Il y a quelques semaines, deux anciens chefs d’Etat béninois, Nicephore Soglo et Boni Yayi ont été reçus à Niamey, dans le cadre de la crise à rebondissements qui oppose depuis quelques mois ce pays dirigé par des militaires et son voisin béninois.
A la suite des Chinois, les patriarches béninois s’étaient attelés à expliquer au régime militaire de Niamey, l’importance de la coopération bilatérale entre leurs deux pays, qui partagent des frontières communes, et entretiennent des relations économiques stratégiques et bénéfiques aux deux nations.
Autant le Niger a besoin du Bénin pour exporter ses ressources hydrocarbures, autant le Bénin devrait tirer d’importants revenus de ces exportations de son voisin de l’hinterland en termes de droit de transit sur son sol, toutes choses qui devraient impacter significativement les recettes douanières et celles de ses infrastructures portuaires, notamment celui de Sèmè-Kpodji. Ce dernier étant d’autant plus stratégique que c’est par là que transite le pétrole nigérien exploité depuis la plateforme d’Agadem (Sud-est du Niger), via un méga oléoduc nouvellement construit pour relier les deux pays.
La médiation des deux anciens hauts dirigeants béninois a finalement porté des fruits. Depuis le 20 août, les opérations de chargement du pétrole nigérien destiné à l’exportation ont repris au port de Sèmè-Kpodji. En effet, un navire (le second depuis l’inauguration du pipeline Agadem-Sèmè en novembre 2023) a quitté cette plateforme portuaire le mardi 20 août à destination de l’Empire du Milieu, selon des sources de RFI.
Arrivé dans les eaux béninoises depuis le 7 août, le tanker est reparti avec une cargaison d’un million de barils de pétrole en provenance du Niger. Les opérations de chargement ont été effectuées sous la vigilance des forces de sécurité béninoises, dont l’assistance et l’accompagnement avaient été sollicitées par Wapco Bénin.
Des bisbilles autour de la fermeture des frontières
En mai dernier, le Bénin avait autorisé le chargement d’un premier navire transportant le pétrole nigérien à destination de la Chine. La quantité embarquée était également d’un million de barils. La décision faisait suite à une visite de médiation effectuée par des responsables des ministres chinois des Affaires étrangères et de l’Energie, et des hauts cadres de la China National Petroleum Corporation (CNPC), qui a financé les travaux de construction de l’oléoduc reliant le champ pétrolifère d’Agadem au port béninois de Sèmè Kpodji.
Les émissaires du gouvernement chinois s’étaient entretenus le 27 juillet tour à tour avec le président Patrice Talon et avec les ministres béninois des Affaires étrangères et des Mines. Le ministre des Mines disait n’avoir aucun intérêt à nuire à Wapco (West African Gas Pipeline Company Limited), la société qui opère le pipeline long de 2000 km, dont un linéaire de 675 kilomètres en territoire béninois et les trois quarts de linéaire restant dans le territoire nigérien.
« Cette autorisation ponctuelle et provisoire ne saurait être une règle de conduite », avait cependant mis en garde le ministre béninois des Mines, Samou Seidou Adambi, brandissant la menace d’interrompre à nouveau les exportations, si Niamey ne consentait pas à ouvrir ses frontières avec le Benin.
Ces frontières avaient été fermées à la suite des sanctions imposées par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), au lendemain du coup d’État militaire qui avait renversé le président Mohammed Bazoum en juillet 2023.
Un investissement colossal de 4,5 milliards de dollars
En dépit de la levée des sanctions de la Cedeao, le Niger avait maintenu ses frontières avec le Bénin fermées. Ce qui avait impacté la vie des Béninois, confrontés à une forte inflation, à la cherté de la vie, et finalement à des risques de famine ayant entraîné une grogne dans la capitale. Avec la reprise des exportations, assiste-t-on à un dégel définitif des relations entre les deux pays ? L’avenir nous le dira.
Le pipeline reliant Agadem au port de Sèmè-Kpodji est un investissement colossal de 4,5 milliards USD (2730 milliards de francs CFA), financé par la Chine via la société CNPC. Autant la Chine que le Niger et le Bénin ont un intérêt dans l’opérationnalisation de ce gigantesque projet. Surtout que la Chine a déjà octroyé au Niger, il y a quelques mois, un prêt de 400 millions de dollars qu’elle devra recouvrer grâce à l’exploitation de ce projet.