La consommation de blé ne cesse d’augmenter dans le continent africain, tirée par le développement rapide des métropoles. Ce qui fait du blé, la seconde céréale la plus consommée en Afrique, derrière le maïs. Les pays africains, confrontés pour beaucoup à une forte inflation et à une difficulté croissante à nourrir leur population, importent une grande partie de leurs céréales de l’extérieur du continent. En face, Ukraine et Russie figurent parmi les principaux exportateurs mondiaux de blé, d’orge ou de maïs. La Banque africaine de développement (BAD) a estimé qu’en 2020, quinze pays africains sur cinquante-quatre achetaient plus de la moitié de leur blé auprès de l’un de ces deux pays.
Le volume absorbé par le continent a ainsi augmenté de plus de 10 millions de tonnes entre 2013 et 2021, passant d’environ 69 millions de tonnes à 80 millions de tonnes, soit 10% de la consommation mondiale. Sur le continent, les achats de blés sont pour l’essentiel effectués par les pays d’Afrique du Nord où la céréale constitue la principale denrée de base des populations. Sous l’impulsion de l’Égypte, l’Algérie et le Maroc, les trois plus gros consommateurs du continent, la région a absorbé 47 millions de tonnes de la céréale en 2021/2022, soit quasiment 60% du stock total du continent. Le blé occupe la seconde place dans le classement des principales graminées consommées en Afrique du Sud, au Kenya et en Éthiopie, derrière le maïs.
Le continent est aujourd’hui dépendant à hauteur de près de 60% des approvisionnements extérieurs en blé, ce qui en fait la première zone d’importation mondiale avec plus de 50 millions de tonnes chaque année. De ce fait, le blé est devenu le premier produit alimentaire acheté par l’Afrique sur le marché mondial avec une enveloppe annuelle de 11,6 milliards de dollars déboursée en moyenne sur la période 2018-2020, principalement au profit des pays de la mer Noire, de l’Union européenne, des États-Unis et du Canada.
Des importations attendues à 55,6 millions de tonnes en 2024/2025
C’est ce qu’estime la FAO dans son rapport bisannuel sur « les Perspectives de l’alimentation » publié le 13 juin dernier. Le stock annoncé traduirait une hausse de 2,2 %, soit 1,2 million de tonnes de plus que l’année précédente (54,4 millions de tonnes). D’après l’organisme onusien, l’essentiel de cette hausse est soutenu par la croissance de la demande au Maroc. En effet, les achats marocains de blé devraient grimper de 19 % d’une année sur l’autre pour s’établir à 7,5 millions de tonnes. En dehors du Maroc, l’Égypte, premier importateur mondial de blé, devrait enregistrer une légère croissance de près de 1,6 % de ses achats de la céréale pour atteindre 12,2 millions de tonnes. Alors que le conflit russo-ukrainien a révélé l’ampleur de la dépendance du continent aux importations de blé, des alternatives existent pour inverser la tendance.
Remplacer le blé par des productions locales
La géopolitique du blé est devenue un élément essentiel à prendre en considération. Alors, pour réduire la dépendance africaine au blé des pays du nord, il faut tout d’abord augmenter la production locale de blé. Ce qui requiert des investissements massifs pour assurer une croissance des rendements et des superficies cultivées, dans la perspective d’une intensification à travers l’utilisation d’intrants, de meilleures pratiques agricoles, l’accès à des variétés résistantes et l’adoption de nouvelles technologies.
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La deuxième option pour l’Afrique, reste la substitution du blé importé non pas avec un blé qui serait produit localement, mais plutôt par des farines produites à base de denrées locales comme les tubercules (manioc), les céréales dites indigènes (sorgho, le mil, fonio etc.), les légumineuses (niébé) ou encore des fruits tels que la banane plantain. Pouvant être mélangés avec la farine de blé commerciale pour former des farines composites utilisées en boulangerie artisanale ou semi-industrielle, ces produits alimentaires ont été de tout temps la base de l’alimentation des populations africaines.
Les initiatives émanant des gouvernements et du secteur privé se multiplient dans certains pays, dont le Cameroun avec la politique de l’import-substitution, le Nigeria, la RDC, le Burkina Faso etc.., depuis la flambée des cours du blé provoquée par la guerre en Ukraine.
L’insécurité alimentaire liée à la hausse des prix des céréales importées, des coûts du transport et de l’énergie remet en question des modèles alimentaires. Pour réduire cette dépendance par rapport aux importations, il faut augmenter l’efficacité des circuits d’acheminement aux consommateurs et favoriser les circuits courts. En consommant local, on réduit aussi l’impact de la hausse des coûts du transport.