Le Président de la République islamique d’Iran (RII) a regagné Téhéran jeudi, au terme d’une visite de trois jours sur le continent africain. Une tournée qualifiée d’historique, qui a débutée mardi, 11 juillet 2023, et qui a conduit l’ayatollah Sayyid Ebrahim Raïssi tour à tour au Kenya, en Ouganda et au Zimbabwe.
Le chef de l’Etat iranien était accompagné d’une délégation de haut niveau composée majoritairement d’entrepreneurs et d’hommes d’affaires intéressés par le marché africain et les multiples opportunités qu’offre le continent. Parmi ladite délégation, figuraient des représentants de la Société industrielle iranienne de fabrication de tracteurs, tous du service des exportations de la firme.
Au cours de sa tournée régionale en Afrique de l’Est, le chef de l’Etat iranien et ses homologues ont procédé à la signature d’accords liant désormais l’Etat du Moyen-Orient aux trois pays visités.
Au total, ce sont quelque 21 mémorandums qui ont été paraphés lors du séjour du président Raïssi à Nairobi, à Kampala et à Harare. Les domaines concernés par ces accords sont les technologies de l’information et de la communication (TIC), la culture et la communication, le logement et le développement urbain, les formations techniques et professionnelles.
Le bénéficiaire de ces investissements est le Kenya, première étape de la tournée du dirigeant iranien en terre africaine. L’Iran a l’expérience dans la préservation du patrimoine culturel et va la partager avec le Kenya. La coopération entre le pays de William Ruto et l’Iran touche également le secteur des équipements médicaux et de l’approvisionnement en médicaments.
Une bonne nouvelle dans un continent en proie aux pandémies de toutes sortes, et où l’accès aux médicaments et aux génériques demeure problématique.
L’Ouganda est allé plus loin dans sa coopération avec l’Iran en signant un accord d’exemption de visa et en créant une Commission conjointe permanente chargée probablement du suivi des accords.
Aujourd’hui, le Bureau de la technologie en Ouganda commencera ses travaux et les produits issus des sociétés à forte intensité de l’Iran seront exposés, et de cette façon Téhéran développe la coopération scientifique avec Kampala,
a affirmé mercredi Ebrahim Raïssi, de passage dans la capitale ougandaise. L’Iran possède 10% des réserves pétrolières prouvées du monde (11,5% des réserves mondiales de pétrole conventionnel, avec 137 milliards de barils), tout juste derrière l’Arabie Saoudite, et c’est sans doute fort de ces atouts, qu’il compte mettre son expérience au profit du Kenya, dans le domaine de la pétrochimie notamment.
Le pays possède par ailleurs les deuxièmes réserves mondiales de gaz derrière la Russie, avec 26,7 trillions de mètres cubes soit 15% des réserves mondiales. C’est le second exportateur de l’Opep et le 4ème exportateur mondial de pétrole.
Union sacrée des pays subissant les sanctions de l’Occident
Mais l’une des retombées les plus pertinentes et significatives de cette tournée du numéro un iranien concerne les secteurs de l’agriculture, l’élevage et la pêche. Les trois pays vont bénéficier de l’expérience iranienne dans ces filières d’activité.
A Harare, où l’homme d’Etat iranien a bouclé son séjour en terre africaine, la visite de la délégation qui l’accompagnait a été marquée par des annonces fortes y afférentes, qui laissent poindre plus d’optimisme.
Les émissaires du Président directeur général de la Société industrielle iranienne de fabrication de tracteurs avaient en effet la mission de préparer un document commun sous la forme d’un protocole d’accord que les deux parties devaient ensuite parapher au cours de la visite du président Raïssi dans la capitale zimbabwéenne. Ce qui a été fait.
Le protocole porte sur la construction d’une usine d’assemblage de tracteurs au pays de Robert Gabriel Mugabe et de son successeur Emerson Dambudzo Mnangagwa, qui souhaite d’ailleurs une union sacrée des pays subissant les sanctions de l’Occident.
D’après le site de l’agence d’information officielle iranien Irna, la partie zimbabwéenne a souhaité le transfert de technologie suivi de la mise en place de l’unité d’assemblage. Une idée saluée par les Iraniens, qui ont souhaité une plus grande coopération de leurs partenaires du pays hôte.
Rapportant les propos du PDG de la société iranienne confirmant ces tractations, l’agence publique Irna souligne que la délégation iranienne, quant à elle, a déclaré qu’elle va dans un premier temps fournir au moins 200 types de tracteurs au cours de la première année de l’exécution du partenariat, et la mise en place de l’usine de production suivra.
La finalité est de soutenir la mécanisation de l’agriculture dans ce pays qui, comme l’Iran, souffre des effets de l’embargo imposé depuis une vingtaine d’années par les pays occidentaux, à la suite de leurs démêlés avec feu le président Mugabe. L’Iran produit environ 18 000 tracteurs chaque année, dont près de 80% sont destinés au marché intérieur pour développer la production agricole du pays et anticiper les risques de famine.
Une usine d’assemblage automobile
Dans le cadre de sa coopération économique et commerciale avec l’Afrique de l’Est, le pays d’Ebrahim Raïssi envisage par ailleurs la mise en place d’une usine d’assemblage de voitures de marque iranienne à Nairobi.
Cela faisait onze ans qu’un haut dirigeant iranien ne s’était plus rendu sur le continent noir. La version officielle de Téhéran indique que la visite du président Raïssi fait suite à l’invitation de ses trois homologues africains.
Ces pays sont très intéressés à travailler avec la République Islamique d’Iran,
a déclaré au départ de Téhéran, mardi, le Président Raïssi, cité par l’agence de presse officielle de son pays. L’intérêt du pays de l’ayatollah Ali Khamenei pour l’Afrique n’est pas un fait de hasard. Il se justifie par des motivations géostratégiques.
Depuis le retrait américain des accords sur le nucléaire iranien, en effet, l’Iran subit de plein fouet les affres des sanctions sévères imposées par l’Occident pour contraindre le régime de Téhéran à faire marche arrière par rapport à son programme nucléaire. Cette situation a porté un coup dur à l’économie du pays, dont la croissance a néanmoins évolué de 3,3% en 2020 à 4,7% en 2021 et devrait se stabiliser à 2% en 2023 et 2024, en dépit de l’énorme potentiel du pays.
En plus de ces sanctions économiques, l’image du pays est à la peine sur la scène internationale. L’Iran est souvent accusé de soutenir des mouvements terroristes dans la péninsule arabique. La proximité affichée de Téhéran avec la rébellion houthie du Yémen en est une illustration.
La saisie de la perche par le Président Raïssi participe dès lors d’une stratégie de positionnement, mais aussi de reconquête de parts de marchés pour se refaire une santé au plan économique notamment. Surtout que cette visite intervient dans un contexte où l’Afrique est l’objet de toutes les convoitises de la part des puissances industrielles. Même certains pays de la région du Moyen-Orient jadis réservés, sont aujourd’hui lancés dans cette offensive.
C’est le cas du Qatar qui, emboîtant le pas à l’Arabie Saoudite depuis quatre ans, multiplie des initiatives d’offensive diplomatique matérialisées par la signature des accords avec plusieurs pays, plus particulièrement dans les secteurs du transport aérien et de l’hôtellerie et du sport.