En mars dernier, à l’occasion du mois de la femme, qui culmine avec la célébration de la journée internationale dédiée à la gent féminine, Kate Kanyi Tometi Fotso résumait sa vision moderne des investissements dans les propos ci-après :
Nous devons changer de mentalité, être ouverts, ne pas rester dans une seule zone de l’Afrique, créer de vastes marchés et créer des opportunités.
La femme d’affaires camerounaise soulignait dès lors, mieux que jamais, l’importance de la diversification du portefeuille des investissements, dans un environnement mondial des affaires où la concurrence est rude, voire féroce, quel qu’en soit le secteur d’activité. La diversification tant vantée apparaît dès lors comme un garde-fou, mieux une précaution. Une planche de salut.
Sans doute Kate l’avait déjà compris, en septembre 2023, lorsqu’elle créait Bridge Riviera Development and Hospitalities PLC, une société dotée d’un capital de 169 048 dollars (100 millions de Fcfa). Cette nouvelle société basée à Douala, le siège des affaires, ambitionne de promouvoir l’hôtellerie de luxe, d’exploiter un hôtel de luxe et d’offrir des services d’hôtellerie de luxe connexes dans la capitale économique camerounaise et dans d’autres régions du pays.
Riviera Development and Hospitalities veut également développer la propriété foncière et d’autres infrastructures immobilières, d’entrepôts, de magasins, de centres commerciaux et de jardins, apprend-on. L’entrée de la milliardaire camerounaise dans le capital du très stratégique groupe bancaire panafricain Ecobank, participe du même souci de diversification des investissements.
En ce début de septembre 2024, un an après la création de la nouvelle entité ayant pour présidente directrice générale (PDG) Kate Fotso, cette philosophie continue d’animer la présidente fondatrice de Telcar Cocoa, le fleuron et pilier du groupe désormais en gestation. C’est cette entreprise, en effet, qui a porté cette native du Sud-Ouest Cameroun sur le podium africain des opérateurs économiques qui comptent sur le continent africain. Un cercle très fermé où les femmes sont plutôt rares.
Une fortune estimée à 252 millions de dollars (150 milliards de francs CFA)
Fin 2016, la fortune de la plus grande exportatrice camerounaise de fèves de cacao est estimée à 252 millions de dollars (150 milliards de F CFA), ce qui fait d’office d’elle l’une des femmes les plus riches et les plus influentes du continent et lui vaut d’être classée parmi les 30 premières fortunes de l’Afrique subsaharienne francophone, par le magazine Forbes Afrique. Kate Fotso est alors considérée comme la 20ème fortune d’Afrique noire francophone. Ce classement est confirmé dans l’édition de février-mars 2023 du magazine.
Ce plafonnement n’est pas le fruit du hasard, loin s’en faut. En 2011, en effet, Kate Fotso avait procédé, avec le concours de la Société financière internationale (SFI), une filiale du Fonds monétaire international (FMI), au lancement d’un programme de certification baptisé Coop Academy (en français, Académie des coopératives).
Ce programme auquel ont adhéré près de 30 000 producteurs du pays, a non seulement permis de former les principaux acteurs (producteurs et négociants) de la filière de fève brune camerounais, mais aussi, d’améliorer la qualité de la production locale, ainsi que sa compétitivité sur le marché international. Toutes choses ayant permis d’attirer les investissements de la SFI, ainsi que l’importation de près de 30% du cacao camerounais par l’Américain Cargill.
Sa casquette de présidente du Syndicat des exportateurs camerounais de cacao, a largement contribué à l’organisation des acteurs de la filière en coopératives, ainsi qu’à l’atteinte des objectifs de labellisation du cacao camerounais. D’ailleurs, dans le cadre du même programme, la firme Telcar Cocoa, qui opère depuis une trentaine d’années dans le rude paysage des affaires camerounais, a distribué des primes de plus de 25,3 millions USD (15 milliards de FCFA) aux producteurs de cacao certifiés durant les campagnes cacaoyères de 2014 à 2016, devenant de facto le principal sponsor du cacao certifié dans son pays.
Un partenariat solide avec le trader agricole américain Cargill
Au cours de la même campagne cacaoyère 2015-2016, Telcar Cocoa avait exporté 48 000 tonnes de fèves brunes, soit 30% du volume global des exportations du cacao camerounais. Au terme de la campagne 2022-2023, ce ratio atteint 35,8% sur un volume total des exportations nationales évalué à 186 754 tonnes, selon les chiffres communiqués par l’Office national du cacao et du café (ONCC).
Ces performances ont permis à l’entreprise camerounaise Telcar Cocoa de se positionner comme l’un des principaux interlocuteurs et négociants de la firme américaine Cargill, réputée dans le négoce agricole, et dont Kate Fotso est désormais un des partenaires de choix.
Autant de prouesses qui ont également valu à l’entrepreneure et milliardaire camerounaise d’être surnommée la « dame de fer du secteur de l’or brun » (« the iron lady ») au Cameroun. Ces atouts ont en outre convaincu le président de la République Paul Biya à nommer Kate Fotso, pour représenter les exportateurs de cacao camerounais au conseil d’administration du Port autonome de Kribi (PAK).
Femme discrète, mais toujours écoutée
Lorsqu’elle prend publiquement la parole, au Gicam ou ailleurs, à l’occasion des événements économiques, Kate Fotso est toujours écoutée avec une grande attention. Sa discrétion et sa très grande réserve, doublées de circonspection (plutôt que la méfiance), justifient peut-être cet aura qui lui colle tellement à la peau. C’est que la PDG de Telcar Cocoa communique rarement, parle très peu d’elle, qu’il s’agisse de son parcours académique ou de ses affaires, pour n’évoquer que ces aspects de sa vie. Nos confrères de Jeune Afrique en savent d’ailleurs quelque chose :
Je ne parlerai pas de moi. Je ne donne pas d’interview. Je n’ai jamais voulu me placer sous les projecteurs. Vous êtes libre d’écrire votre article mais je ne vous y aiderai pas,
répondait-elle à un reporter de ce journal, il y a deux ans. Jadis mariée au défunt fondateur du Groupe Taf Investment, André Fotso, décédé le 02 août 2016 alors qu’il venait d’entamer son second mandat à la présidence du Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam), le principal patronat camerounais d’alors, devenu le Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam), Kate Fotso s’est vu décerner, en 2019, le trophée de la toute première édition de l’initiative Stand UP For African Women Entrepreneurs (Sufawe) par le groupe bancaire marocain Attijariwafa Bank et sa filiale camerounaise SCB Cameroun en qualité de meilleure entrepreneure africaine de l’année.
Même ce octobre-là, à Douala, elle ne déroge pas à son habituelle sobriété quand elle reçoit son trophée et le parchemin. L’année suivante, elle est nommée personnalité économique de l’année au cours de la première édition des CamerounWeb Awards.