La capitale française a abrité le 28 septembre dernier, le tout premier sommet international sur les métaux critiques, organisé à l’initiative de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Cette rencontre au sommet, à laquelle ont participé 47 pays producteurs et consommateurs, a souligné à nouveau l’importance des métaux critiques dans la révolution verte que la communauté internationale, au premier chef les grandes puissances mondiales, appelle de tous ses vœux et veut opérer depuis quelques années.
Le sommet de Paris a débouché sur une autre déclaration d’intention, considérée par les acteurs présents comme une ébauche de feuille de route se déclinant en six axes, et dont l’objectif est d’“assurer une transition énergétique rapide et sûre”.
Ladite feuille de route prévoit d'”accélérer” la diversification des sources d’approvisionnement, “libérer” le recyclage et les technologies permettant de soulager les tensions entre l’offre et la demande, promouvoir la transparence sur les marchés, améliorer l’accès à une information fiable sur les problèmes de chaînes d’approvisionnement, créer des “incitations” pour une production “durable et responsable” et renforcer la collaboration internationale, selon nos confrères de l’AFP.
Plus précisément, les participants se sont montrés préoccupés par la nécessité de la mise en place d’une « diplomatie des métaux » critiques, considérés comme le nouvel « or noir ». Ceci dans un contexte où la Chine et plus largement le continent asiatique domine la production et l’approvisionnement mondiaux.
La Chine raffine 11 millions de tonnes de cuivre
L’Empire du milieu raffine la moitié de la production mondiale de cuivre, de cobalt, de lithium, de zinc ou encore d’aluminium. Cinq sociétés dont deux chinoises, deux américaines et une chilienne concentrent 90% de la production mondiale du lithium. La Chine assure également la fourniture d’environ 90% de la demande mondiale en terres rares depuis la fin des années 1990.
Pékin raffine 11 millions de tonnes de cuivre (l’équivalent de 42 %) et absorbe près de la moitié de la production mondiale pour sa consommation intérieure. Le pays s’approvisionne grâce à une stratégie d’investissements directs à l’étranger, déployée en Afrique, en Asie et en Amérique latine dès l’an 2000.
Outre la Chine, le sous-sol de la façade pacifique de l’Amérique latine concentre 30 % des réserves mondiales de ce métal stratégique. Une bonne quantité de ressources est concentrée dans les gisements de Chuquicamata, dans le désert d’Atacama, au Chili, faisant de ce pays le dépositaire de près du quart du cuivre mondial.
Le Chili possède en effet 21,3% des réserves mondiales du cuivre, l’Australie 10,9% et le Pérou 9,1%. La production nationale du Chili est évaluée à 23,6%, celle de la Chine 10% et la production du Pérou de 10%. En 2021, plus de 31 Mt de cuivre ont été utilisés, selon l’International Cooper Study Group (ICSG).
50 millions de voitures électriques en 2028 contre 4 millions actuellement
Le sommet de Paris se tient en effet à un moment où l’Union européenne (UE) semble se lasser de sa dépendance vis-à-vis de l’Asie, qui trône au sommet de la production mondiale (85%). Le « Vieux continent » a à cœur d’améliorer sa production de batteries, qui ne représente que 3% de la production mondiale actuelle, selon le rapport de la Commission européenne sur « la mise en œuvre du plan d’action stratégique sur les batteries ».
Face aux nombreux défis qui se profilent à l’horizon, les Européens n’ont pas eu d’autre choix, dès 2017, d’unir leurs forces afin d’accroître la capacité de fabrication dans le continent. L’objectif de cette dynamique est de « créer une base industrielle intégrée, durable et compétitive à l’échelle mondiale ».
Alors que l’on parle beaucoup de relocalisations industrielles, il faut rappeler la double dépendance de l’Europe, à la fois sur les minerais et les métaux, qui pourrait remettre en cause certains projets,
affirme Emmanuel Hache, chercheur à l’Institut français du pétrole-Énergies nouvelles (IFPEN).
Dans l’urgence, il est envisagé, dans le cadre de la mise en œuvre de ces ambitions, la construction de 20 à 30 usines géantes en Europe pour la production de cellules de batteries. Un projet de démonstration a d’ores et déjà été financé en Suède et plusieurs groupements français, allemand et belge ont décidé d’adhérer à la dynamique, nous apprend le journal français La Croix.
Dans la même perspective, l’UE a constitué un groupement, une sorte de task-force baptisée « Alliance européenne pour les batteries » (EB). Ceci dans un contexte où le nombre de véhicules électriques en circulation dans le monde devrait décupler, passant de quatre millions actuellement à 50 millions en 2028. C’est dire que la demande en métaux critiques devrait augmenter. Celle du cuivre ne l’est pas moins.
De 9 000 dollars, la tonne du cuivre pourrait passer la barre de 12 000 USD en 2023
Métal dit « stratégique » mais non « critique », d’après une déclaration de la Commission européenne depuis mars 2023, le cuivre représente 70% de la consommation totale de minéraux critiques pour la transition énergétique.
Il est utilisé dans de nombreuses applications, aussi bien pour les réseaux électriques que pour les transports. Prisé pour sa conductibilité, le « métal de structure » est utilisé dans les câbles électriques, l’électronique, la plomberie, le bâtiment ou encore le transport de l’électricité des éoliennes. 26 millions de tonnes ont été raffinées en 2022.
Une voiture thermique compte 20 kilos de cuivre, un [véhicule] hybride en a 40 kilos et cela monte à 80 kilos pour une électrique, voire 200 kilos pour certains modèles comme les Tesla,
explique Emmanuel Hache, économiste et prospectiviste à l’IFPEN, co-auteur de l’étude citée.
À titre comparatif, si un véhicule thermique nécessite 20 kilos de cuivre, pour un électrique standard, c’est environ 50-60 kilos, un SUV plus de 100 kilos,
ajoute le chercheur. 22,3 kilos de cuivre sont nécessaires pour faire fonctionner une voiture à moteur thermique 53,2 kg pour alimenter une voiture à moteur électrique.
Si l’humanité tient à respecter le scénario 2°C du GIEC, à en croire l’expert, les réserves de cuivre devraient être multipliées par 2,7 entre 2010 et 2050. Elles l’ont déjà été par 2,25 entre 1996 et 2015. La hausse de la demande, couplée aux difficultés d’exploitation de nouveaux gisements, est à l’origine de la forte augmentation des cours mondiaux du cuivre.
Depuis janvier 2023, ils ont plusieurs fois dépassé la barre des 9 000 dollars et pourraient dépasser les 12 000 dollars d’ici la fin 2023 en raison des bas niveaux de stocks et de l’offensive chinoise. Le marché du métal rouge a ainsi repris le souffle et la vitalité après la chute de tension observée en été 2022.
A cause des facteurs tels que la crise politique péruvienne, entre autres, les prix étaient alors descendus jusqu’à 7 000 dollars la tonne sur le LME, qui est la principale bourse d’échanges de métaux européenne. Mais la forte demande se justifie aussi par les nombreuses contraintes rencontrées dans la production de ce cette ressource.
Gros métal, le cuivre constitue aussi de gros problèmes. Les experts énumèrent, entre autres, les difficultés à ouvrir de nouvelles mines, ainsi que l’augmentation du coût de production d’une tonne de cuivre. Sans compter que la teneur baisse d’année en année (elle se situe autour de 0,45% aujourd’hui), selon le cabinet britannique Wood Mackenzie.
Selon cette institution, il faut investir plusieurs milliards de dollars pour optimiser une mine de cuivre.
Le coût de production d’une tonne a augmenté et les projets doivent monter à l’échelle pour améliorer leurs perspectives économiques, ce qui augmente le coût d’investissement initial.
Il faut y ajouter les contraintes liées au stress hydrique auquel sont confrontés le Chili, l’Australie et la Chine.
Pénurie en perspective et ruée vers les acquisitions
Ces facteurs et bien d’autres prédisposent à une pénurie évidente et future du cuivre et du cobalt. Une étude indique que plus de 90% de stocks connus de ces deux métaux pourraient être consommés à l’horizon 2050.
La capacité de production du cuivre pourrait afficher un manque de 10 millions de tonnes d’ici 2030, par exemple. D’où l’alerte à la pénurie.
Par conséquent, la demande devrait augmenter au regard des challenges et des défis de la transition énergétique alors que les ressources elles-mêmes sont toujours limitées selon le journal français La Croix, citant en juin 2020 la conclusion d’une étude menée par l’IFP Energies nouvelles (IFPEN). Il faudrait jusqu’à 17 millions de tonnes annuelles pour combler ce gap, selon l’étude. Pour y arriver, les projets en développement devraient être performants sur les plans économique et industriel.
On comprend la ruée depuis 2022 des opérateurs vers l’acquisition ou l’achat des gisements. C’est le constat fait par le cabinet S and P Global. Fin mars 2023, le Canadien Lundin Mining a annoncé la prise d’une part majoritaire dans la mine chilienne de Caserones, pour un peu moins d’un milliard de dollars US.
BHP a racheté L’Australien Oz Mineral pour près de 6 milliards de dollars et Rio Tinto a déboursé quelque 3,2 milliards pour acquérir le Canadien Turquoise Hill Resources. En février 2023, le constructeur automobile Stellantis a investi 155 millions d’euros pour prendre 14,2% du projet de mine de cuivre développé en Argentine par la compagnie McEwen. Celle-ci annonce le démarrage de la production en 2027.
3,4 millions de tonnes escomptés pour le continent africain en 2023
Au niveau du continent africain, les principaux producteurs de cuivre sont la République démocratique du Congo (RDC), la Zambie, l’Afrique du Sud, la Mauritanie et le Maroc. Les pays ayant les plus faibles productions de cuivre sont le Botswana, la Tanzanie, l’Erythrée, le Zimbabwe et la Namibie.
La RDC a produit 1,8 million de tonnes de cuivre en 2022. Elle est talonnée par la Zambie, dont la production s’établissait à 364 089 tonnes en baisse de 7,4% en glissement annuel, selon la Chambre des Mines de ce pays austral. En 2022, les prévisions révisées de l’International Cooper Study Group tablaient sur une production africaine de 3,1 millions de tonnes.
Soit une hausse de 16,5% en glissement annuel. Cette performance devrait se consolider en 2023, avec une prévision de 3,4 millions de tonnes de cuivre, selon l’ICSG. Le continent deviendrait ainsi d’office la deuxième région productrice du cuivre dans le monde. La production de cuivre raffiné a connu une progression passant de 1,7 million de tonnes en 2021 à 1,9 million de tonnes. Mais il devrait saisir l’opportunité du marché pour rentabiliser son potentiel.
La production congolaise a enregistré une hausse de 31% de en 2022 soit 2,36 millions de tonnes, d’après les statistiques provisoires publiées en janvier 2023 par la Banque centrale du Congo. Entre 2018 et 2019, la production du pays des Grands lacs s’est accrue de 1,22 à 1,42 millions de tonnes. De 1,60 million en 2020, elle s’est chiffrée à 1,79 million en 2021.
Rien qu’au premier semestre 2022, la production du pays se chiffrait à 1,14 million de tonnes contre 1,8 million sur l’ensemble de l’année précédente, selon les statistiques publiées par la cellule technique de coordination et de planification minière du ministère congolais des Mines.
Avec ces bonnes performances, le pays peut d’ores et déjà nourrir l’ambition de décrocher le 3ème rang mondial devant la Chine et juste derrière le Pérou, dont la production a atteint 2,4 millions de tonnes en 2022. Le pays du défunt dictateur Augusto Pinochet demeure le premier producteur mondial avec 5 millions de tonnes.