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Cameroun : la part maigre du budget dédiée aux investissements publics en 2024

Comme au cours des exercices antérieurs, l’enveloppe consacrée aux projets de développement est largement inférieure à celle du fonctionnement, soit 2 697 914 240 dollars (1 652 milliards de FCFA) représentant seulement 31,6% de l’enveloppe budgétaire globale du pays en 2024, contre 5 227,3 milliards de FCFA à mobiliser pour assurer le fonctionnement de l’État, sur un budget équilibré en recettes et dépenses à la somme de 11 007 392 112 US (6 740,1 milliards de F CFA), en augmentation de 13,2 milliards (0,2%) par rapport à 2022. Une fois de plus, le pays va recourir inexorablement à l’endettement auprès des partenaires financiers internationaux et nationaux pour assurer la survie d’un Etat accusé d’être budgétivore.

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C’est une tradition. Dans certains pays sous-développés et notamment ceux d’Afrique subsaharienne, les gouvernements sont généralement qualifiés de budgétivores. En d’autres termes, ils privilégient le fonctionnement d’un appareil étatique souvent critiqué pour ses effectifs pléthoriques – comparés aux autres pays ayant une démographie similaire ou supérieure –, au détriment des investissements destinés au développement.  

Le Cameroun n’échappe pas à la règle. Et ce n’est pas le projet de Loi de finances de l’exercice budgétaire 2024 qui le démentira. Aussitôt déposé à l’Assemblée nationale, le 30 novembre dernier, pour examen et adoption, ledit projet de loi, qui a accusé un retard de plus de 30 jours par rapport à la date de dépôt règlementaire, est déjà l’objet de curiosités.   

Celles-ci portent principalement sur la part du budget consacrée aux investissements publics (BIP) au cours de l’année 2024. L’enveloppe prévue pour cette rubrique est de 2 697 914 240 dollars(1 652 milliards de F CFA) sur un budget global équilibré en recettes et en dépenses à la somme de 11 007 392 112 US(6 740,1 milliards de francs CFA), en augmentation de 21 557 184 USD (13,2 milliards de Francs CFA soit 0,2% en valeur relative). Cela représente seulement 31,6% du budget global pour l’année budgétaire et financière 2024.   

522.761.712 Dollars pour payer les intérêts sur la dette

Si cette enveloppe représente 4,7% du Produit intérieur brut (PIB), soit une augmentation par rapport aux 3,9% du PIB de l’année 2023, elle demeure largement inférieure à celle affectée aux prévisions de dépenses de fonctionnement de l’Etat.  

Dans l’exposé des motifs de la loi de finances 2024, présenté au Parlement, le gouvernement donne l’explication qui suit :

Ce niveau de dépenses d’investissement public est obtenu grâce à un effort accru de rationnement des dépenses en fonctionnement pour toutes les administrations, y compris les subventions aux établissements publics.

Les dépenses globales sur le budget général (hors remboursement de la dette publique) pour assurer le fonctionnement de l’État, sont chiffrées à 8 536 808 176 USD (5 227,3 milliards de FCFA). Elles sont en hausse de 504 144 144 USD (308,7 milliards de FCFA soit +6,3%) par rapport à 2023. A eux seuls, les salaires des personnels de l’État devront engloutir 2 332 585 296 USD (1 428,3 milliards de FCFA), contre 1 638 509 296 USD (1 003,3 milliards de FCFA) pour l’achat des biens et services, 522 761 712 US (320,1 milliards de FCFA) pour le paiement des intérêts sur la dette du pays, et un peu plus de 1 638 019 360 USD (1 003 milliards de FCFA) pour les transferts et autres subventions.

Encourager l’importation des pièces détachées pour booster l’industrie automobile

En dehors des projets structurants, quasiment en berne depuis la conclusion, en 2016, d’un nouveau programme économique et financier du Cameroun avec l’un de ses principaux bailleurs de fonds qu’est le Fonds monétaire international (FMI), le Cameroun veut promouvoir l’industrie automobile. Pour ce faire, le projet de Loi de finances 2024 prévoit un abattement de 50% sur la valeur imposable des pièces de véhicules importées par les entreprises de fabrication et de montage automobile. L’abattement sur les droits de douane porte sur une période de 10 ans et vise à encourager l’émergence d’une industrie automobile dans le pays.

En outre, le gouvernement affiche sa volonté de développer les secteurs des énergies renouvelables, de l’adduction d’eau potable, de la santé, de l’élevage et de la pêche. Les opérateurs de ces secteurs d’activité économique devraient bénéficier d’une exonération des droits de tous les équipements et matériels importés, et ce sur une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2024.

Par ailleurs, le projet de Loi de finances laisse transparaître les ambitions manifestes du gouvernement de poursuivre sa politique d’import-substitution mise en œuvre depuis quelques années, moyennant la soumission de nouveaux produits au droit d’accises ad valorem. Le but recherché, ici, est la promotion de la production et la transformation locales, la valorisation du « Made in Cameroon » prônée par le chef de l’Etat depuis la fin des années 2000.

L’implémentation de ces belles ambitions passe par la limitation des importations et de la concurrence par le découragement des initiatives défiant la production locale. Aussi, l’Etat camerounais envisage-t-il d’instaurer un droit d’accises de 5% sur l’importation des produits à base de céréales et autres préparations alimentaires obtenues à base de flocons de céréales. Les huiles raffinées importées figurent dans la liste des produits agroalimentaires devant faire l’objet de cette imposition.   

La filière cacao préoccupe également les autorités. Elles ont tiré les leçons des menaces qu’ont fait peser un broyeur sur la filière locale, au cours de la campagne cacaoyère 2022-2023, en tentant d’importer des fèves pour, expliquait-il, pallier la pénurie des fèves sur le marché camerounais. Pour décourager de telles initiatives, tout opérateur désireux d’importer des fèves de cacao sera soumis au payement d’un droit d’accises de 12,5% à compter de l’année prochaine.   

Un relèvement du droit de sortie des grumes à 75% pour décourager les importations d’ouvrages en bois

La Loi de finance 2024 consacre également une attention à la filière bois et à l’industrie du plastique. Depuis 2010, le Gabon a marqué un pas significatif dans le développement de ce secteur en mettant en application un décret du président Ali Bongo (alors nouvellement élu), interdisant les exportations des grumes. Alors que d’autres pays de l’espace Cemac (Cameroun, Congo, Tchad, RCA et Guinée équatoriale) attendent toujours la mise en œuvre effective de leur loi nationale, repoussée à une date sine die dans certains de ces pays, le gouvernement camerounais anticipe en proposant un nouveau relèvement du droit de sortie des grumes, à 75% à compter du 1er janvier 2024. Soit une augmentation prévisionnelle de 428,6% de cette taxe sur la période de sept ans comprise entre 2017 et 2024. En 2023, ce relèvement était de 60%.

Les produits également visés par ces mesures sont les cercueils, les meubles en métal et en bois utilisés dans les bureaux et dans les cuisines, et les meubles en matière plastique. Les acteurs économiques intéressés par l’importation de ces ouvrages vont devoir payer, pour chacun de ces produits, un droit d’accises de 25%.

Avec de telles mesures, une nouvelle vague de protestation de la part des exploitants forestiers n’est pas à exclure. En 2023, ces opérateurs avaient menacé de suspendre les importations pour protester contre l’augmentation du droit de sortie des grumes à 60%. 

Dans la même veine, le gouvernement camerounais envisage de soumettre l’importation de riz parfumé et précuit à un droit de douane normal de 20%. Mais, à l’analyse, cette mesure semble procéder plus de la recherche de nouvelles niches de mobilisation de recettes fiscales qu’à la promotion de l’import-substitution.  

Au moment où ces propositions sont soumises à l’examen de l’Assemblée nationale, le riz de grande consommation continue de bénéficier plutôt d’une réduction de taxes de 5%, ce depuis 2017. On est loin de la période 2008-2016, où ce produit de première nécessité bénéficiait d’une exonération complète, au plus fort des leçons tirées des émeutes de la faim de février 2008 dans ce pays de l’Afrique centrale.

Le gouvernement se montre flexible, en revanche, s’agissant de la taxe spéciale sur les produits pétroliers (TSSP). On se souvient qu’il avait étendu cette taxe, en 2023, au gaz naturel utilisé par les industriels en appoint à l’électricité, en imposant 70 FCFA par mètre cube consommé de ce produit. Elle est donc ramenée à 60F CFA par mètre cube de gaz naturel consommé.

Un endettement à hauteur de 2 575 920 176 US (1 577,3 milliards de F CFA) en dépit de la création de nouvelles niches fiscales

Au demeurant, l’on constate une hausse de 60 425 440 US (37 milliards FCFA soit + 0,6% sur un an) du budget général 2024, établi à la somme de 10 908 425 040 US (6 679,5 milliards de FCFA). Le budget des comptes d’affectation spéciale, lui, se chiffre à 98 967 072 US (60,6 milliards F CFA). Il subit une réduction de 38 868 256 USD (23,8 milliards de F CFA soit -28,2%) sur un an.

L’annonce de nouvelles niches de recettes par le ministre des Finances depuis quelques mois, est justifiée en partie par la baisse prévisionnelle de recettes pétrolières de l’ordre de 32,3 milliards de F CFA par rapport à 2023. Une prévision qui elle-même est consécutive à « la baisse du cours mondial de baril ».

Le gouvernement envisage de collecter des recettes internes de 8 475 892 800 US (5 190 milliards de FCFA), soit 668 925 952 US (409,6 milliards de FCFA soit +8,6%) de plus que les prévisions de 2023. Les recettes fiscales à elles seules devraient s’élever à 6 807 007 472 US (4 168,1 milliards de F CFA), contre 6 231 495 984 US (3 815,7 milliards de FCFA) en 2023. Soit une augmentation de 575 511 488 USD (352,4 milliards de FCFA). Toutes choses qui, à l’observation, ne suffiront pas pour couvrir l’ensemble des besoins de l’Etat.

D’où le recours inéluctable à l’endettement auprès des partenaires financiers internationaux et nationaux pour compléter l’enveloppe des recettes et autres dons. Le montant total des prêts prévu en 2024 est de 2 575 920 176 US(1 577,3 milliards). Le gouvernement compte sur les tirages extérieurs sur les prêts projets de l’ordre de 1 481 566 464 US (907,2 milliards de FCFA), pour mobiliser l’essentiel de cette enveloppe.

Une autre partie de la dette sera levée sur le marché sous-régional des titres publics ou le marché financier sous-régional, soit 612 420 000 US (375 milliards de FCFA) au maximum, alors que les banques locales devront pourvoir 227 003 680 US (139 milliards de FCFA). Sans compter les 248 070 928 USD (151,9 milliards de FCFA) d’appuis budgétaires attendus des bailleurs de fonds, dans le cadre du programme économique et financier conclu avec le Fonds monétaire international (FMI).

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