Brice Clotaire Oligui Nguema, le président de la Transition du Gabon a reçu ce 24 juillet, à Libreville, l’homme d’affaires et milliardaire Nigérian, Aliko Dangote. Celui-ci a présenté son offre et envisage désormais
d’investir au Gabon (…) avec pour objectif de contribuer à la diversification économique et aux efforts d’industrialisation du pays.
Le ciment a été vite présenté comme l’enjeu central de cette rencontre, d’après nos confrères de gabonmediatime.com :
Pressenti dès 2020 pour investir dans le ciment au Gabon avec un projet à 75 millions de dollars soit plus de 45 milliards de FCFA, Aliko Dangote (…), n’a finalement pas su casser le verrou du régime Ali Bongo Ondimba. Son usine d’une capacité de production de 3 000 tonnes de ciment par jour, aurait permis de réduire le coût de ce matériau tout en comblant l’écart de production de ciment dans le pays. C’est finalement sous le régime militaire qu’il pourrait obtenir gain de cause,
notent nos confrères.
Réduction des coûts de transport et de logistique
En fait, l’or noir est le cœur de cible de cette entrevue entre le président de la Transition au Gabon et l’homme d’affaires milliardaire nigérian. Depuis son inauguration en grande pompe à Lekki, dans la banlieue de Lagos en mai 2023, Dangote Oil Refinery qui devait produire jusqu’à 650 000 barils/jour d’essence, gasoil et kérosène, n’en produit que la moitié un peu plus d’un an après. Aliko Dangote n’a d’autres choix que de trouver du pétrole brut.
Le Gabon est septième producteur africain de pétrole brut et sa proximité géographique avec le Nigeria serait un atout dans l’optique d’une réduction des coûts de transport et de logistique. Le pays trouverait ainsi un débouché sûr, viable et régulier à ses 50000 barils/jour de pétrole brut produits.
Dans la foulée de la rencontre entre le président de la Transition au Gabon et l’homme d’affaires milliardaire nigérian, « Des discussions sont en cours avec la Libye », déclarait le week-end du 20 juillet dernier le vice-président de la société Dangote, à l’agence de presse Reuters. Devakumar Edwin évoque aussi l’Angola et peut-être d’autres pays africains pour se ravitailler en pétrole brut. Dans une interview accordée à la presse nigériane le 13 juillet dernier, Aliko Dangote a confirmé des pourparlers avec la Libye et l’Angola et a annoncé des pourparlers avec le Sénégal pour garantir le ravitaillement en pétrole brut de sa raffinerie :
Nous allons commencer à importer du pétrole brut des pays africains. Vous savez, pour le pétrole brut, il faut réserver deux mois à l’avance. Nous importerons de ces pays africains,
a souligné, résolu, le milliardaire nigérian.
L’option nigériane de ravitaillement de la gigantesque raffinerie est inopérante
L’Angola et la Libye sont deux grands producteurs de pétrole brut sur le continent africain. L’Angola, deuxième exportateur de pétrole brut d’Afrique, prévoit de maintenir sa production à 1,1 million de barils par jour (b/j) jusqu’en 2027 au moins. L’Angola a quitté l’OPEP en raison d’un différend sur son quota de production.
Avec ses 1,24 million de barils par jour (bpj) en mars, la libye est parvenu à ravir la première place des pays africains producteurs de pétrole, selon un rapport de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) paru en avril qui dévoile les quantités extraites par douze pays membres. Avant la guerre civile de 2011, Tripoli produisait plus d’1,5 million de barils de brut par jour. Près de 50 milliards de barils de pétrole se cachent dans le sous-sol libyen, faisant du pays la dixième réserve d’or noir au monde.
Le Sénégal fait partie de ce cercle de producteurs depuis juillet dernier avec l’entrée en production du gisement de Sangomar. La première phase d’exploitation du champ offshore de Sangomar vise une production de 100 000 barils par jour. La production de pétrole au Sénégal est destinée à l’exportation et à la consommation domestique. Elle sera toutefois loin d’atteindre les niveaux des géants mondiaux et africains.
Entre les 1,1 million de barils par jour (b/j) produits par l’Angola, 1,24 million de barils par jour (bpj) produits par la Libye, 100 000 barils par jour produits par le Sénégal et 50 000 barils par jours produits le Gabon, il y a là largement de quoi garantir un approvisionnement en pétrole brut à Dangote Oil Refinary. Reste d’ailleurs la possibilité du brut léger d’Arabie Saoudite, le tout pour plus de flexibilité en terme d’approvisionnement.
Réduire la dépendance du Nigeria aux importations de carburant
Ce qui n’a pas marché dans les plans, c’est l’option nigériane de ravitaillement de la gigantesque raffinerie, l’une des plus grandes d’Afrique dont la construction a coûté 20 milliards de dollars US, soit l’équivalent du PIB du Gabon. Cette option est pour le moment inopérante. Du fait de vols, détournements sur les oléoducs et autres manque d’investissement, Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), compagnie pétrolière nationale nigériane, se trouve dans l’incapacité de fournir à Dangote Oil Refinery les 300 000 barils de brut à raffiner par jour.
« Un paradoxe pour le pays présenté comme le premier producteur de pétrole d’Afrique. Après s’être tourné vers les États-Unis et le Brésil pour se fournir en brut, Dangote regarde à présent sur le continent africain », commente RFI. Bien que le Nigeria soit le premier (ou deuxième) producteur de pétrole brut d’Afrique et le quinzième au monde, aucune de ses raffineries publiques actuelles n’est opérationnelle.
Du coup, la raffinerie de Dangote est essentielle pour réduire la dépendance du Nigeria aux importations de carburant. Aliko Dangote promettait d’ailleurs de mettre fin à la dépendance du Nigeria aux importations de carburant étranger en répondant intégralement à la demande intérieure. Mieux, la raffinerie est capable d’assurer l’autosuffisance en carburant de toute l’Afrique de l’Ouest.