L’insuffisance d’accès aux médicaments essentiels et le faible pouvoir d’achat des populations justifient le renouvellement incessant de l’engouement pour la médecine traditionnelle. Rien que pour les frais de visite médicale, le montant varie entre 16,37 et 24,95 dollars US pour les médecins, alors que les tradipraticiens accepteraient volontiers le dixième ou moins du même montant pour des prestations de qualité acceptable, si l’on en juge par la fréquence de leur clientèle.
A l’heure actuelle, près de 80% de la population africaine a recours aux plantes locales pour se soigner et n’a pas accès aux médicaments modernes. C’est au regard de cette donne que la Banque mondiale s’est engagée à promouvoir le développement de la médecine traditionnelle en finançant des études en la matière.
Par exemple, au Burkina Faso, pour la seule ville d’Ouagadougou, 891 000 tonnes de plantes médicinales sont vendues chaque année et à Bobo-Dioulasso le constat est de 305 000 tonnes de plantes médicinales vendues annuellement. La consommation moyenne par an et par personne s’élève à 480 g, soit en valeur environ 3.66 USD. La consommation annuelle en plantes médicinales de Ouagadougou et Bobo-Diouasso, s’estime à 7,5 millions $ US.
La part de l’Afrique dans le marché mondial
Le marché mondial des médicaments à base de plantes est en expansion continue, avec une valeur globale annuelle estimée à environ 800 millions de dollars américains. Les médicaments à base de plantes représentent un marché mondial de plusieurs milliards de dollars, estimé à 83 milliards de dollars EU en 2019 et prévu atteindre 550 milliards de dollars EU en 2030.
Certaines plantes médicinales présentes en Afrique subsaharienne ont une grande valeur sur ce marché mondial. Par exemple, le commerce du bois de rose rouge (Prunus africana) et de la pervenche (Catharanthus roseus) est évalué à environ 200 millions et 100 millions de dollars par an. Ces deux plantes sont disponibles dans la région et sont également utilisées comme traitements traditionnels.
Politiques nationales sur la médecine traditionnelle
Depuis l’instauration de la Journée de la médecine traditionnelle africaine en 2003, l’Organisation mondiale de la santé estime que, crâce à ces activités, plus de 40 pays de la région africaine ont élaboré des politiques nationales sur la médecine traditionnelle en 2022, contre huit pays seulement en 2000. Trente pays ont intégré la médecine traditionnelle dans leurs politiques nationales, soit une amélioration de 100 % par rapport à la situation en 2000.
En outre, 39 pays ont établi des cadres réglementaires régissant l’activité des tradipraticiens, contre un seul pays en 2000, ce qui témoigne de la bonne gouvernance et du leadership dont ils font preuve.
Aujourd’hui, avec 34 instituts consacrés à la recherche-développement en médecine traditionnelle dans 26 pays, ce secteur reste prometteur et recèle un potentiel économique important. De même, 17 pays disposent de cadres pour la protection des droits de propriété intellectuelle et possèdent des savoirs en médecine traditionnelle, alors qu’aucun pays n’en avait en 2000.
En vue de faire progresser les efforts du continent pour assurer un accès équitable aux produits et aux technologies médicaux, tous les États membres de la Région africaine, à l’exception de huit pays, se sont engagés dans la culture de plantes médicinales et aromatiques.
19 pays ont aussi mis en place des unités de fabrication locale de médicaments à base de plantes, et dans 14 pays, le nombre de médicaments à base de plante enregistrés auprès des autorités nationales de réglementation est passé de 20 médicaments en 2000 à plus de 100 cette année. Plus de 45 médicaments à base de plantes figurent désormais sur les listes nationales des médicaments essentiels.
Une autre avancée majeure est que 25 pays ont intégré la médecine traditionnelle dans leurs programmes de formation en sciences de la santé, tandis que 20 autres ont conçu des programmes de formation destinés aux tradipraticiens et aux étudiants en sciences de la santé, afin de renforcer les ressources humaines en médecine traditionnelle comme dans les soins de santé primaires. 39 pays ont aussi mis au point des cadres juridiques régissant l’activité des tradipraticiens.
Au total, 24 pays ont aussi rédigé des codes de déontologie et de bonne pratique à l’intention des tradipraticiens, pour garantir la sécurité et le respect des normes de prestation de services. Le Ghana, qui fait office de modèle sur le continent, a construit des cliniques de médecine traditionnelle dans 55 hôpitaux régionaux à ce jour.
Quelques spécialistes du continent
La connaissance des vertus médicinales des plantes fait partie du patrimoine culturel africain. Selon les estimations, au moins 50 % des médicaments prescrits aujourd’hui sont d’origine végétale.
Le pharmacien béninois Charles-Henri Ainadou vante ainsi les vertus de l’Anteprost, un produit fabriqué à base de plantes qui permet de traiter l’hypertrophie bénigne de la prostate, à l’instar de la courge, du prunier et du palmier nain d’Afrique.
Quant au chercheur gabonais Serge Issembe, il reconnaît les bienfaits de l’iboga, notamment dans le sevrage des toxicomanes. Ce pharmacien relaie le remarquable travail de son collègue burkinabè, le professeur Innocent Pierre Guissou, qui a participé à la mise au point de la commercialisation des médicaments traditionnels améliorés (MTA) comme le Faca, un antidrépanocytaire dérivé d’extraits de plantes médicinales.