Face à la situation critique du secteur de l’énergie camerounais et aux perturbations de la fourniture en énergie électrique dans le Réseau Interconnecté Sud (RIS), le gouvernement camerounais a choisi l’option du dialogue. C’est dans le but d’apaiser les esprits et rassurer le secteur privé mais aussi les ménages, que le ministre de l’Eau et de l’Energie de ce pays, Gaston Eloundou Essomba, s’est déplacé à Douala, la capitale économique du Cameroun, jeudi 22 février 2024.
Dans le contexte actuel marqué par des perturbations de la fourniture en énergie électrique dans le Réseau Interconnecté Sud, il était de bon ton pour le Gouvernement, d’avoir un échange franc avec le patronat. En effet, ces perturbations font subir aux ménages des délestages à certaines heures de la journée et obligent certaines grandes industries à se retirer du réseau pour réduire l’impact de ce déficit de production au niveau des ménages,
a reconnu, Gaston Eloundou Essomba, en déplacement à Douala pour plaider la bonne foi du gouvernement auprès du patronat. Une option d’apaisement jugée d’autant plus salutaire que, pour 86% des chefs d’entreprises, l’électricité demeure une faiblesse pour le secteur industriel camerounais, selon le président du Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam).
Le ministre de l’Eau et de l’Energie était en compagnie du DG d’Enéo Cameroun, Amine Homman Ludiye, du directeur général de la Nachtigal Hydro Power Company (NHPC), Vincent Leroux, des directeurs généraux d’Electricité du Cameroun (EDC), de la Kribi Power Development Company (KPDC) et de la Dibamba Power Development Company (DPDC), de la Société nationale de transport de l’électricité (Sonatrel) et de l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel).
Le gouvernement camerounais est conscient des préjudices que causent les coupures d’électricité aussi bien aux ménages qu’aux industries du pays. Les industries enregistrent par exemple une baisse considérable de leur productivité, non sans des manque à gagner sur leur rendement.
Une capacité installée totale de 1534 MW
Le parc de production actuel du pays est constitué de 62% d’hydroélecticité, 14% du thermique au gaz, 22% du thermique au fioul et 2% du solaire. La capacité de production installée, quant à elle, est estimée à 1534 MW dont 1359 MW dans le Réseau Interconnecté Sud pour une disponibilité d’environ 1200 MW. La production de ce réseau est principalement assurée par les centrales hydroélectriques et les centrales thermiques.
Même en prenant en compte le rendement des équipements, l’offre de production provenant de l’hydroélectricité associée au gaz est de l’ordre de 940 MW environ pour une demande en journée de 960 MW et en soirée de 1140 MW. Soit un déficit de 20 MW en journée et de 200 MW en soirée. La mise à contribution de l’ensemble des centrales thermiques au fioul (172 MW) pour résorber le déficit en soirée demeure insuffisante, note le ministre. Même avec la mise à contribution de l’ensemble des ouvrages de production hydroélectriques et thermiques, le RIS accuse un déficit de 20 MW.
Baisse du niveau d’eau dans le bassin du Ntem et le barrage de Memve’ele
A ce facteur, le ministre Gaston Eloundou Essomba ajoute les problèmes d’hydrologie dans le bassin du Ntem non régulé, liés au changement climatique, les difficultés d’approvisionnement en combustibles et les opérations de maintenance des centrales, toutes choses qui expliquent que le RIS enregistre un déficit allant à plus de 180 MW.
A cause de la baisse de l’hydrologie, le barrage de Memve’ele a connu une baisse drastique de la production passant de 200 MW en décembre 2023 à 35 MW soit un déficit de près de 170 MW, d’où les délestages et rationnements observés dans le RIS.
Il n’y a pas d’eau, on ne peut pas produire plus : 170 MW de déficit pour un système qui accuse déjà un déficit même en période d’hydrologie normale. Vous comprenez donc que la situation soit devenue critique. C’est ce qui fait que le volume des délestages il est beaucoup plus important,
a confié le ministre Gaston Eloundou Essomba aux médias. Ce à quoi, Enéo Cameroun SA, la société de production et distribution de l’électricité, ajoute le poids de la dette des entités publiques. L’opérateur a besoin dans l’urgence de 29,6 millions de dollars (18 milliards de Francs CFA), ainsi que l’a réitéré son directeur général. Il y a également la vétusté des équipements de transport qui cause des pertes techniques se chiffrant à 25%, selon le DG d’Enéo. Les pertes dues aux comportements non citoyens, elles, sont de l’ordre de 15%.
Des investissements colossaux à effectuer
Selon le ministre de l’Eau et de l’Energie, la mise en service complète d’ici la fin de l’année, du barrage de Nachtigal, d’une capacité totale de 420 MW, devrait réduire considérablement le déficit actuel.
Le gouvernement avait anticipé. On attendait au moins deux machines de Nachtigal en production au moment où je parle. Malheureusement il y a eu des contraintes, le COVID, et bien d’autres contraintes techniques qui ont fait que ce calendrier a décalé. J’ai pris le soin de venir avec le directeur général de Nachtigal pour qu’il vienne lui-même dire quel est le nouveau calendrier, et il nous a rassurés que la synchronisation se fera au mois de mars. Donc Nachtigal va effectivement injecter, au mois de mars, les premiers mégawatts. Avec l’arrivée donc de Nachtigal et l’amélioration de l’hydrologie qui est prévue vers la deuxième quinzaine du mois de mars, on entrevoit une amélioration de la situation avant la fin du mois de mars.
Parmi les mesures envisagées pour le moment, il y a l’optimisation de la production des ouvrages, des barrages existants, et la mise à disponibilité de combustibles pour faire fonctionner en base 24h/24 les centrales thermiques très avares en combustibles. Une vingtaine de milliards de F CFA vont être mobilisés pour installer de nouveaux équipements (transformateurs) et stabiliser la fourniture d’électricité dans la très stratégique ville de Douala, pour ne prendre que cet exemple. Il faut souligner que, de 2010 à 2024, le Cameroun a mobilisé plus 4,9 milliards USD (3000 milliards de FCFA) pour moderniser le service d’électricité, selon le ministre de l’Eau et de l’Energie.
Les attentes du secteur privé et même des ménages en matière d’énergie sont connues : il s’agit d’avoir l’énergie en quantité, en qualité et en coût. Ces trois données aujourd’hui ne sont pas observées. Au terme de cette rencontre, les industriels sont rassurés, ont une meilleure perspective parce que l’entreprise a besoin de visibilité. Le rendez-vous est pris pour le mois de mars pour qu’on puisse avoir une amélioration visible, palpable au niveau des entreprises mais aussi au niveau des ménages. Nous sommes rassurés par cet effort de transparence, de disponibilité et de faire en sorte que tous les investissements qui sont faits depuis presque 15 ans par le chef de l’État et mis en œuvre par le gouvernement sont une réalité,
s’est félicité, au terme des échanges le président du Gecam, Célestin Tawamba.