine, les découpes de volailles, etc.
En ce qui concerne les produits laitiers par exemple, les importations ont doublé en l’espace de 20 ans, passant en valeur absolue de 223,7 millions de dollars US en 1984 à 529,4 millions de dollars US en 2004. Outre la perte de devises pour les États, ces importations de produits animaux ont été préjudiciables au développement des filières locales de production, notamment les filières laitières et avicoles ; une situation qui renforce la dépendance de la région vis-à-vis de l’extérieur.
Avec une croissance annuelle estimée à 4 %, la demande en produits animaux au Sahel et en Afrique de l’Ouest devrait augmenter de plus de 250 % d’ici 2025 alors que le taux de croissance de l’offre en produits animaux est estimé à 2 % actuellement. Cette croissance, même si elle est jugée significative, demeure faible par rapport avec la demande.
Les statistiques indiquaient même que ce déséquilibre, entre l’offre et la demande, persisteraient et s’aggraveraient dans les années 2020. Il en découle qu’en plus de l’amélioration de la productivité, l’élevage ouest-africain devrait de plus en plus faire face à d’autres défis à la fois politiques et techniques.
Au titre des défis politiques, il apparait primordial de promouvoir des cadres de politiques agricoles et commerciales nationales et régionales qui favorisent la promotion de la production domestique de produits animaux.
De même, l’industrie de la transformation agroalimentaire devrait permettre de donner aux produits animaux de la valeur ajoutée, en créant des emplois supplémentaires et en générant plus de revenus pour les acteurs économiques de la région.
De ce fait, la professionnalisation des acteurs des filières de productions animales devrait également intégrer les défis liés aux normes sanitaires et aux standards de qualité des éléments incontournables du marché de produits animaux au niveau régional et international.