Les hypermarchés, supermarchés, et magasins « cash & carry » gagnent du terrain sur le continent face à la distribution traditionnelle. Dopées par l’essor de la classe moyenne, les dépenses en consommation sont en constante progression.
Des enseignes comme CFAO, Casino et Auchan multiplient les ouvertures de magasins au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Cameroun, etc. Mais, se ravitailler en produits locaux dans ces grandes surfaces n’est pour autant pas une garantie. Ceux-ci devant d’abord répondre aux exigences de la qualité et de la quantité que leur imposent ces grandes surfaces.
Cameroun, insérer 50% des produits locaux dans les rayons
Dans le cadre de sa politique de promotion du « Made in Cameroon », le gouvernement camerounais ambitionne d’insérer 50% des produits locaux dans les rayons des surfaces dédiées à la grande distribution, qui pullulent de plus en plus dans le pays. En effet, selon le ministre camerounais du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana,
entre 2015 et 2016, le nombre d’hypermarchés dans notre pays s’est accru de 150%, celui des supermarchés de 44,56% et celui des superettes de 5,88%.
Faisant de ces lieux de commerce
l’un des meilleurs canaux de promotion du « Made in Cameroon » ; les produits locaux représentant à minima 18% des références, avec un objectif de moyen terme de passer à 50%.
Cette politique d’exposition des produits locaux dans les supermarchés appartenant aussi bien à de grands groupes étrangers qu’à des nationaux, souligne le ministre, « a permis l’éclosion des produits dont on n’aurait jamais imaginé qu’ils pouvaient être commercialisés et consommés à une telle échelle ».
Cette percée des produits Made in Cameroon est bien perceptible sur les étals de Casino, mais surtout chez BAO, une enseigne spécialisée dans le Cash & Carry (technique de vente en gros, à bas prix), lancée en mars 2018 à Douala, la capitale économique camerounaise.
Gabon : les producteurs locaux réclament plus d’espace
L’accès à la grande distribution reste l’une des difficultés majeures pour les PME du secteur agricole et agroalimentaire au Gabon. Stimulées par le gouvernement, certaines grandes surfaces s’engagent à promouvoir les produits locaux. Pour écouler leurs produits, les petites et moyennes entreprises (PME) gabonaises du secteur agroalimentaire souhaitent que les grandes surfaces leur accordent plus d’espace dans les rayons.
La grande distribution nous tend la main, mais avec des exigences de quantité et de volume que nous avons du mal à remplir. Il faudrait quand même que la grande distribution essaie de nous accompagner en nous aidant à entrer sur les marchés. Car, sans l’accès aux consommateurs, nos marques ne risquent pas de vivre très longtemps,
regrette Caroline Sitault, fondatrice de la marque d’infusions Ore Tea. De grandes surfaces de Libreville travaillent déjà avec des PME locales et même des producteurs agricoles pour la promotion des produits locaux. Mais,
le problème réside souvent au niveau de la qualité et la quantité des produits proposés par ces PME. Car, elles ne produisent pas assez, ce qui ne permet pas de fidéliser la clientèle en cas de ruptures de stock. Nous les encourageons à produire en quantité et en qualité afin de satisfaire également notre clientèle,
affirme-t-on chez Carrefour.
Cependant, pour relever les défis quantitatif et qualitatif exigés par les grandes distributions, les PME ont besoin de financements, selon Brenda Tsiba Djouassa, CEO de Brendi Baby Food. Des financements que les PME du secteur agroalimentaire espèrent obtenir dans le cadre du programme « La Fabrique des champions », d’Okoumé Capital.
Pour faciliter la distribution des produits fabriqués au Gabon, l’ex-ministre en charge des PME, Yves Fernand Manfoumbi, proposait par exemple l’instauration des foires mobiles dans les grandes surfaces, selon une période à définir avec les opérateurs économiques.
Ces foires devaient permettre une meilleure visibilité et un meilleur écoulement des produits fabriqués ou transformés sur place par nos PME, tout en garantissant une sécurité alimentaire et nutritionnelle à nos populations. La tâche n’est donc pas impossible à surmonter,
soutenait-il. Ce type de foire permettrait donc aux PME, même celles qui ne produisent pas en quantité, d’avoir accès aux consommateurs. Mais, en attendant la mise en œuvre d’une telle initiative, le gouvernement gabonais encourageait déjà les grandes surfaces présentes dans le pays à soutenir les producteurs locaux.
Car, pour les autorités gabonaises, la présence de ces grandes surfaces dans le pays ne pourra être véritablement utile à l’économie gabonaise que si elle concourt à ce que ces sociétés commerciales investissent dans la mise en place des chaînes de valeur qui mènent de la terre, de l’étable ou de la mer à l’assiette, en passant par la transformation locale.
Grande distribution africaine : l’exemple sud-africain
« La distribution africaine se résume à la distribution sud-africaine », confirme, un brin hautain, Whitey Basson, président de Shoprite, la plus panafricaine des enseignes de la nation Arc-en-Ciel. Parti avec huit épiceries dans les années 1970, il possède aujourd’hui plus de 900 magasins, dont 150 répartis dans 16 pays du continent, hors Afrique du Sud.
Pour le consommateur africain, Shoprite, c’est le supermarché démocratisé, plus abordable que les épiciers libanais ou indiens et, surtout, proposant une gamme plus vaste de produits. Le modèle sud-africain a fait ses preuves. Avec Canal Walk, le Cap possède le plus grand centre commercial de l’hémisphère Sud. Si le concept du Mall couvert est né par souci climatique aux nord des États-Unis dans les années 1960, il s’est épanoui en Afrique du Sud dans les années 1990 face aux craintes sécuritaires de la classe moyenne.
Cinémas, salles de sport, restaurants, banques, supermarchés et boutiques se côtoient dans des centaines de Malls animés par les multiples enseignes de distribution : Woolworths (habillement, alimentaire), Mr Price (habillement, déco), Pick’n Pay (alimentaire), Exclusive Books (librairie), Musica (CD et DVD)…
Le secteur est en plein essor avec l’installation de supérettes Pick’n Pay Express dans les stations-services BP et un embryon de commerce en ligne. Signe de ce dynamisme, plusieurs acteurs – Shoprite, mais aussi Woolworths, Pick’n Pay, Pep Store et Massmart – poursuivent depuis une dizaine d’années leur développement sur le continent.
Une arrivée qui a souvent causé une surchauffe de l’immobilier dans les capitales africaines, mais qui fait le bonheur des classes moyennes. Et à la plus grande satisfaction des distributeurs sud-africains, ils n’ont quasiment jamais trouvé de concurrence sérieuse sur ce marché qui progresse de 4 % à 5 % par an.
Ce qui n’empêche pas que leur développement demeure principalement localisé dans les pays d’Afrique anglophone et lusophone, et que leur essor soit malgré tout émaillé d’échecs.
Incontournables supermarchés maghrébins
En une décennie, la grande distribution s’est imposée comme un nouveau mode de consommation au Maghreb. En 2010, elle représentait environ 12 % du commerce de détail au Maroc (1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires) et plus de 35 % en Tunisie (610 millions d’euros). Seule l’Algérie était à la traîne, le pays ne comptant qu’un hypermarché (groupe Cevital) pour 35 millions d’habitants.
Aux côtés d’enseignes locales comme Magasin général en Tunisie, Marjane, Acima ou Label’Vie au Maroc, les leaders mondiaux du secteur, Carrefour et Casino en tête, sont eux aussi attirés par les marchés nord-africains, même s’ils ont connu des échecs. Ainsi, Auchan a mis un terme en 2007 à son accord avec l’Omnium nord-africain (intégré depuis à la Société nationale d’investissement) au Maroc, tandis qu’en 2009 Carrefour se retirait d’Algérie.
À l’inverse, la même année, le hard-discounter turc BIM s’est implanté dans le royaume chérifien : son réseau de 45 magasins devait quasiment doubler à la fin de 2011. En Tunisie, l’enseigne Mercure Market, positionnée sur le segment des supermarchés, faisait ses premiers pas.
Afrique, el dorado de la grande distribution
En mai 2013, le cabinet d’intelligence économique Sagaci Research, cité par JeuneAfrique, recensait ainsi 129 projets de grandes surfaces en Afrique. Une situation sans précédent, largement alimentée par l’émergence d’une classe moyenne africaine.
Dans les 18 principales villes d’Afrique le niveau de dépenses atteindra 1 300 milliards de dollars par an en 2030 contre 539 milliards pour la France actuellement,
insiste Michael Chu’di Ejekam, directeur immobilier chez le capital-investisseur Actis, l’un des principaux constructeurs de Malls au sud du Sahara. Mais, sur tout le continent, le taux de pénétration de la distribution moderne est si bas (dans un grand nombre de pays, seuls 5% des habitants sont clients des grandes surfaces), que le marché laisse de la place à un grand nombre d’acteurs, selon JeuneAfrique.
Les grands groupes de distribution internationaux peinent à pérenniser leur présence sur le continent, confrontés à un cadre institutionnel fluctuant et aux habitudes de consommation des consommateurs africains qui n’évoluent pas toujours aussi vite que leur pouvoir d’achat.
Depuis les années 2000, l’Afrique est pourtant très convoitée par les principaux acteurs de la grande distribution, qui souhaitent explorer les marchés émergents à la recherche de relais de croissance face à l’atonie des marchés européens et américains.
Les indicateurs économiques africains sont d’ailleurs au beau fixe, et le boom de la consommation des classes moyennes que l’on avait prédit est bien au rendez-vous. La progression de la demande en biens de consommation courante est alimentée par une forte hausse du taux d’urbanisation du continent et une montée en puissance d’une classe moyenne désireuse d’accéder à la société de consommation.
Selon les estimations de The Economist Intelligent Unit (EIU) dans son étude Africa : open for business, les 18 plus grandes villes du continent pourraient avoir un pouvoir d’achat cumulé de 1,3 trillions de dollars d’ici à 2030, et 63% de la population africaine sera urbaine d’ici à 2050.