Seulement au titre de la campagne cacaoyère 2022-2023, le Cameroun a estimé à environ 114 millions de dollars US environ 70 milliards FCFA, les pertes enregistrées du fait des exportations frauduleuses de sa production, principalement à destination du Nigeria, pays frontalier.
L’on peut donc comprendre l’urgence d’arrêter cette saignée des devises. Et, c’est justement ce que vise l’arrêté No 0379, signé le 09 novembre 2023 par le ministre camerounais du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana. Un arrêté qui précise les modalités de conditionnement et de commercialisation des fèves de cacao.
Il s’agit, précise-t-on,
à travers cet important texte, de mettre en place les conditions et procédures d’exportation du cacao par voies aérienne, fluviale et terrestre, afin de conjurer le phénomène tant décrié et préjudiciable à l’économie nationale des exportations frauduleuses à destination des pays voisins.
Le ministre du Commerce ajoute que
la mise en œuvre des mesures contenues dans ce texte devra se traduire, pour le Trésor public, par des rentrées fiscales conséquentes et, par rapport aux producteurs, par un relèvement prévisible des prix et de leurs revenus, compte tenus des besoins importants de certains pays limitrophes, à la recherche de la fève, et de la demande locale, en forte croissance, qu’il s’agisse des industries de transformation ou des flux traditionnels à l’exportation, face à une offre devenue par conséquent insuffisante.
Dans les détails, on note par exemple que la profession d’acheteur du cacao ne sera désormais ouverte qu’aux organisateurs des producteurs conformément aux lois et règlements en vigueur ; aux opérateurs économiques ayant souscrit la déclaration d’existence et possédant la carte professionnelle délivrée par l’Interprofession, le Conseil Interprofessionnel du Cacao et du Café (CICC) ; aux unités locales de transformation.
Et, tout acheteur de cacao est tenu de soumettre à l’interprofession, la liste de ses mandataires. Par conséquent, seul le mandataire titulaire d’une carte professionnelle délivrée par l’interprofession peut procéder aux opérations d’achat de cacao pour le compte de son mandant.
Aussi, précise l’arrêté du ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, l’achat et la vente du cacao s’effectue librement sur l’étendue du territoire national dans le cadre des marchés organisés par les producteurs et, ou les organisations de producteurs ; les conventions signées entre les producteurs et, ou les organisations de producteurs et les acheteurs, les transformateurs ou les exportateurs.
Néanmoins, sont interdits : les concessions en monopole des zones d’achat ; l’attribution des quotas à des acheteurs et, ou exportateurs par zones d’achat ou au plan national ; les ventes ou achats devant ou dans l’enceinte des magasins des acheteurs et des exportateurs ou de leurs mandataires ; les achats et les ventes de cacao de porte à porte ou de nuit ; les ententes entre les acheteurs ou leurs organisations en vue d’imposer un prix unique aux producteurs, etc.
Une réglementation plus contraignante
C’est en effet, un cadre réglementaire plus contraignant, qui était attendu depuis quelques temps. Un cadre réglementaire qui devrait permettre d’impulser une transformation dans l’industrie locale du cacao et faire face aux maux qui minent la filière.
Déjà, le 29 septembre 2023, un projet d’arrêté « établissant avec précision les modalités de conditionnement et de commercialisation des fèves de cacao », avait été adopté lors d’une réunion regroupant les acteurs sectoriels, les producteurs et les exportateurs.
Le nouveau système de commercialisation devrait s’accompagner d’un « contrôle rigoureux » sur les exportations de cacao, qu’elles se réalisent par voie terrestre, maritime ou aérienne.
Cette mesure vise à endiguer les exportations frauduleuses qui causent d’énormes pertes à l’économie nationale, notamment celles en direction du voisin nigérian depuis la région du Sud-Ouest
justifiait le ministère.
Pour tenter d’arrêter la saignée et préserver les intérêts économiques du Cameroun, Luc Magloire Mbarga Atangana avait alors, à titre conservatoire et jusqu’à nouvel avis, interdit les exportations de fèves camerounaises vers le Nigeria, accusé de siphonner la production nationale.
Il faut souligner que les exportations illégales vers ce pays d’Afrique de l’Ouest ne datent pas d’hier. Le phénomène, selon les opérateurs de la filière, s’est intensifié depuis le déclenchement de la crise dans les régions anglophones, notamment dans le Sud-Ouest, important bassin de production.