Les réserves prouvées de pétrole au Kenya sont actuellement évaluées à environ 750 millions de barils, principalement concentrées dans le champ de Turkana, découvert en 2012 par Tullow Oil. Cependant, la production reste modeste, avec seulement 2 000 barils par jour en 2023, selon les données de la compagnie nationale Upstream Petroleum Regulatory Authority (UPRA). Ce faible volume s’explique par des défis logistiques, notamment l’absence d’oléoducs performants et des coûts d’extraction élevés. Pourtant, le gouvernement mise sur un doublement de la production, cette année 2025, grâce au projet d’oléoduc de Lokichar à Lamu (LAPSSET), dont la première phase devrait bientôt être opérationnelle.
Le Kenya mise particulièrement sur le gisement South Lokichar, exploité par le britannique Tullow Oil, pour asseoir ses ambitions pétrolières. Ce projet, budgétisé à 3,4 milliards USD, représente la pierre angulaire de la stratégie kényane avec des réserves estimées à 585 millions de barils, et une production potentielle de 120 000 barils/jour. Pourtant, sa concrétisation tarde : le gouvernement a rejeté en 2024 le plan de développement présenté par Tullow, créant une incertitude persistante autour de ce projet clé. Selon le gouvernement kenyan, les négociations se poursuivent sur les termes d’exploitation, notamment concernant la répartition des revenus et les engagements d’investissement.
Le ministère de l’Énergie et du Pétrole prépare activement l’octroi de licences pour 10 nouveaux blocs pétroliers, dès septembre 2025. Comme l’a confirmé le ministre Opiyo Wandayi à Reuters, ces concessions sont « stratégiquement situées dans les bassins de Lamu et d’Anza, des régions avec des découvertes prouvées, et un potentiel important encore inexploité ». Cette initiative s’inscrit dans un effort d’exploration accru : le régulateur pétrolier kényan a révélé dans son rapport 2023/2024 que 94 puits d’exploration avaient déjà été forés dans quatre bassins couvrant 485 000 km² (Lamu, Anza, Mandera et le rift tertiaire). Bien qu’aucune estimation précise des ressources découvertes n’ait été communiquée, ces travaux démontrent l’intérêt croissant des compagnies pétrolières pour le sous-sol kényan.
Réduire la dépendance énergétique
Le Kenya importe près de 90% de ses besoins en pétrole, ce qui pèse lourdement sur sa balance des paiements. Selon la Banque centrale du Kenya, les importations d’hydrocarbures ont coûté 4,2 milliards de dollars en 2022, représentant 20% des dépenses totales en importations. Une augmentation de la production locale permettrait, selon les experts, non seulement d’économiser des devises, mais aussi, de stabiliser les prix intérieurs, souvent volatils en raison des fluctuations du marché mondial. Le directeur de l’Energy and Petroleum Regulatory Authority (EPRA), Daniel Kiptoo, soulignait en 2024 que, chaque augmentation de 10 000 barils quotidiens en production nationale réduirait la facture énergétique de près de 300 millions de dollars par an.
Le corridor LAPSSET (Lamu Port-South Sudan-Ethiopia Transport), d’un coût estimé à 25 milliards de dollars, est la pierre angulaire de cette stratégie. Conçu pour relier les champs pétrolifères du Turkana au port de Lamu, il inclut un oléoduc de 820 km, un terminal pétrolier et une zone industrielle dédiée. Selon un rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD), ce projet pourrait attirer 5 milliards de dollars d’investissements privés, d’ici 2030. Parallèlement, le Kenya prévoit la construction d’une raffinerie à Lamu, d’une capacité de 120 000 barils par jour, afin de transformer localement une partie du brut et d’exporter des produits raffinés vers les pays voisins.
À cela s’ajoute le potentiel offshore de Lamu, où les études sismiques ont révélé des structures géologiques similaires à celles des champs productifs du Mozambique. Si l’ambition est claire, les obstacles restent nombreux. Les retards dans le financement du LAPSSET et les conflits fonciers dans le Turkana ralentissent les progrès. De plus, la chute des investissements dans les énergies fossiles, liée à la transition énergétique mondiale, pourrait compliquer la levée de fonds. Néanmoins, le Kenya mise sur une approche pragmatique : selon une analyse de Wood Mackenzie, le pays pourrait se positionner comme un fournisseur régional pour l’Afrique de l’Est, où la demande en pétrole devrait croître de 3% par an jusqu’en 2035.
Le Kenya se trouve à un carrefour stratégique. D’un côté, la fenêtre d’opportunité se réduit avec la baisse des investissements pétroliers globaux. De l’autre, ses besoins énergétiques croissants rendent cruciale la monétisation de ses ressources. La réussite du projet South Lokichar et le succès du nouveau cycle de licences seront déterminants pour savoir si le pays pourra enfin concrétiser ses ambitions pétrolières.