D’après le rapport de la Banque mondiale, intitulé en anglais AZLECAf : Economic and Distributional Effects, la mise en œuvre de la ZLECAF permettrait de sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté et d’augmenter les revenus de près de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour. Par ailleurs, la zone de libre-échange permettra d’augmenter les revenus de l’Afrique de 450 milliards de dollars US d’ici à 2035 (soit une progression de 7 %) tout en ajoutant 76 milliards de dollars aux revenus du reste du monde et d’accroître de 560 milliards de dollars US les exportations africaines, essentiellement dans le secteur manufacturier.
L’extrême pauvreté diminuerait sur l’ensemble du continent, les améliorations les plus importantes se produisant dans les pays où les taux de pauvreté sont aujourd’hui très élevés. Par exemple, l’Afrique de l’Ouest connaîtrait la plus forte diminution du nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté, avec une baisse de 12 millions (plus d’un tiers du total pour l’ensemble de l’Afrique). Une baisse qui serait de 9,3 millions en Afrique centrale, de 4,8 millions en Afrique de l’Est et de 3,9 millions en Afrique australe.
La création d’un marché unique à l’échelle du continent pour les biens et les services, les affaires et les investissements restructurera les économies africaines. La mise en œuvre de la ZLECAf serait un grand pas en avant pour l’Afrique, en montrant au monde que le continent est en train de devenir un chef de file de la promotion du commerce mondial,
analyse Caroline Freund, directrice mondiale du pôle Commerce, investissement et compétitivité à la Banque Mondiale. Sur les 450 milliards de dollars de revenus supplémentaires générés par la ZLECAf, 292 milliards proviendraient du renforcement des mesures de facilitation des échanges qui visent à lever les freins bureaucratiques et à simplifier les procédures douanières.
D’après le rapport AZLECAf : Economic and Distributional Effects, si elle s’accompagne de mesures facilitant les échanges, notamment pour réduire les formalités administratives, simplifier les procédures douanières et favoriser l’intégration des entreprises africaines dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, les gains de revenus atteindraient 292 milliards de dollars. Ces améliorations nécessiteront des efforts importants de la part des pays afin d’atténuer la charge qui pèse sur les entreprises et les commerçants pour franchir les frontières rapidement, en toute sécurité et avec un minimum d’interférence de la part des fonctionnaires.
La Zone de libre-échange continentale africaine a la capacité d’accroître les possibilités d’emploi et les revenus, ce qui contribue à élargir les perspectives de tous les Africains. Elle devrait permettre de sortir de la pauvreté modérée environ 68 millions de personnes et de rendre les pays africains plus compétitifs. Néanmoins, la réussite de sa mise en œuvre sera primordiale et il conviendra notamment de suivre attentivement ses effets sur tous les travailleurs (femmes et hommes, qualifiés et non qualifiés) dans tous les pays et secteurs afin de garantir que l’accord porte pleinement ses fruits,
note Albert Zeufack, économiste en chef de la Banque Mondiale pour l’Afrique
Grande exportatrice malgré une demande de son marché régional non satisfaite
Les exportations africaines vers les marchés mondiaux ont affiché un bond record de 42% entre octobre 2020 et octobre 2021, soit plus du double des expéditions de l’Amérique (+17%) et de l’Asie (+17%) et presque quatre fois celles de l’Europe (11%), selon le rapport fraichement publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur l’état du commerce mondial. Ceci, quand les exportations globales ont augmenté de 16% sur la période.
En termes de secteurs, les matières premières minérales et minières ont dominé les exportations mondiales avec une hausse de 46% sur la période, avec une hausse de 81% des ventes de combustibles fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon), passées à 147 milliards de dollars en octobre 2021, contre 81 milliards de dollars en octobre 2020. Les expéditions mondiales de pierres précieuses (or, argent, platine, rhodium, palladium…) ont bondi de 115% à 21 milliards de dollars en octobre 2021 contre 9,7 milliards de dollars en octobre 2020, selon le journal La Tribune Afrique.
D’autres secteurs entrent également en jeu dont les ressources minérales et minières à l’instar du cuivre (la République Démocratique du Congo au premier rang avec 18,1 milliards de dollars d’exportations en 2020, contre 15,5 milliards en 2019), le cacao (la Côte d’Ivoire et le Ghana en tête, suivis du Cameroun), le café (dominé par le Kenya) , l’aluminium (avec l’Afrique du Sud, le Mozambique, l’Égypte, le Maroc et la Cameroun dans le top cinq), le bois (Cameroun, Gabon, Afrique du Sud, Congo, Ghana) précise le journal La Tribune Afrique. Ces gros chiffres d’exportations africaines posent davantage la problématique de l’industrialisation du continent érigée en urgence par les agendas de développement des Nations Unies et de l’Union africaine.
L’initiative de commerce guidé
L’initiative de commerce guidé dénommée Guided Trading Initiative a été lancée lors de la 10e réunion du Conseil des ministres de la ZLECAf à Accra, au Ghana, le 7 octobre 2022 et vise à permettre des échanges commerciaux significatifs et à tester l’environnement opérationnel, institutionnel, juridique et de politique commerciale dans le cadre de la ZLECAf. Les pays ayant adhéré à cette initiative à ce jour sont la Tunisie, l’Égypte, le Kenya, le Ghana, le Cameroun, le Rwanda, l’Ile Maurice et la Tanzanie, apprend-on d’Afrique Renouveau, la section Afrique du département de l’information de l’ONU.
Les produits prévus pour le commerce dans le cadre de cette initiative comprennent les carreaux de céramique, les accumulateurs, le thé, le café, les produits carnés transformés, l’amidon de maïs, le sucre, les pâtes, le sirop de glucose, les fruits secs et la fibre de sisal, entre autres, conformément à l’accent mis par la ZLECAf sur le développement de la chaîne de valeur,
a expliqué le Secrétaire général du Secrétariat de la ZLECAf, Wamkele Mene.
L’Algérie dit oui au libre échange
D’après le site d’information algérien Interlignes, le ministre du Commerce et de la Promotion des Exportations, Tayeb Zitouni, a annoncé, samedi 16 décembre 2023 à Alger, l’adhésion officielle de son pays à l’initiative de commerce guidé, dans le cadre de la concrétisation effective de l’accord de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Le ministre a affirmé que l’adhésion de l’Algérie à cette initiative permettra aux opérateurs économiques d’avoir des échanges commerciaux avec leurs homologues des pays partenaires de l’initiative, et ce sans barrières douanières conformément à l’accord de la ZLECAf.
Dans une allocution prononcée lors des travaux du forum économique sur « l’initiative de commerce guidé », le Secrétaire général de la (ZLECAf), Wamkele Mene, s’est félicité des efforts de l’Algérie et des différentes initiatives lancées par le gouvernement algérien pour une ouverture sur le marché africain et une expansion commerciale dans le continent, rappelant l’ouverture de nouvelles lignes aériennes et maritimes entre l’Algérie et des pays africains et l’ouverture de filiales bancaires algériennes dans ces pays. D’après le site d’information l’Expressdz, le responsable a également salué les grands pas franchis par l’Algérie en matière d’industrie, à même d’apporter « une valeur ajoutée au pays et de doubler les échanges interafricains », prônant, par là même,
l’exploitation optimale par les États africains des ressources disponibles et des potentialités pour créer une véritable intégration économique.
D’après Le ministre algérien du Commerce et de la Promotion des Exportations, Tayeb Zitouni, l’adhésion de l’Algérie à cette initiative permettra d’accroitre les exportations illustrant ainsi :
l’intérêt majeur qu’accorde le Gouvernement pour réaliser la complémentarité continentale, une des priorités majeures de l’Algérie.
Le rôle crucial de l’Africa Investment Forum
L’Africa Investment Forum est une plateforme multipartite axée sur la conclusion d’accords à l’échelle continentale et la facilitation de projets entre les promoteurs, les décideurs politiques et les investisseurs. En incluant cette édition, l’AIF a suscité au total près de 180 milliards de dollars d’intérêts d’investissement depuis son lancement en 2018.
Nous construisons une formidable puissance autour des investissements en Afrique, qui aura un impact transformateur sur la vie des gens. C’est la raison d’être de l’Africa Investment Forum : investir pour améliorer des vies,
s’est exprimé le président du Groupe de la Banque Africaine de Développement, et président de l’Africa Investment Forum, M. Akinwumi Adesina. L’Africa Investment Forum est la principale plateforme africaine permettant de faire progresser les transactions vers la clôture financière. Son événement appelé Market Days, qui se tient chaque année, comprend des sessions de boardrooms qui présentent aux investisseurs des milliards de dollars de transactions dans les secteurs de l’agroalimentaire, des transports et de l’énergie, entre autres secteurs vitaux.
Les « Market days », activité prometteuse de l‘Africa Investment Forum
Dans la dynamique de faciliter les échanges entre pays africains et promouvoir les investissements dans le continent, les Market Days 2023 de l’Africa Investment Forum (AIF) ont suscité 34,82 milliards de dollars d’intérêts d’investissement pour des projets dans les infrastructures, l’agriculture, les soins de santé et les industries créatives. L’événement mondial de trois jours, dont le thème était « Débloquer les chaînes de valeur de l’Afrique » a attiré plus de 1 000 délégués à Marrakech au Maroc, provenant de plus de 60 pays.
Les Market Days ont joué aussi un rôle dans la négociation de plusieurs contrats ferroviaires. À titre d’exemple, lors des Market Days 2019, qui se sont tenus à Johannesburg, Afreximbank et Thelo DB ont signé un protocole d’accord pour développer, financer et exploiter des projets ferroviaires à travers l’Afrique. Afreximbank est l’un des partenaires fondateurs de l’Africa Investment Forum. Thelo DB est un partenariat entre Thelo Ventures (Afrique du Sud) et la Deutsche Bahn Engineering & Consulting (Allemagne). En outre, Afreximbank et Thelo étaient parties à un accord conclu en août 2022 avec le gouvernement ghanéen pour moderniser la Western Rail Line (ligne ferroviaire de l’ouest) du pays et accroître son trafic voyageur et marchandises.
Dans le cadre de ce projet, Afreximbank assurera le financement du développement d’un tronçon de près de 300 km de cette ligne (reliant l’ouest du pays au port de Takoradi) et Thelo, la gestion de l’infrastructure ferroviaire. Lors des Market Days 2022 de l’Africa Investment Forum à Abidjan (Côte d’Ivoire), la mobilisation des ressources pour les systèmes de transport ferroviaire par le biais de partenariats public-privé a été également un élément important des discussions. Face aux besoins toujours croissants des pays africains dans de nombreux secteurs, les marchés de capitaux jouent un rôle essentiel dans la mobilisation des investissements sur le continent. Pour cela des activités à l’image des Markets Days devraient être multipliées partout dans le continent.
D’immenses gains pour les pays ayant un score élevé sur l’Indice de facilité d’obtention de visa
Le rapport d’orientation du protocole sur la libre circulation des personnes, résultat d’une étude conjointe de la Commission de l’Union africaine (CUA) et de la CEA fournit des preuves que les pays qui obtiennent un score élevé sur l’indice de facilité d’obtention de visa (Visa Openness Index) ont réalisé des gains dans le commerce, le tourisme et l’emploi. Par exemple, les Seychelles ont enregistré une augmentation annuelle de 7% du tourisme international entre 2009 et 2014, grâce à l’accès sans visa sur leur territoire à tous les Africains.
Au Kenya, le président de la République William Ruto, a annoncé le 12 décembre 2023 la suppression de l’obligation de présenter un visa pour entrer dans le pays. La mesure sera effective dès le mois de janvier 2024. Il faudra désormais s’enregistrer auparavant sur une plateforme en ligne pour obtenir une autorisation. Les détails de la démarche et les justificatifs demandés n’ont pas encore été détaillés. Pour Oliver Konje, directeur du commerce international, au Département d’État du Commerce et de l’Entreprise du Kenya, la libre circulation des personnes
stimule le tourisme, atténue la pression démographique dans les pays d’origine et augmente les échanges culturels au niveau sous-régional.
Actuellement en Afrique, seuls les Seychelles, la Gambie, le Bénin et le Rwanda ne demandent pas de visas pour traverser leurs frontières, a-t-on appris sur le site web Franceinfo.
La nécessité pour l’Afrique de commercer avec elle
En Afrique, les chaines d’approvisionnement sont très longues. Plusieurs États s’approvisionnent à de longues distances. Le cas d’espèce du Gabon qui importe de la viande en Argentine à plus de 8500 Km de distance alors que le Tchad situé à près de 2000 Km de ce pays en est un grand producteur mondial. Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres sur le continent.
Outre le commerce de produits agroalimentaires, la Banque Mondiale pense que la région doit impérativement améliorer l’intégration physique, avec le développement d’infrastructures transfrontalières pour l’énergie et les transports, et d’infrastructures de connexion, par exemple ; renforcer la coopération politique, ce qui suppose notamment l’harmonisation des règles et procédures douanières ; et faciliter l’intégration commerciale, par la mise en place de systèmes électroniques pour les règlements et le suivi du fret ou encore par l’assouplissement des restrictions sur le commerce des services.
Le corridor Yaoundé-Brazzaville pour briser les frontières en Afrique centrale
Les facteurs de l’implémentation de la ZLECAF sont d’ores et déjà observables. Au cœur de l’Afrique, une infrastructure routière toute neuve relie le Cameroun au Congo. La capitale camerounaise, Yaoundé, n’est plus qu’à 7 heures de route de la frontière congolaise, alors qu’il fallait, par le passé, jusqu’à 4 jours pour effectuer le même trajet. Cela est devenu possible, en effet, depuis le 22 décembre 2021, date à laquelle le ministre des Travaux publics du Cameroun, Emmanuel Nganou Djoumessi, a inauguré les chaînons manquants, côté Cameroun, de la route Sangmelima-Ouesso, reliant les deux pays.
Les chainons du coté congolais étant prêts bien longtemps avant. L’ouvrage est aux normes internationales, avec des stations de pesages et des aires de repos pour les transporteurs. Lors de la cérémonie d’inauguration cette route, le préfet de la Sangha, Gilbert Mouanda-Mouanda représentant du ministre congolais de l’Aménagement du Territoire, des Infrastructures et de l’Entretien Routier Jean-Jacques Bouya a expliqué à la presse que
Le désenclavement de cette zone favorise le développement économique avec non seulement, l’écoulement des produits agricoles, mais également, facilite les déplacements entre les villes de Djoum et de Mintom ainsi que la circulation des poids-lourds venant du Congo-Brazzaville pour écouler leurs marchandises au port de Douala.
Cet axe permet le désenclavement et favorise le déclenchement d’un dynamisme économique dans la zone concernée. En facilitant la circulation des transporteurs en provenance du Congo Brazzaville venus écouler leurs marchandises au port de Douala, l’infrastructure participe également à la promotion de la production du riz, entre autres cultures. Elle est le corridor qui traverse plusieurs villes d’Afrique et facilitera de plus près l’intégration régionale dans l’espace Cémac constitué de six États : Cameroun, Gabon, Tchad, Centrafrique, Congo et Guinée équatoriale, écrit le bi-hebdomadaire congolais La Semaine Africaine.
Le corridor Yaoundé-Brazzaville a coûté environ 354 millions de dollars US (205,1 milliards de francs CFA). Les travaux ont été réalisés grâce aux financements mobilisés par des bailleurs de fonds tels que la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), la Banque islamique de développement (BID), la Banque africaine de développement (BAD), le Fonds saoudien de développement, le Fonds koweïtien et les deux États concernés par le projet. Somme toute, le moment est venu pour l’Afrique de se propulser sur le marché mondial et d’y occuper une place de premier plan. Mais aussi d’entreprendre des réformes audacieuses pour lui permettre de remporter la course contre la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie de tous ses habitants.