C’est une nouvelle ère qui s’ouvre dans l’histoire du patronat camerounais. Le Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam) voit le jour sous les cendres du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam). L’assemblée générale constitutive de la nouvelle centrale syndicale s’est tenue à Douala jeudi, 14 décembre 2023.
Parmi les témoins de ce « jour historique », figurent le ministre des Finances du Cameroun, Louis Paul Motaze, son homologue de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Issa Tchiroma Bakary, et les présidents du patronat de trois pays de l’Afrique centrale, dont la République centrafricaine (RCA) et le Congo. Le spécialiste Lassina Traore, du Bureau International du Travail (BIT), était également l’un des invités de marque de celui qu’il convient désormais d’appeler l’ex-président du Gicam, Célestin Tawamba.
Celui-ci va, pendant les trois prochains mois que va durer la période transitoire, accompagner le Comité de surveillance et de recours, créé par les textes statutaires et règlementaires de la nouvelle organisation. Ce comité sera présidé par un ancien bâtonnier camerounais, maître Eta Besong. La création de la centrale patronale est l’aboutissement d’un long processus entamé en 2017, peu après l’élection de Célestin Tawamba à la tête ce qui était alors la principale organisation patronale du Cameroun – le Gicam – pour succéder à Armel François, qui assurait l’intérim après le décès d’André Fotso en plein mandat.
C’est donc tout logiquement que Célestin Tawamba a rendu hommage à ses deux prédécesseurs camerounais décédés – y compris Samuel Kondo – ainsi qu’aux autres encore vivants. L’unité patronale en vue d’une défense plus efficace des intérêts des entreprises était déjà au cœur des préoccupations du président de l’organisation qui vient d’être « dissoute sans liquidation ». Les concertations amorcées dès 2018, se traduisent par la mise en place, sous l’égide de Lassina Traoré du BIT, d’une Coordination centrale, une plateforme au sein de laquelle les deux organisations vont affirmer, dès 2019, leur décision de de « faire chemin ensemble ».
Depuis 2019, nous habitons la même maison même si nous faisons chambre à part. Nous avons tout de même décidé d’aller plus loin et de faire chambre commune,
s’est réjoui Protais Ayangma, le président de la désormais défunte Ecam. Les travaux de cette instance – la Coordination patronale – aboutiront au plébiscite du traité de fusion à l’issue de l’assemblée générale extraordinaire des deux regroupements patronaux, les 11 et 12 juillet 2023, précédé par la signature, le 5 avril, dudit traité. Pour Protais Ayangma, cet aboutissement heureux s’apparente à la « Terre promise ».
Les quelque 400 PME vont apporter au Gecam un chiffre d’affaires supplémentaire de 1 877 568 000 dollars
Cependant, la fusion d’ECAM avec le GICAM est loin d’être synonyme de faiblesse de la part du premier.
Nous avons réussi à imposer la voix des Pme dans le débat public, notre ADN étant la défense des intérêts des PME,
a-t-il précisé.
Vous apportez à cette fusion beaucoup plus que l’on a voulu dire ou faire croire,
s’est-t-il réjoui. En effet, les PME camerounaises totalisent un chiffre d’affaires de 1 877 568 000 dollars (1.120 milliards de F CFA). Elles ont créé 42 000 emplois qui génèrent une masse salariale cumulée de 108 966 000 USD (65 milliards de FCFA). Avec 142 494 000 USD (85 milliards de F CFA) d’impôts payés, leur contribution représente 11% des recettes fiscales. 25% de PME sont assujetties à la TVA. Par ailleurs, ECAM apporte à la nouvelle centrale plus de 400 nouveaux membres faisant à terme du Gecam l’un des mouvements les plus puissants de la sous-région.
Un système fiscal « confiscatoire »
La nécessité d’unir les forces est intervenue, selon Célestin Tawamba, dans un contexte de « crise inflationniste sans précédent », où la crise sanitaire de 2019-2022, couplée à la guerre russo-ukrainienne et aux facteurs endogènes, ont dévoilé la fragilité du tissu économique camerounais et plus précisément de son secteur productif. Le retour à la planification, après de longues années où le pays a subi les affres des ajustements structurels, n’a pas amélioré la situation économique des Camerounais. Le taux de croissance sur plus de dix ans s’établit autour de 4,2%, « loin de la croissance espérée ».
Comment comprendre alors que, aujourd’hui encore, le pays brille par l’absence d’une réelle politique de transport et de distribution de l’électricité, toutes choses qui plombent le secteur productif ? Comment comprendre que le gouvernement s’empresse à doter le pays de péages en lieu et place de routes ? Ou encore que le secteur tertiaire prédomine quand les secteurs primaire et secondaire stagnent ? Comment comprendre, enfin, que les pouvoirs publics soient toujours plus préoccupés à la collecte des recettes quand les entreprises suffoquent ? C’est ce « système fiscal confiscatoire » que Célestin Tawamba a dénoncé. Il en trouve une expression dans la loi de finances 2024, qui met en place près de 120 mesures douanières, fiscales et parafiscales, alors que le secteur privé attend plutôt une loi qui favorise la croissance.
Il s’agit d’une loi de finances inflationniste, qui va fragiliser les patrons et le pouvoir d’achat des salariés. Certaines entreprises ici présentes n’en peuvent plus !,
a déploré l’ancien président du Gicam. Avant de demander « une pause fiscale », prélude d’une réforme basée sur la vision et la stratégie. Car, s’est-il justifié, « Nous devons sortir des réformettes ».