Mercredi 24 avril, les rideaux sont tombés sur la 5ème Conférence mondiale sur le cacao (World Cocoa Conference en abrégé WCC), dont les travaux ont été ouverts le 21 avril dernier au centre de conférence The Square à Bruxelles en Belgique par la reine Matilde. La conférence organisée conjointement par le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement et l’Organisation internationale du cacao (International Cocoa Organization, ICCO) s’est penchée sur le thème « Payer pour un cacao plus durable ».
Les débats houleux ont regroupé, autour d’une même table, la quasi-totalité des acteurs et autres parties prenantes de la chaîne de valeur du cacao. Qu’il s’agisse des producteurs, des distributeurs, des industriels (les chocolatiers) ou des négociants, mais aussi des coopératives, des ONG et des gouvernements des pays engagés dans ce processus de paiement de cacao durable.
Mais la grande curiosité est, selon nos confrères de RFI, la fin de non-recevoir opposée à l’ICCO par certains majors de la filière cacao, relativement aux orientations données à cette 5ème conférence. Les multinationales partisanes du boycott ont en effet signifié aux organisateurs, leur difficulté à se rallier autour du slogan « Payer pour un cacao plus durable », refusant de ce fait leur contribution financière à l’organisation de cet événement. Notre confrère nous apprend que ceux ayant accepté ce sponsoring, ne l’ont fait qu’à minima, en priant l’ICCO et compagnie de ne pas faire mention de leur participation financière.
Des réticences qui traduisent les difficultés qu’éprouvent ces grands groupes mondiaux « à s’engager publiquement à payer plus les planteurs ». Pourquoi ? Sans doute parce que les conditions fixées par le Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des sols (REUD), publié en juin 2023 dans le Journal officiel de l’Union européenne, semblent plus que contraignantes.
Le règlement en question devrait entrer en vigueur fin décembre 2024 ou en 2025. Il interdit les importations des denrées alimentaires (bœuf) et de certains produits agricoles (cacao, café, soja, etc.) en provenance des terres déboisées. Or, dans un contexte où les cours mondiaux connaissent une envolée sans précédent, que ce soit à New-York où ils ont atteint la barre de 12 000 dollars, ou à Londres où ce produit de base est acheté à 10 000 livres, ces majors verraient d’un mauvais œil que d’autres conditions plus drastiques leur soient imposées.
Produire sans détruire la forêt et l’environnement
Parmi celles-ci, l’on peut énumérer la prise en compte des coûts environnementaux et sociaux, le rôle particulier des femmes, l’intérêt de la microfinance, le reboisement et l’agroforesterie, ou encore l’importance de la protection sociale.
Le texte met aussi l’accent sur l’interconnexion entre le problème de la pauvreté et ses conséquences, telles que la déforestation et le travail des enfants, et appelle à la mise en place d’un cadre juridique spécifique en matière d’environnement et de droits humains pour les entreprises du secteur. Enfin, un mécanisme de suivi de la mise en œuvre des engagements consacrés par la Déclaration sera mis en place par l’ICCO,
lit-on sur le site web de SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement (belgium.be). La diplomatie belge se satisfait néanmoins
d’avoir contribué de façon significative au succès de cette conférence et aux nouveaux engagements qui en découleront pour les acteurs de l’économie cacaoyère en vue d’obtenir un cacao durable, avec un prix juste tout au long de sa chaîne de valeur.
L’engagement en question a été pris presque du bout des lèvres par les 52 pays membres de l’ICCO, qui ont salué l’accord de principe autour du texte que seraient appelés à observer les parties prenantes dans les années futures. Il reste que l’Union européenne et certains Etats membres de l’ICCO devront finaliser les processus décisionnels internes propres à chacune de ces institutions. C’est le préalable à la prise d’effet de la future « Déclaration de Bruxelles ».
Au moment où se referme la conférence de Bruxelles, la question prégnante de savoir qui va payer pour une fève cultivée dans le respect des normes environnementales et la préservation des espaces forestiers, reste sans réponse. Tout comme celle du paiement décent des cacaoculteurs.
Le directeur exécutif de l’ICCO, Michel Arrion a déploré à Bruxelles le fait que personne ne soit disposé à partager sa marge. Ce alors même que le planteur, dont la marge demeure la plus petite, ne peut pas supporter les coûts de la traçabilité exigée par la nouvelle réglementation européenne, ont estimé les représentants de la Côte d’Ivoire, premier fournisseur mondial de fèves. Ce pays a appelé les uns et les autres à plus de responsabilité. La Côte d’Ivoire avait accueilli la première édition de cette conférence en 2012.