Du 6 au 8 juin 2023, les producteurs africains de café et de cacao sont réunis à Yaoundé, la capitale du Cameroun, pour réfléchir sur quelle réponse apportée à la menace des changements climatiques sur la cacaoculture et la caféiculture. C’est à l’occasion de la conférence scientifique internationale sur le thème « approche pratique d’adaptation de la culture du cacaoyer et caféier aux changements climatiques ».
Une problématique actuelle et dont l’importance n’est plus à démontrer car, les producteurs camerounais, tout comme ceux africains en général, ne pouvaient jusque-là que subir les effets des changements climatiques. Ils étaient sans armes pour lutter contre ce phénomène.
Car, comme le fait remarquer Dr Apollinaire Ngwe, président du Conseil Interprofessionnel du Cacao et du Café (CICC), pour la mise au point de nouvelles variétés résilientes aux variations climatiques, cette solution, pense-t-il, appelle à la mise en œuvre des travaux de recherche dont les résultats ne pourraient être disponibles qu’à long terme. Les planteurs ne peuvent donc qu’attendre.
Aussi, l’irrigation des plantations de cacaoyers et de caféiers, impose la mobilisation des moyens conséquents à la portée de quelques grands producteurs seulement. Plus de 80% de la production de cacao et de café est issue de petites exploitations tenues par des planteurs aux revenus plutôt modestes. Les producteurs seront peut-être un jour mieux rémunérés pour s’offrir de bons systèmes d’irrigation.
D’ici là, ils (les petits planteurs) devront encore attendre, conclut le président du CICC. Enfin, l’agroforesterie, dans les pays où elle est pratiquée, l’agroforesterie relève des habitudes ancestrales. Pour ceux qui ne la pratiquent pas encore, c’est-à-dire la majorité des producteurs de cacao et de café, la mise en place des systèmes agroforestiers consiste à adopter de nouveaux comportements. C’est un processus long et incertain. Une fois de plus, les petits planteurs attendront que les habitudes s’installent, constate Dr Apollinaire Ngwe.
Conséquence, il faut « observer et agir ». Et, c’est justement l’approche que propose le CICC pour faire face aux changements climatiques dans la culture du cacao et du café. C’est cette réponse qui est présentée à la communauté des producteurs et scientifiques venus de différents pays, à l’occasion de la conférence scientifique internationale, qui s’est ouverte le 6 juin 2023 à Yaoundé.
En effet, le CICC a confié au Cabinet d’expertise en recherche et conseils agricoles (Cerca), les travaux de recherche, qui ont débouché sur l’offre camerounaise à l’économie cacaoyère et caféière mondiale. Les résultats de cette recherche menée depuis 2013 ont privilégié l’observation de la plante tout au long des saisons. Cette observation a permis de déceler à chaque période de l’année et en fonction des bassins de production, des anomalies survenues sur la plante du fait des effets des changements climatiques, de proposer des traitements dédiés, ainsi que des pratiques à éviter par les producteurs.
Par exemple, peut-on lire dans le guide produit au terme des différentes recherches, pendant la période post-récolte, qui se situe entre les mois de janvier et mars, selon les bassins de production, les changements climatiques se traduisent sur le cacaoyer par des cabosses momifiées, le dépérissement des plants et le vieillissement des feuilles. Pour faire face à ces phénomènes, conseille le guide,
Il faut couper toutes les cabosses momifiées et les mettre dans une fosse hors du champ, éliminer les gourmands et toutes les branches pendantes portant de vieilles feuilles à l’aide d’une manchette bien tranchante, et veiller à avoir un nombre d’arbres autre que le cacaoyer suffisant pour atteindre 40% de lumière et 60% d’ombrage.
Mais surtout, « ne pas laisser les cabosses momifiées trainer dans le champ », apprend-on. Cette méthodologie est appliquée à toutes les étapes du cycle de production du cacao, des cafés robusta et arabica.
Baptisée « observer et agir », cette approche est actuellement implémentée, à titre expérimental, dans une vingtaine de plantations de cacao et de café au Cameroun, révèle le Dr Joseph Mouen Bedimo, promoteur du Cerca. Selon le CICC, l’approche camerounaise présente l’avantage de pouvoir être implémentée par tous, particulièrement par les petits producteurs, qui représentent la plus grande proportion des producteurs de cacao et de café. Mieux, la démarche camerounaise tranche avec les trois pistes constamment proposées par la communauté scientifique internationale depuis des années.
S’exprimant à l’ouverture de la conférence scientifique qui s’achève le 8 juin prochain, le ministre camerounais de l’Agriculture et du Développement rural, Gabriel Mbairobe, a émis le vœu que cette approche d’adaptation aux changements climatiques dans les filières cacao et café soit rapidement déployée dans l’ensemble des bassins de production du pays, dupliquée dans d’autres pays producteurs, et étendue à d’autres spéculations.
Car, a-t-il fait remarquer, le cacao et le café ne sont pas les seules victimes de ce phénomène qui, selon lui, « perturbe l’économie mondiale et impacte des vies ».