Le projet de fer de Simandou est l’un des plus grand au monde. Il est situé en Guinée à 800 km de la capitale Conakry, aux confins sud-ouest du pays frontalier du Liberia, de la Sierra Leone et de la Côte d’Ivoire et est détenu par deux grandes entreprises à savoir Winning Consortium Simandou (WCS) (blocs 1 et 2) et Rio Tinto Simfer (blocs 3 et 4). « La montagne de fer » forme la plus grande réserve de minerai de fer identifiée au monde, encore inexploitée et estimée à 2,4 milliards de tonnes.
Le fer de Simandou est en effet d’une grande qualité (haute teneur de 65 % en fer et faible taux d’impureté).
Cette qualité, selon Gerard Rheinberger, Directeur général du projet Simandou à Rio Tinto permet de réduire son impact carbone par rapport à un acier traditionnel grâce à trois leviers distincts : premièrement, moins de minerai et donc moins d’énergie est nécessaire pour produire la même quantité d’acier ; deuxièmement, ce minerai peut être raffiné à moins haute température et donc avec une moindre dépense énergétique ; et troisièmement, ce minerai peut être raffiné via des fours alimentés par une énergie renouvelable, explique-t-il dans une tribune publiée par le Think Tank La Tribune Afrique, le 4 avril 2023.
En tant que deuxième producteur mondial de minerai de fer, nous sommes déterminés à décarboner l’acier et nos activités à l’échelle internationale. Dans la course internationale vers un acier neutre en carbone, nous considérons Simandou comme un des piliers de notre stratégie de transition et sommes donc déterminés à faire de ce projet un succès,
s’engage Gerard Rheinberger.
Après des décennies de retard du projet pour litiges sur les droits miniers, soupçons de corruption et l’ampleur des investissements à réaliser dans une région enclavée, le gouvernement a mis la pression sur ses partenaires internationaux pour lancer l’exploitation des réserves de fer dès 2025, selon un article de Jeune Afrique publié en ligne le 21 septembre 2023.
A en croire un communiqué transmis le 11 août 2023 par l’une des entreprises en charge du projet, le gouvernement guinéen a signé avec ses partenaires de nouveaux accords pour la construction d’infrastructures portuaires et ferroviaires en vue de l’exploitation de l’immense gisement.
La présidence de la République, elle, a annoncé le 13 mars la signature du pacte d’actionnaires relatif à la Compagnie du Transguinéen (CTG) avec les différentes sociétés engagées dans le développement du projet.
Il s’agit d’une « étape cruciale » dans les négociations et elle devrait conduire à une reprise effective des travaux à Simandou courant mars 2023, après une interruption d’environ huit mois imposée par Conakry,
rappellent nos confrères de Jeune Afrique.
Signé début septembre, l’accord d’investissement et de coopération de Winning Consortium Simandou (WCS) avec China Baowu Resources fera, notent nos confrères de Jeune Afrique, de la maison-mère de ce dernier, China Baowu Steel Group Corp, premier producteur mondial d’acier, un actionnaire majeur du gisement guinéen. L’accord porte sur les blocs 1 et 2 de la mine de fer développés par WCS.
A l’issue de son closing, le groupe étatique chinois détiendra en effet 49 % des filiales de WCS dédiées aux différents aspects du projet de Simandou : la mine, le rail, le port. La participation de Baowu dans l’entité consacrée à la mine, WCS MineCo, passera même à 51 % lorsque le site entrera en production. Pour rappel, WCS MineCo contrôlera 85 % de la future mine contre 15 % pour l’État guinéen, indiquent nos confrères de Jeune Afrique.
L’investissement que doivent engager les différents partenaires de l’État dans ce projet se situe entre 15 et 20 milliards de dollars US pour les infrastructures ferroviaires et portuaires. Cet investissement important s’explique par l’enclavement de la région où se trouve le gisement, et il se justifie par les retombées financières attendues avec le début de l’exploitation minière, que le gouvernement espère pour 2025.
Par exemple, les deux blocs détenus par Rio Tinto et ses partenaires peuvent livrer à eux seuls plus de 100 millions de tonnes de minerai de fer à haute teneur chaque année, sur une durée de vie de 40 ans au moins. Les deux autres blocs sont détenus par WCS et ses partenaires.
Retombées économiques et financières pour la Guinée
En juillet 2022, les autorités avaient ordonné l’arrêt des travaux pour obliger les différents partenaires, Rio Tinto et Winning Consortium Simandou (WCS), à mettre rapidement en œuvre les termes d’un accord-cadre conclu plus tôt dans l’année qui garantit à l’État une participation non contributive et non dilutive de 15 % dans les infrastructures de ce gigantesque projet (le chemin de fer de 670 km traversant le pays et un port pour les expéditions), ainsi que dans les différentes futures mines de Simandou.
Les enjeux et défis charriés par ce projet sont innombrables et divers. En tête de liste, cette question qui revient dans le débat public en Guinée : Comment faire en sorte que ces ressources immenses produisent des retombées économiques et financières pour la Guinée ? Les premières retombées économiques sont déjà palpables pour ce pays. En novembre 2022, les travaux ont été lancés pour la rénovation et l’extension du camp des travailleurs de Canga à travers des contrats octroyés à deux entreprises guinéennes (IBS et GPC).
Et Gerard Rheinberger, Directeur général du projet Simandou à Rio Tinto, énumère d’autres retombées :
Nous avons également débuté les activités préalables à la construction de la liaison ferroviaire entre nos concessions et le futur réseau de la Compagnie du TransGuinéen qui permettra d’assurer l’acheminement du minerai de fer et les différents aspects logistiques de nos opérations. Nous avons enfin engagé des efforts importants sur la formation, en investissant dans la modernisation du Centre de formation professionnelle de Beyla, en partenariat entre autres avec le ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle. Cet investissement permettra de former chaque année 200 Guinéens dans différents domaines (tels que la maçonnerie, la plomberie, la soudure, l’électricité appliquée à l’industrie, la climatisation ainsi que la mécanique essence et diesel), l’augmentation des capacités d’accueil et la possibilité d’accroître la participation des femmes dans les filières qui se développent,i
insiste Gerard Rheinberger, dans une tribune publiée par le Think Tank, La Tribune Afrique, le 4 avril 2023.
Exploitation au bénéfice communautés riveraines
L’exploitation des immenses réserves de minerai de fer de Simandou ne se fera pas au détriment des communautés riveraines dont la vie repose pour l’essentiel sur ce sol et ce sous-sol, s’engagent toutes les parties prenantes au projet. Dès le début, les leaders des communautés locales ont été impliqués au groupe de travail sur les programmes de compensation, mais aussi au programme de gestion des travailleurs contractuels.
Toutefois, les réserves de minerai de fer de Simandou aiguisent les appétits depuis plusieurs années. L’illustration est le feuilleton judiciaire de Beny Steinmetz, procès entre le conglomérat BSG Ressources, du franco-israélien Beny Steinmetz, et l’Etat guinéen sur la régularité de l’acquisition en 2008 par BSGR du permis d’exploitation des blocs 1 et 2 du Simandou. Une affaire de trafic d’influence présumée pour « influencer » le chef de l’Etat et obtenir la rétrocession du droit d’exploitation des blocs 1 et 2 du Simandou de Rio Tinto à BSGR.
Un modèle de gouvernance vertueuse
Voilà pourquoi le colonel Mamadi Doumbouya, président de la transition en Guinée, traçant sa vision de ce mégaprojet veut conjurer la réputation de malgouvernance qui l’a entouré auparavant :
Mon ambition est que le projet Simandou serve de véritable catalyseur du développement économique de notre pays et devienne un modèle de gouvernance vertueuse pour faire de la Guinée un acteur majeur du marché mondial du minerai de fer.
Les impacts du projet Simandou sur les communautés et l’environnement le long du corridor constituent un grand sujet de préoccupation. Les constats de terrain et l’analyse des documents ont permis à l’Ong Action Mines Guinée d’identifier quelques insuffisances tant au niveau social qu’environnemental.
La note de synthèse produite à cet effet le 5 mai 2023, par l’Ong, pointe un manque de mesures d’atténuation des émissions de bruits dans les études d’impact environnemental et social (EIES) de Winning Consortium Simandou susceptibles de nuire à la santé humaine et de perturber la conservation de la faune notamment dans les réserves naturelles intégrales (forêt classée) dans les localités Mafreyiah, Sengueleh et Madinagbe-kabak à Forécariah; Madina Ouala/Sekousoria à Kindia ; Oure kaba à Mamou ; Damaro et Kounsankoro à Kérouané.
Autre manquement relevé par l’ONG, l’inapplication de la procédure d’intervention prévue par les EIES (Etudes d’impacts environnementales et sociales) dans les zones agricoles (plaines) polluées par drainage des eaux de canalisation, ensablement et déversement de boue dans les localités des quatre préfectures impactées. Ce n’est pas tout.
Action Mines Guinée relève en outre dans son constat un manque de mesures actives de réparation des dommages sur les surfaces agricoles et un manque d’accompagnement pour la restauration des moyens de subsistances suite aux impacts sur les moyens d’existence des populations notamment dans les localités de Kaback, Séngueleh et Madinagbe à Forécariah ; Madina Oula/Sekousoriya à Kindia. Mais aussi, un faible niveau de consultation des communautés impactées lors du processus de compensation et de réinstallation dans les localités de Oure kaba à Mamou, Madina oula/Sekousoriya à Kindia, Damaro et Kounsankoro à Kérouané.
Impact environnemental et social
Dans le long chapelet des manquements énumérés, figure aussi en bonne place la non mise en place de mesures suffisantes visant à aider les communautés affectées à se procurer des sources d’eau sûres et durables suite à la pollution des cours d’eau dans les localités, Madina oula/Sekousoriya à Kindia, Damaro et Kounsankoro à Kérouané. Enfin la non vulgarisation du mécanisme de gestion des plaintes par WCS à l’endroit des communautés locales affectées pour leur permettre de jouir de leurs droits de réclamation dans les localités de Kindia, Forécariah, Mamou et Kérouané.
Pour minimiser l’impact de ces manquements, Action Mines Guinée a formulé des recommandations aux différentes parties prenantes. A l’entreprise Winning Consortium Simandou, il est recommandé de mettre en œuvre les mesures de réduction des émissions de poussière sur les routes, dans les zones de stockage non végétalisées telle que prévue dans le PGES ; de réparer les préjudices de pollution des cultures maraichères et de fissures des maisons des communautés impactées par le projet et d’éviter la pollution, le déversement des eaux de canalisation et le drainage de la boue dans les cours d’eau qui servent de source d’approvisionnement aux communautés ;
A l’Agence guinéenne d’évaluations environnementales, il est recommandé d’exiger le respect de l’application stricte du guide général d’évaluation environnementale et des PGES de la société Winning Consortium Simandou ; de faire un suivi rapproché des impacts dans la zone du projet et de procéder une évaluation à mi-parcours de la mise en œuvre des PGES ; de rendre publiques les études d’impacts et les PGES du projet, et s’assurer que les communautés locales impactées en disposent et comprennent le contenu.
Selon le tout dernier calendrier, l’ensemble des travaux d’infrastructures doit être terminé en décembre 2024. Et la première production commerciale devrait voir le jour au plus tard le 31 mars 2025.